AFRIQUE NOIRE (littératures moderne et contemporaine d').
Publié le 13/02/2019
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AFRIQUE NOIRE (littératures moderne et contemporaine d').
Les origines et la primauté francophone. Si la Chine, les « îles fortunées » et le pays des Iroquois ont profondément marqué l'imaginaire européen pendant une bonne partie du xviiie s., il faut par contre attendre l'aube du xixe pour que s'ébauche un réel intérêt à l’égard du continent africain, longtemps ignoré des voyageurs. En 1830, cependant, la publi
cation par René Caillié du célèbre Journal d'un voyage à Djenné et à Temboctou marque le coup d'envoi d'une abondante littérature d'exploration à laquelle les premières expéditions coloniales vont bientôt conférer un succès d'actualité. Missionnaires, administrateurs et officiers rivalisent alors de témoignages ethnographiques, et, dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les premiers écrivains africains, le Sénégalais Ousmane Socé, dans Karim (1935), le Dahoméen Paul Hazoumé, auteur de Doguicimi (1938), ou le Soudanais Fily Dabo Sissoko se soient montrés attentifs à l'évocation d'une tradition dont chacun comprend qu'elle est menacée de toutes parts. Déjà, quelques années auparavant et au moment même où Biaise Cendrars publiait son Anthologie nègre, le Guyanais René Maran avait dépeint dans Batouala les effets destructeurs du système colonial sur les sociétés traditionnelles de l'Oubangui-Chari, et par le succès de scandale qu'il obtint, en raison surtout de sa préface retentissante, le prix Goncourt 1921 peut être considéré comme le point de départ de la littérature africaine d'expression française. D'ailleurs, les premiers lecteurs africains ne s'y trompèrent pas, et Batouala devint le livre de chevet de l'intelligentsia noire. Cette prise de conscience de l'éminente dignité des cultures africaines et du danger que représente pour elles la pénétration coloniale est indissociable d'une série de bouleversements qui ébranlent le monde à l'aube du xxe s. Au brassage humain, avec toutes les conséquences qui en découlent, dû à la participation massive des « tirailleurs sénégalais » aux combats de la Première Guerre mondiale s'ajoute en effet, dans les années 20, une profonde remise en question de la primauté des civilisations occidentales. Sous l'influence d'ethnologues comme Léo Frobenius {Und Africa sprach, 1912), Maurice Delafosse (l'Âme nègre, 1922) ou Théodore Monod, l'idée s'impose peu à peu que « le Noir n'est pas un homme sans passé », et qu'il serait donc absurde de continuer à regarder l'Afrique « comme une table rase à la surface de laquelle on peut bâtir
«
ab
nihilo, n'importe quoi » (préface à
Karim).
Ce mouvement de relativisme
culturel, auquel s'ajoutent en Halti les
effons entrepris par le docteur Jean
P ri ee-M ar s (Ainsi parla l'Oncle date de
1928), ne va pas tarder à être repris en
compte par les intellectuels noirs ras
semblés aussi bien à Londres qu'à Paris,
donnant ainsi naissance à ce qu'on
appellera plu s tard le courant de la
négritude.
Sa prem iè re expression avant
la lett re fut une sone de manifeste
programme au titre provocateur, Légi
time Défense, publié en 1932, mais c'est
sunout autour du journal l'Étudiant
noir, fondé à Paris en 1934 par Léon
Damas, Aimé Césaire et Léopold Seng
hor.
que se cris tallisèrent les revendica
tions et les aspirations à une renaissance
culturelle noire.
D'inspiration principa
lement francophone à ses débuts.
ce
mouvement n'allait pas tarder à provo
quer une extraordinaire flambée lyrique
qu'illustrent les recueils désormais clas
siques de Damas (Pigments, 1937; Black
Label, 1956; Névralgies, 1966), d'Aimé
Césaire (Cahier d'un retour au pays
natal, 1939; Ferrements, 1960; Cadas
tre, 1961).
de Léopold Sédar Senghor
(Chants d'ombre, 1945; Hosties noires,
1948; Éthiopiques.
1956) et de Jacques
Rabemananjara (Antsa, 1948).
À l'ori
gine de ce sursaut poétique, il faut
imaginer le commun désir de tous ces
hommes d'échapper à la suprématie de
la culture occidentale et de renouer avec
un passé qu'on leur avait appris à
mépriser ; on ne s'étonnera donc pas de
l'imponance prise par le thème du
retour aux sources et par le sentimen t
de révolte qui parcoun d'un long frémis
sement toute la poésie de la négritude et
que Senghor résume parfaitement lors
q u 'i l proclame : « Je déchirerai ces rires
banania sur tous les murs de France.
>>
Si la période qui a suivi cette grande
épiphanie nègre n'a pas été inféconde
sur le plan poétique -des noms comme
ceux de Gérald Tchicaya U Tam'Si (le
Mauvais Sang, 1955; Feu de brousse,
1957; Épitomé, 1962), David Diop
(Coups de pilon, 1956), Lamine Dialthaté
(Primordiale du sixième jour, 1963),
Patrice Kayo (Hymnes et Sagesse, 1970), Maxime
N'Debeka (Soleils neufs, 1969 ;
l'Oseille, les Citrons, 1975) sont là pour
l'attester -.
c'est cependant en grande
partie vers le roman que va se tourner
la seconde génération des écrivains afri
cains.
Dès les années 50 paraissent en effet
une série de récits qui décrivent sans
complaisance la société coloniale et
témoignent par leur virulence ou leur
ironie de l'essou fllement d'un système
politique de plus en plus discrédité.
Tandis que Monge Beti dépeint l'abâtar
dissement des villageois au contact de la
civilisation imponée (Ville cruelle,
1954; Mission terminée, 1957) et stig
matise l'échec de l'entreprise de christia
nisation au Cameroun (le Pauvre Christ
deBomba, 1956 ;leRoi miraculé, 1958),
son compatriote Ferdinand Oyono
tourne en dérision la médiocrité et la suf
fisance bouffie des Européens expatriés
dans Une vie de boy et le Vieux Négre
et la médaille ( 1956).
Plus virulent,
parce que plus engagé, Sembene Ous
mane dénonce dans le même temps le
scandale de la domination coloniale dans
()pays, mon beau peuple! (1957) et
sunout dans les Bouts de bois de Dieu
(1960), qui fait explicitement référence
à la gréve du Dakar-Niger de 1947.
Au
moment même où ils contestent la
société coloniale, les romanciers éprou
vent également le besoin de se reconnaî
tre dans les héros du passé, légitime
souci d'identification à des figures presti
gieuses qui explique le succès de récits
épiques comme Soundjata ou l'Épopée
mandingue ( 1960) de Dji b ril Tamsir
Niane et l'abondance de contes.
de
chroniques et de récits légendaires.
des
tinés à re stit uer la mémoire des temps
anciens : la Légende de M'Pfoumou Ma
Mazono (1954) de Jean Malonga ; Cré
puscule des temps anciens : chronique
du Bwamu (1962) de Nazi Boni, ou les
Contes et les Nouveaux Contes d'Ama
dou Koumba (1947 et 1958) de Birago
Diop.
Mais, quels que soient les prestiges
d u passé, c'est dans le présent que les
nouvelles générations doivent inscrire
leur destin.
Pour beaucoup de jeunes
Africains form és aux disc iplin es et aux
méthodes occidentales.
le contact avec.
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