Alchimie du verbe
Publié le 23/11/2013
Extrait du document


«
souvent méprisées en comparaison à l’art savant, l’art académique mais qui peut-être préservent une authenticité
que valorisait alors Rimbaud.
L’opposition entre les arts savants et les arts populaires est traduite par le verbe « j’aimais » l.4, dont tous les
compléments correspondent à des formes d’art populaire.
Elle est également relevée par l’ordre identique des deux
phrases, qui proposent en premier la « peinture » et ensuite l’écrit : la « poésie moderne » l.3 ou la
« littérature démodée» l.5, et les adjectifs « démodée » et « moderne » s’opposent.
On peut remarquer le champ lexical de l’écriture : « littérature, livres (« les livres érotiques sans orthographe » :
ne sont constitués que d’images, pas d’écrit donc pas besoin d’orthographe), romans, contes, petits livres, opéras,
refrains ».
La dimension populaire apparaît dans les adjectifs ou compléments du nom, chacun peut avoir eu accès
à ces ouvrages : « de nos aïeules, de l’enfance » ; les contes de fées font partie d’une tradition populaire, les livres
d’images érotiques aussi.
L’énumération, sous forme de parataxe donne un aspect fourre-tout à cet art populaire, à l’image de celui-ci et
comporte peut-être une dimension moqueuse, du moins amusée, qui laisse prévoir les jugements négatifs de la
suite du texte.
Cependant si les adjectifs « niais » et « naïfs » semblent dévalorisants, ils sont à comprendre comme
pour l’adjectif « idiotes » : Rimbaud aimait cette simplicité, et on remarque dans le choix des termes qui clôturent
l’énumération : « refrains niais, rythmes naïfs », un travail de rythme en 4/4, mais aussi un travail d’allitérations en
[r], [t], [f] et d’assonance dans la répétition des différents sons, proches entre eux, de la syllabe –ai–, qui laissent
présager l’accès à une parole créative que permet peut-être cet art populaire.
2) Une autre conception esthétique de Rimbaud est exprimée à travers la recherche d’un langage
nouveau, quel est-il ?
A.
Le langage nouveau dont il est question
Rimbaud voulait expérimenter et traduire ce qui n'était pas encore formulé : « je me flattai d'inventer un verbe
poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens » l.
12/13 et « je notais l'inexprimable » l.15.
Sa recherche d'un nouveau langage se fondait à la fois sur ses expériences : « je croyais à tous les
enchantements » l.10, « je voyais très franchement une mosquée à la place d'un usine » l.
18, et sur son travail
d'écriture : « J'inventai la couleur des voyelles » l.11, « je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne »
l.11/12.
On remarque qu'il fait référence notamment à son poème « Voyelles » écrit entre la fin de 1870 et 1871,
dans lequel il tente de définir par un jeu de synesthésies les évocations que lui inspirent les sons.
La notion de quête apparaît avec la phrase brève : « Ce fut d'abord une étude » l.15, mais aussi des lignes 11 à
16, par d'autres phrases brèves ou des phrases longues construites par juxtaposition de propositions courtes, toutes
organisées par des verbes d'action : « j'inventai, je réglai, j'écrivais, je notais, je fixais », ces effets de parataxe
semblent indiquer la frénésie de cette quête d’alors.
Son choix de s'exprimer en prose pour évoquer cette quête poétique, avec pourtant un travail ciselé par des
retours à la ligne fréquents, créant de courtes unités de sens, resserrant en quelques pages ce sujet « Alchimie du
verbe », illustre un travail sur la langue également.
« Alchimie du verbe » : ce titre met l'accent sur la volonté de créer une langue nouvelle: un alchimiste
transforme le métal en or, à partir d'un matériau brute, ici la langue, le poète qui se définit comme alchimiste,
inventeur, enchanteur, produit un nouveau matériau, avec toutes les connotations valorisantes de « l'or ».
Il donne
à sa création poétique une dimension hermétique et mystique également, par cette référence à l'alchimie qui est
une science occulte, gardée secrète, associée à des considérations mystiques.
B.
Une prise de distance par rapport à cette quête poétique
Cependant certains éléments de cette quête sont évoqués avec une certaine distance.
En effet, les verbes tels
que « Je me vantais » l.2, « je rêvais » l.8, « je me flattai » l.12 induisent une sorte de vanité dans cette quête, et
peut-être l'absence de réalisation concrète du projet, resté à l'état de rêve et de velléité.
D'ailleurs, « Je réservais la
traduction » l.13/14, montre que le travail de traduction pour rendre accessible ce nouveau langage a été remis à
plus tard, n'a pas été réalisé.
La progression du poème va aussi dans le sens d'une prise de distance : évocation d’abord ludique,
enchanteresse, lignes 1 à 16, le terme de « folie » dès la ligne 1 est certes un signe avant coureur, mais il peut ne
pas être pris au sens clinique à la première lecture, plutôt comme une « fantaisie », par l'utilisation de l'article
indéfini et le partitif « une de », or les lignes 17 à 30, révèlent ensuite une expérience des limites de la raison
dangereuse pour la santé du poète.
3) Enfin, le regard rétrospectif que Rimbaud porte sur ses propres expériences, révèle également une
esthétique de vie et d’écriture qu’il semble désavouer.
A.
Le récit rétrospectif d’une folie
Cette quête d'un langage nouveau fait partie du passé de Rimbaud au moment où il écrit « Alchimie du
verbe ».
Texte écrit après 1871 date du poème « Voyelles », comme l'indique le système d'énonciation au passé :
les verbes à l' imparfait « je croy ais » l.
10 et au passé simple « j'expliqu ai » l.
22 (attention aux terminaisons à la.
»
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