Albert CAMUS, La Mort heureuse. Commentaire
Publié le 16/09/2011
Extrait du document
Il lui fallait maintenant s'enfoncer dans la mer chaude, se perdre
pour se retrouver, nager dans la lune et la tiédeur pour que se taise
ce qui en lui restait du passé et que naisse le chant profond de son
bonheur. Il se dévêtit, descendit quelques rochers et entra dans la
mer. Elle était chaude comme un corps, fuyait le long de son bras, et
se collait à ses jambes d'une étreinte insaisissable et toujours
présente. Lui, nageait régulièrement et sentait les muscles de son
dos rythmer son mouvement. A chaque fois qu'il levait un bras, il
lançait sur la mer immense des gouttes d'argent en volées, figurant,
devant le ciel muet et vivant, les semailles splendides d'une
moisson de bonheur. Puis le bras replongeait et, comme un soc
vigoureux, labourait, fendant les eaux en deux pour y prendre un
nouvel appui et une espérance plus jeune. Derrière lui, au battement
de ses pieds, naissait un bouillonnement d'écume, en même temps
qu'un bruit d'eau clapotante, étrangement clair dans la solitude et le
silence de la nuit. A sentir sa cadence et sa vigueur, une exaltation le
prenait, il avançait plus vite et bientôt il se trouva loin des côtes,
seul au coeur de la nuit et du monde. Il songea soudain à la
profondeur qui s'étendait sous ses pieds et arrêta son mouvement.
Tout ce qu'il avait sous lui l'attirait comme le visage d'un monde
inconnu, le prolongement de cette nuit qui le rendait à lui-même, le
coeur d'eau et de sel d'une vie encore inexplorée. Une tentation lui
vint qu'il repoussa aussitôt dans une grande joie du corps. Il nagea
plus fort et plus avant. Merveilleusement las, il retourna vers la rive.
A ce moment il entra soudain dans un courant glacé et fut obligé de
s'arrêter, claquant les dents et les gestes désaccordés. Cette
surprise de la mer le laissait émerveillé. Cette glace pénétrait ses
membres et le brûlait comme l'amour d'un Dieu d'une exaltation
lucide et passionnée qui le laissait sans force. Il revint plus
péniblement et sur le rivage, face au ciel et à la mer, il s'habilla en
claquant des dents et en riant de bonheur.
Albert CAMUS, La Mort heureuse.
Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourrez, par exemple, étudier comment Camus suggère le bonheur qu'engendre cette plongée régénératrice dans les flots.
«
vigoureux, labourait, fendant les eaux en deux pour y prendre un nouvel appui et une espérance plus jeune.
Derrière lui, au battement
de ses pieds, naissait un bouillonnement d'écume, en même temps qu'un bruit d'eau clapotante, étrangement clair dans la solitude et le
silence de la nuit .
A sentir sa cadence et sa vigueur, une exaltation le prenait, il avançait plus vite et bientôt il se trouva loin des côtes, seul au cœur de la nuit et du monde .
Il songea soudain à la profondeur qui s'étendait sous ses pieds et arrêta son mouvement .
Tout ce qu'il avait sous lui l'attirait comme le visage d'un monde
inconnu, le prolongement de cette nuit qui le rendait à lui-même, le cœur d'eau et de sel d'une vie encore inexplorée.
Une tentation lui vint qu'il repoussa aussitôt dans une grande joie du corps.
Il nagea plus fort et plus avant.
Merveilleusement las, il retourna vers la rive.
A ce moment il entra soudain dans un courant glacé et fut obligé de
s'arrêter, claquant les dents et les gestes désaccordés .
Cette
surprise de la mer le laissait émerveillé .
Cette glace pénétrait ses
membres et le brûlait comme l'amour d'un Dieu d'une exaltation
lucide et passionnée qui le laissait sans force.
Il revint plus
péniblement et sur le rivage, face au ciel et à la mer, il s'habilla en claquant des dents et en riant de bonheur.
Albert CAMUS, La Mort heureuse.
Vous ferez de ce texte un commentaire composé.
Vous pourrez, par exemple, étudier comment Camus suggère le bonheur qu'engendre
cette plongée régénératrice dans les flots.
L'épreuve de la maladie à l'âge de dix-sept ans et la pensée de la
mort expliquent sans doute en partie que tout un versant de
l'œuvre de Camus
se présente comme un hymne à la vie et à la
nature .
Tous ses romans, même les plus sombres, sont marqués
par
la passion du soleil et de la mer, qui semble culminer en 1938
avec l'essai qui célèbre
les Noces de l'homme avec le monde.
Mais
déjà, dans La Mort heureuse, une œuvre de jeunesse publiée de
façon posthume, Camus chantait
la puissance de l'instinct et la
communion avec les éléments naturels.
Dans une page d'une
grande sensualité,
il évoque ainsi un bain de mer qui consacre
l'union parfaite de l'homme et de
la nature, source de bonheur et
instrument d'une véritable renaissance.
Cette plongée dans
la mer est décrite par Camus de façon
extrêmement sensuelle.
Le personnage a de la mer et de la nature
tout entière une perception très concrète, physique.
Il est assailli
par des sensations contraires qui l'émerveillent : à la chaleur, à la
« tiédeur » du premier contact s'oppose le « courant glacé ,.
qui.
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