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Albert Camus, Noces à Tipasa

Publié le 09/03/2011

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camus

(Camus, alors âgé de 22 ans, évoque le printemps à Tipasa, ville antique à demi ruinée, à une soixantaine de kilomètres d'Alger, entre la montagne et la mer.) « Avant d'entrer dans le royaume des ruines, pour la dernière fois nous sommes spectateurs. « Au bout de quelques pas, les absinthes nous prennent à la gorge. Leur laine grise couvre les ruines à perte de vue. Leur essence fermente sous la chaleur, et de la terre au soleil monte sur toute l'étendue du monde un alcool généreux qui fait vaciller le ciel... Ici, je laisse à d'autres Tordre et la mesure. C'est le grand libertinage de la nature et de la mer qui m'accapare tout entier. Dans ce mariage des ruines et du printemps, les ruines sont redevenues pierres, et perdant le poli imposé par l'homme, sont rentrées dans la nature. Pour le retour de ces filles prodigues, la nature a prodigué les fleurs. Entre les dalles du forum, l'héliotrope pousse sa tête ronde et blanche, et les géraniums rouges versent leur sang sur ce qui fut maisons, temples et places publiques. Comme ces hommes que beaucoup de science ramène à Dieu, beaucoup d'années ont ramené les ruines à la maison de leur mère. Aujourd'hui enfin leur passé les quitte, et rien ne les distrait de cette force profonde qui les ramène au centre des choses qui tombent. « Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. « Albert Camus, Noces à Tipasa.

 • Le sujet indique : Dans un commentaire composé de ce fragment, vous vous efforcerez de mettre en évidence la qualité de l'évocation des ruines, la puissance des sensations, la force suggestive de certaines images.

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