Alphonse Daudet (1840-1897) : un talent conformiste

« des mas solitaires et de Mistral, des filles noires et du tragique.

Mieux, quelques-uns de ses personnages, vivant d'une vie presque autonome, appartiennent au folklore le plus commun : Tartarin, burlesque chasseur de casquettes, les passionnés de L'Arlésienne, la chèvre de M.

Seguin.

On a cependant montré récemment que Daudet proposait du Midi et de sa langue une représentation très idéologique qui consolide l'hégémonie de la France du Nord, de Paris et de la langue française.

Le Daudet le plus éventé est celui des.

romans de mœurs politiques : Le Nabab ( 1878).

roman à clés qui met en scène Morny, ministre d'Empire, sous les traits du duc de Mora, Les Rois en exil ( 1879).

histoire d'une famille royale de fantaisie réfugiée à Paris, Numa Roumestan (1880), qui a pour héros un politicien méridional (Gambetta?), L'Immortel (1888).

tableau d'une élection à l'Académie.

La fiction politique est un genre ambitieux et Daudet n'avait pas le souffle suffisant, lui l'artiste du conte et de la notation impressionniste, pour mettre en scène une machinerie sociale complexe puis en démonter les rouages.

Plus qu'ailleurs, l'échec est sensible dans Le Nabab, et pourtant c'est le texte qui peut encore le mieux forcer l'admiration par l'ambition de son projet.

L'auteur s'y est risqué à user d'une technique simultanéiste du récit qui, parallèlement, présente plusieurs milieux et relate plusieurs actions.

Mais la tentative, en dépit de son modernisme, reste fort maladroite ; elle est compromise par une sorte de théâtralité boulevardière dans la mise en scène du récit, théâtralité coutumière chez Daudet.

Avec Sapho ( 1884).

L'Evangéliste ( 1883), ou encore La Petite Paroisse ( 1895), Alphonse Daudet donne des romans plus intimistes dont l'univers est mieux à sa mesure.

Ces drames de la passion sensuelle, du mysticis:ne, de la jalousie, où se lisent des fantasmes comme celui de la femme envoûtante, restent comme les témoins valables d'un naturalisme tourné vers l'individu et la psy.chologie.

Daudet y prolonge les Goncourt, mais défend une morale conventionnelle par le biais de créatures assez falotes.

En fin de compte, il était moins doué pour le roman que pour des compositions de moindre envergure.

Il aimait à narrer des faits réels ou transposés du vécu sur le mode du conte et avec la liberté digressive de la lettre ; il fallait que le récit fût de courte durée et se déroulât sur le mode ironique. »