Alphonse Rabbe, V.Hugo, Commentaire Linéaire.
Publié le 06/09/2018
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En effet, nous retrouvons ici l’image féminine divinisée au travers d’une personnification (v. 30 « Déesse ») qui semblablement à l’œuvre de Delacroix portant un drapeau, maintient « figure au bras d’airain » la victoire de la justice. Mais ici, contrairement à la peinture, ce n’est guère une victoire, mais une défaite âpre et amère, comme le démontre le champ lexical du trouble et mécontentement (v. 26 « jaloux », v. 27 « venge », v. 30 « ne doit avoir qu’un front serein », v.32 « écumante et folle de colère »).
Cette allégorie est suivie d’une cadence majeure puis d’un déséquilibre (1/5 // 3/3) : Hugo souffre, il souffre avec sa nation.
En étant écrivain, Victor Hugo ne vivait jamais hors de la société, il participait à sa vie socio-politique et cherchait non seulement à décrire les événements quotidiens, mais plus précisément à indiquer un idéal suivant lequel les gens pourraient vivre en paix. Le poème À Alphonse Rabbe est une parole lyrique adressée à son ami décédé, mais c’est à la fois une critique politique amère et désespérée. En effet, le défunt Rabbe montrait déjà l’état fragile et illusoire du gouvernement, dont Hugo ici reprend les idées, en dépeignant cette situation crépusculaire, voire même déjà bien sombre et sans espoir. Il doute, il se plaint, il regarde en arrière, mais reste toujours seul, sans solutions.

«
dans chaque strophe du recueil et transparessent sombrement dans ce poème.
Cette œuvre isométrique aux allures d’éligie se compose de cinq strophes en alexandrin.
Dédié à son
ami Alphonse Rabbe (1784 - 1829), historien et critique, Victor Hugo l’utilise ici comme l’image d’un
prophète disparu, au travers duquel il exprime sa propre opinion du présent.
L’ensemble est triste comme
pessimiste, prenant un accent qui s’inscrit parfaitement dans l’humeur du recueil, celui du déclin et de
l'avilissement, et exprime les inquiétudes de l’auteur.
Nous étudierons l’articulation en trois parties du poème, qui en premier lieu appelle le défunt Rabbe
pour lui présenter le sinistre état d’un monde sans lui, le couvre d’éloge en second lieu, pour enfin
s'accaparer de sa grandeur et exposer à travers sa voix une critique forte et désespérée.
En exprimant ainsi sa plainte élogieuse au défunt ami, l’auteur se lamente du manque de stabilité,
d’unité et de raison parmi les citoyens, regrettant l’absence d’une sagesse plus que nécessaire.
Le thème du crépuscule est ici profondément dépeint par Hugo, sous tous ses aspects, du triste au funèbre,
du déclin et au désespoir amer.
Dès la première strophe, un distique élégiaque qui n’est autre qu’un épigramme (v.2 « Sévère historien
dans la tombe endormi ! »), nous plonge dans l’obscurité qui dérange l’auteur.
Il parle à son ami mort voilà
6 ans, sous le trait d’un ton plaintif et plein de regret (v.1 « Hélas ! »).
Ce premier élan monte lentement au
travers d’une cadence majeure 2/4 // 2/4, et s’accentue par deux apostrophes (v.1 « ô Rabbe, ô mon ami »),
en s’arrêtant sur un épigramme en alexandrin classique (6 // 6).
Cette ascension est reprise en écho à la fin
du poème, marquant le tragique de ses sentiments.
Au douzain suivant, Hugo nous entraine dans l’intimité de ses pensées « funèbres » (v.
3), où Rabbe
représente implicitement un « flambeau » qui raie « les ténèbres » (v.3 et 4), c’est -à -dire les lueurs d’un
espoir.
La métrique du quatrième vers est particulièrement intéressante (1/5 // 3/3) : elle marque par sa
cadence majeure la solitude de l’auteur, en isolant le pied « Seul » (v.
4).
Il poursuit ce dizain par une
métrique régulière qu’il brise semblablement (1/5 // 3/3) dans l’avant-dernier vers (v.
13).
La peinture des
sentiments de Victor Hugo bascule entre le passé et le présent, à travers l’usage alterné des différents temps
ainsi que du champ lexical qui lui est propre (verbes : « fais », « ai pensé », « rayait », « manque », etc.
;
substantifs : « historien », « heures », « autrefois », « siècle », « temps », etc.).
Ce champ lexical se voit
doublé par celui de la mort (« tombe », « funèbres », etc.), renforçant ce dialogue sans réponse dans l’accent
du regret et des valeurs perdues (la noblesse v.
5 « noble ami », la justice v.
7 « pleine de l’équité »).
Louant Rabbe (v.
5 à 8), l’auteur poursuit en le prenant à témoin du sinistre paysage contemporain (v.
9 à 14), sous un rythme à la fois régulier et pesant (tétramètre à débit régulier et cadence majeure) qui
souligne le ton tragique.
Ce n’est qu’une introduction aux strophes suivantes qui s’articulent dans le même
ordre et esprit (il loue Rabbe, puis s’indigne sur l’état de la société).
La répétition du « manque » (v.
6 et 8)
accable, Hugo est dans la nostalgie du passé, un passé où la présence forte comme rassurante d’un Rabbe
devenu héros, l’aurait sauvé dans le temps présent.
Rabbe était l’ainé d’Hugo, et ce dernier, au travers de différentes occurrences littéraires telles que ce
poème, affiche une franche admiration pour celui qu’il appelle d’une belle apostrophe « Ô noble ami » (v.
5).
Les deux quatrains qui suivent les strophes introductives forment une élogieuse description de Rabbe,
qui est ici un guide, un prophète qui fait défaut lors que le besoin de sa présence se fait sentir (cf.
répétition.
»
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