Alexandre Dumas : sa vie et son oeuvre
Publié le 18/11/2018
Extrait du document
Le voyageur
En août 1830, Louis-Philippe I, duc d'Orléans, succède à Charles X sur le trône de France. Le nouveau souverain ne tient pas rigueur à Dumas de son soutien aux révolutionnaires. La situation se stabilise : l'écrivain multiplie les projets et enchaîne les pièces. L'année 1831 a été faste, Antony lui ayant rapporté un bon pécule. La Tour de Nesle, en 1832, confirme l'irrésistible ascension de ce jeune auteur, qui vient tout juste de fêter ses trente ans. L'histoire terrible de Marguerite de Bourgogne, reine incestueuse qui tue ses amants d'une nuit, apportera à Dumas la première querelle sérieuse au sujet de la paternité de son œuvre. Son collaborateur Frédéric Gaillardet l'accuse de se l'être attribuée sans l'avoir consulté. Après un duel au pistolet, les tensions s'apaisent entre les deux hommes. Puis vient une période un peu creuse : les innovations apportées par Dumas, Hugo et les romantiques perdent du terrain au profit du style défendu par les classiques.
En 1833, Alexandre Dumas effectue son premier voyage en Suisse, qui sera suivi par d'innombrables périples. L'auteur se lance dans la rédaction de ses Impressions de voyage, qu'il ne cessera d'enrichir au gré de ses pérégrinations. Il rédige un récit picaresque, se mettant en scène avec un humour certain, ajoutant des chroniques historiques, des contes et légendes traditionnels. L’écrivain visitera la Russie, l'Italie, l'Espagne, la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, l'Angleterre, l'Afrique du Nord; il séjournera trois ans à Naples, de 1861 à 1864. La passion de Tailleurs ne le quittera plus. C'est surtout l'Orient qui l'attire profondément, pourtant il n'y posera jamais le pied. Ces contrées lointaines le fascinent et l'on retrouve d'ailleurs dans ses œuvres quelques portraits témoignant de cette passion, comme celui d'Haydée, la protégée du comte de Monte-Cristo, belle comme le jour et mystérieuse.
ALEXANDRE LE GRAND
«Aristocrate par son père, bourgeois par sa mère, peuple par nécessité, il n'est nulle part. Il veut être partout » Cette description d'Alexandre Dumas par Claude Schopp, l'un de ses biographes actuels les plus réputés, symbolise bien l'écrivain à l'orée de sa gloire. L'homme qui a donné ses quartiers de noblesse aux romans de cape et d'épée et qui, avec un génie extraordinaire, a publié plus de deux cents ouvrages, a toute sa vie cherché à se hisser parmi les plus grands. S'il n'y est pas totalement parvenu, ses livres sont restés dans le répertoire des classiques français, séduisant encore et toujours d'innombrables lecteurs.
L'ÉCLAT DE LA JEUNESSE
Un fort tempérament
Alexandre Dumas Davy de La Pailleterie naît à Villers-Cotterêts, dans l'Aisne, le 24 juillet 1802. Son père est un général de Napoléon, dont la carrière a été stoppée en plein élan par l'Empereur. Sa santé est fragile, en raison d'une longue captivité dans les prisons du roi Ferdinand de Naples. Lorsqu'il meurt, Alexandre n'a que quatre ans. Il ressentira toute sa vie l'absence douloureuse de ce père, dont il adopte le patronyme. Ses efforts pour rallier les salons littéraires bonapartistes à Paris, cherchant l'approbation de ceux qui avaient rejeté son père, témoigneront de son désir de cautériser cette blessure. Le choix de ce patronyme n'est pas anodin : petit-fils de hobereaux normands, il est aussi descendant d'une esclave de Saint-Domingue, Marie Cessette Dumas. Son apparence physique, avec ses cheveux crépus, rappelle cette origine. La mort du père laisse la famille avec peu de ressources. Mais le jeune Alexandre, qui mord déjà la vie à pleines dents, n’en a cure. Il se passionne pour la chasse, préfère batailler à l'épée avec ses amis plutôt que d'étudier: ses goûts préfigurent les thèmes de prédilection de ses œuvres. Les femmes l’intéressent également prodigieusement : à seulement seize ans, il séduit une jeune fille. Dès lors, l'amour des femmes ne le quittera plus. Il décrira parfaitement son enfance et son adolescence somme toute heureuses, malgré la pauvreté, dans Ange Pitou (1850) : le récit largement inspiré de ses souvenirs, relate la vie d'un jeune homme originaire de Villers-Cotterêts pendant les premières années de la Révolution.
L'envol
Si Alexandre vit avec frénésie, il s'intéresse peu aux études.
Sa rencontre avec Adolphe de Leuven, jeune vicomte des environs qui fait des vers, apporte une révélation : son avenir est dans la littérature. Il monte une première pièce à Villers-Cotterêts, se passionnant pour le théâtre. S'inquiétant de son avenir, sa mère le place comme employé chez un notaire ami de la famille. Mais Dumas, au tempérament trop tumultueux, cherche bien vite à s'échapper: il se décide à affronter Paris afin de conquérir la gloire dont il rêve. Il obtient une place d'employé chez le duc d'Orléans, grâce â sa belle écriture. Il passe son temps libre à la Comédie-Française, à écumer les salons littéraires, à lire les auteurs comme Walter Scott, Wolfgang Goethe, lord Byron ou Fenimore Cooper, et à écrire. Son protecteur, le général Foy, ami de son père, lui offre malgré lui la première occasion de se distinguer. Touché par son décès, Dumas compose l'Êlégie sur la mort du général Foy, en 1825, qui ne lui vaut pas la fortune, mais le fait remarquer. Parallèlement avec son ami Leuven, il écrit, sous le nom de Davy, La Chasse et l'Amour, un vaudeville qui sera représenté au théâtre de l'Ambigu-Comique. Les deux œuvres lui ouvrent des portes, et son nom commence â circuler.
Les premiers succès
Dumas qui est introduit dans les salons littéraires proches du duc d'Orléans, se dit romantique à une époque où le
«
DUMAS
ET SES NÈGRES
A la façon des artistes peintres
italiens comme Michel-Ange, Dumas
dirige presque un atelier de création
littéraire! Gourmand de la vie,
goûtant à tous les plaisirs, il
façonne ses histoires en piochant
indifféremment dans la presse,
les romans, les pièces de théatre
ou les feuilletons qui lui tombent sous
les yeux.
Pas moins de cinquante et
un collaborateurs occasionnels ou
durables, appelés « nègres » dans le
jargon littéraire, ont été recensés par
les spécialistes de l'œuvre de Dumas.
Quelques noms sont passés à la
postérité, comme Gaspard de
Cherville, Jules Lacroix, François-Paul
Meurice,
Xavier de
Montépin ...
Le plus célèbre ...,,..
•.
,.demeure
Allgtlste MlltfWt, avec
lequel Dumas bâtit
la trilogie des Mousquetaires.
Leur méthode de travail est bien
rodée: Maque! établit le sujet.
le plan et l'intrigue, puis Dumas
reprend l'ensemble, allongeant
le récit, transformant le plan et
écrivant l'histoire avec son style
inégalable.
les collaborations
s'achèvent de manière peu heureuse,
Dumas devant souvent de fortes
sommes à ses nègres.
Face à ses
détracteurs l'accusant de ne pas être
l'auteur de ses romans, l'ècrivain
répond ainsi : «Ce sont les hommes,
et non pas l'homme qui inventent.
Chacun arrive à son tour et son
heure, s'empare des choses connues
de ses pairs, les met en œuvre par
des combinaisons nouvelles puis
meurt aprés avoir ajouté quelques
parcelles à la somme des
connaissances humaines.
Quant
à la création complète d'une chose,
je la crois impossible [ ...
[ L'homme
de génie ne vole pas, il conquiert.
» Marly,
celui de Monte-Cristo, dont
Honoré de Balzac dira:« C'est la plus
royale bonbonnière qui existe!»
Et il ne cesse de publier: en 1845,
Vingt Ans après, deuxième volet
des Trois Mousquetaires; en 1846,
Le Chevalier de Maison-Rouge,
Joseph Balsamo; en 1847,
Les Quarante-Cinq, Le Vicomte
de Bragelonne.
C'est à se demander
quand il trouve le temps d'écrire!
Pendant cette période, il doit
se défendre contre ceux qui l'accusent
de plagiat ou encore de ne pas écrire
lui-même ses livres.
Et durant toutes
ces années, il voyage inlassablement.
Il est au sommet de sa gloire, adoré
par le public, encensé par les critiques,
malgré les jalousies.
Son imagination
est sans bornes.
Une anecdote restée
célèbre est celle de la genèse
du Comte de Monte-Cristo: Dumas,
feuilletant Les Mémoires de la police
de Peuchet, y lit le récit d'un fait
divers sous la seconde Restauration.
Le compte rendu relate la vie
d'un homme injustement accusé
1-------------;--------------j et
spolié de tout.
A partir de ces trois
roman.
Cette nouvelle forme d'écriture,
qu'il magnifiera, se révélant génial dans
la composition de ses livres, s'impose
peu à peu à lui.
C'est le succès des
Mystères de Paris
d'Eugène
sue,
parus sous
forme de feuilleton
en 1842, qui
le convainc
de s'engager
dans cette
voie sans plus hésiter.
Dumas ne sait
pourtant pas où donner de la tête:
faut-il opter pour un roman sentimental,
mondain, fantastique? Sa première
tentative, Le Chevalier d'Harmental,
en 1841, augure de la carrière
fabuleuse de Dumas comme romancier.
C'est aussi le début de sa fructueuse
collaboration avec Auguste Maque!,
ainsi qu'un clin d'œil aux Trois
Mousquetaires, publiés trois ans plus
tard.
L'histoire de cette conspiration
contre le régent Philippe d'Orléans
entremêle habilement les destinées
individuelles et l'Histoire.
Le genre est
sans conteste celui de cape et d'épée,
que Dumas portera à son apogée.
Surtout, le roman est optimiste, gai,
presque baroque, à l'opposé
de la mélancolie romantique.
Tout dans
ce récit porte en germes la «méthode»
Dumas.
Mais c'est réellement en 1844 que sa
vie bascule: tes Trois Mousquetaires
constituent un tel triomphe que les
journaux se l'arrachent pour le publier en
feuilleton.
Il y aura d'ailleurs une
concurrence similaire autour de ses
prochains romans qui se succèdent à
1111""' � ..
un train
d'enfer: en un an,
il en
publie quatre,
dont
la Reine
Margot, pages,
Dumas produira huit volumes
d'une richesse incomparable ...
La révolution de 1848 se profile avec,
à l'horizon, un avenir bien plus
sombre pour celui qui aura réussi
à mettre Paris à ses pieds, malgré
ses cheveux crépus et ses excentricités.
lA CHUTE
La revolution de février 1848 voit
l'abdication de Louis-Philippe, duc
Le Comte '
D UIU de
[
AuDIIIDRE
Monte·
Cristo et
La Fille du régent.
Dumas le tumultueux
se pose et choisit son camp en
littérature: celui des romans
historiques.
LA DIFFICILE VIEILLESSE
Nous sommes en 1847.
Dumas, fier
---
-.
....
---- de ses
œuvres et
de leurs
succès,
pourrait jouir
d'une
retraite
paisible
à l'abri
du
m'aime.» Dumas
inaugure
son propre
théâtre,
le Théâtre
Historique,
en février.
......
�t'fJIIII!'!il.:�llr" En juillet,
il se fait
bâtir un
château
. :911 à
Port- d'Orléans,
et la révolte du peuple,
porteuse de rénovation sociale.
En février, l'Assemblée nationale
proclame la lt' République.
Dumas imagine alors que le moment
est venu pour lui de se lancer
en politique, en souvenir de son
engagement de 1830.
Mais les
désillusions s'accumulent: chacune
de ses candidatures ne récolte
qu'un nombre de voix ridicule.
Son extravagance, son mode de vie
fantaisiste et déluré ne rassurent
guère.
On le préfère romancier.
La crise des théâtres, le marasme
économique, ainsi que le droit
de timbre qui frappe les journaux
publiant les feuilletons le ruinent.
Dumas doit vendre son château
aux enchères en 1849, tout
en continuant à écrire avec énergie:
en cette sombre période, il publie
Le Collier de la reine, Les Mille et Un
fant6mes, La Tulipe Noire et Ange
Pilou.
En 1850, le Th éâtre Historique
est en faillite, et Dumas, poursuivi pour
dettes.
la situation s'aggrave: après le
coup d'État de décembre 1851, l'écrivain
se voit contraint de s'enfuir en Belgique
où il retrouve Victor Hugo, opposant à
Napoléon Ill.
La publication des
Mémoires, en 1852, intervient à un
moment crucial de son existence, car
même son collaborateur Auguste
Maque! rend sa plume.
C'est en 1853 qu'il
revient à Paris, tentant d'y
reconquérir sa place en fondant son
propre journal, Le Mousquetaire,
purement littéraire et au nom
symbolique,
tout en négociant
sa faillite.
Fidèle
������
� à ses héros,
;; Dumas ��� ���
possède
le même
sens des
finances
que
d'Artagnan: l'argent n'est qu'un moyen,
pas une fin en soi.
Il faut vivre, espérer
sans cesse.
L'aventure journalistique
dure peu, seulement quatre ans.
Dumas est désormais considéré comme
un auteur ayant ses œuvres majeures
derrière lui.
LA FIN
Et pourtant, il écrit encore.
Ses admirables Mohicans de Paris
ou Compagnons de Jéhu, publiés
respectivement en 1854 et 1857,
sont des monuments du genre.
Il y révèle une fois de plus son
talent, passant de la description
de la bourgeoisie à celle des
bas-fonds avec une facilité
déconcertante, bâtissant des
intrigues surprenantes.
Dumas
enchaîne alors les voyages, fuyant
ceux qui ne l'appellent plus
Dumas, mais Dumas Père depuis
que son fils a conquis le public
avec sa Dame aux camélias (1852).
Plus humiliant encore, certains
le nomment le père Dumas, avec
un ton moqueur.
De juin 1858
à mars 1859, c'est la Russie qu'il
arpente, appréciant avec bonheur
ce nomadisme.
Rentré à bon port,
il acquiert une goélette afin
de découvrir la Méditerranée,
dans l'espoir de pousser jusqu'en
Égypte.
Mais il ne s'y rendra jamais.
L'Histoire le conduit vers Naples,
où sa rencontre avec Garibaldi,
révolutionnaire italien, lui fait
pousser des ailes.
Féru d'action,
il n'hésite pas à aider celui-ci
en lui procurant des armes venant
de Marseille.
En récompense,
LE GÉNIE DE PÈRE EN FILS
Le premier des enfants de Dumas,
Alu•llllre (1824-1895), fruit
de la liaison de Dumas avec Laure
Labay, légitimé en 1831, s'engage
dans les pas de son père avec
prestige.
loin d'être écrasé par
l'ombre paternelle, Dumas fils Garibaldi
le nomme directeur
des Musées et fouilles de Naples.
Dumas y séjournera trois ans
et y écrira La San Felice, son dernier
grand roman historique qu'il
qualifie de« monument à la gloire
du patriotisme napolitain
et à la honte de la tyrannie
bourbonienne».
En 1864, Dumas
tente une dernière reconquête de Paris,
qui échoue misérablement.
Ses essais
de journaux
ratent il peine
même
à écrire,
achevant
difficilement
ses romans.
Sa Causerie
sur son
ami Eugène
Delacroix
remportant en 1864 un certain succès,
il se décide à partir en Europe pour
une tournée de conférences, tout
au long de l'année 1865.
A son retour,
' Dumas
n'est plus
le superbe
écrivain
fougueux
qui
a su
relever
plusieurs
fois
la tête.
Il s'installe
auprès de sa fille, Marie-Alexandrine,
qui cache tant bien que mal
la déchéance de son père, fatigué
et malade.
Dumas trouve pourtant
encore l'énergie nécessaire pour
rassembler les éléments de son
Grand Dictionnaire de cuisine,
qui sera publié à titre posthume
en 1873.
En fin gourmet
et cuisinier émérite, l'écr(vain
était passionné par l'art culinaire.
Cette œuvre mal connue rassemble
recettes, souvenirs et anecdotes
en tous genres, faisant les délices
des gastronomes.
En 1870,
après un dernier voyage en Espagne,
Dumas s'installe chez son fils,
près de Dieppe, où il s'éteint,
le 5 décembre.
est l'auteur d'un roman publié
en 1848 qui remporte un succès
phénoménal, La Dame aux
camélias, porté au théatre en t852
Comme son père, il s'inspire d'un fait
réel pour relater l'amour impossible
entre une courtisane et un jeune
bourgeois.
les relations entre les
deux hommes sont complexes :
Dumas fils partage une vive
complicité intellectuelle
avec son père, tout en rejetant
ses mœurs légères.
les relations
houleuses entre son père
et sa mère lui inspirent d'ailleurs
des pièces telles que Le Fils naturel
ou Un père prodigue, dans
lesquelles il prend la défense
des femmes délaissées et des
enfants illégitimes.
Alors que
Dumas père n'est jamais parvenu
à se faire accepter par la bonne
société, Dumas fils a été élu
à l'Académie française..
»
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