ADIEU PARIS, ADIEU POUR LA DERNIERE FOIS de François MAYNARD
Publié le 11/05/2010
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Adieu Paris, adieu pour la derniere fois ! Je suis las d'encenser l'autel de la fortune Et brusle de revoir mes rochers et mes bois OÙ tout me satisfait, où rien ne m'importune. Je ny suis point touché de l'amour des thresors ; Je n'y demande pas d'augmenter mon partage : Le bien qui m'est venu des peres dont je sors Est petit pour la cour, mais grand pour le village. Depuis que je cognois que le siecle est gasté Et que le haut merite est souvent mal-traité, Je ne trouve ma paix que dans la solitude. Les heures de ma vie y sont toutes à moy. Qu'il est doux d'estre libre, et que la servitude Est honteuse à celuy qui peut estre son roy ! Auteur: François MAYNARD
• ST-AMANT, THÉOPHILE DE VIAU, RACAN, MAYNARD (OU MAINARD), ces poètes talentueux et d'un grand charme de la période préclassique, ne sont plus guère connus, ni étudiés... • Est-ce à cause de la renommée et emprise exceptionnelle de MALHERBE à propos duquel BOILEAU s'exclame : « Enfin Malherbe vint ! Et le premier en France Fit sentir dans ses vers une juste cadence... « ? • Pourtant cette période toute de contrastes est fort attachante et MAYNARD en est un parfait représentant. • Car souvent il est d'une truculence inattendue annonçant les Baroques. Il fut d'ailleurs ami de THÉOPHILE DE VIAU qui s'élevait contre MALHERBE au nom de la liberté. • Mais en même temps MAYNARD suivait avec ferveur les « petites conférences « du maître et il applique avec exigence toutes les règles poétiques de celui dont il est le disciple sans faille.
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D'Artagnan qui montaient sur Paris riches de désir de réussite.• Les coupes qui martèlent le premier vers pourraient être imitatives d'objurgations intimes.• On dirait que MAYNARD veut se persuader lui-même d'abandonner tout ce qui avait été aiguillons et motivations.• Car, les contemporains nous l'apprennent, ce secrétaire de MARGUERITE DE VALOIS, elle-même poète, ceprésident au présidial (noblesse de robe), cet académicien — il fait partie de l'Académie française dès sa création —a été un ambitieux actif, comme le précise le second vers du premier quatrain.• C'est que la périphrase : « encenser l'autel de la Fortune » rappelle qu'il n'a cessé — jusqu'à son départ sur sesterres — de flatter les grands de ce monde, particulièrement Richelieu, d'être un fidèle honorant la déesse Chance,qu'il espère nommer Réussite.• Aussi se répète-t-il à nouveau qu'il veut cesser de telles manoeuvres, — pour mieux s'y tenir ! — :« Je n'y suis pas touché de l'amour des trésorsJe n'y demande pas d'augmenter mon partage.• Les deux alexandrins fermes, bien scandés appuient par leur cadence, et négativement, sur ce qu'il lui faudrait nepas ressentir : le besoin de s'enrichir.• Quand on sait qu'il faisait le siège de Richelieu avec ses perpétuelles demandes de gratifications et d'emplois —non suivies d'effet d'ailleurs — on est sûr que c'est à lui-même qu'il s'adresse ainsi.• Cependant l'amertume pointe.• La précision sur son domaine : « petit pour la Cour » veut le montrer lucidement détaché des prébendes.• L'hémistiche qui la suit, d'un parallélisme parfait, doit d'ailleurs compenser cette indifférence toute neuve.• Mais une certaine aigreur n'est point absente.
Qui est premier chez soi regrette de n'avoir pu percer parmi lesseigneurs-courtisans.• L'âpreté de la déconvenue soutient les deux premiers vers des tercets.
Il y fait retour sur lui-même :« Depuis que je connais...
» (= que j'ai su comprendre).• Mais il donne toutes responsabilités à ce milieu qu'il juge frelaté, injuste : le terme « gâté », appliqué souvent à unfruit pourri et suivi de la coupe en fin d'alexandrin, traduit son humeur.• II insiste alors sur cette méconnaissance des gens de bien, et sans utiliser le « Je » qui commence plusieurs vers,il laisse bien deviner qu'il s'agit de lui, lorsqu'il évoque « le haut mérite ».• On le sent encore plus lorsqu'il reproche à ceux qui peuplent les cercles mondains — ceux dont dépendit saréussite — de mal traiter (il faut prendre « maltraité » dans son sens premier) les hommes dont ils se refusent àreconnaître le talent.• Aussi reprend-il une dernière fois la même idée dont il veut définitivement être convaincu lui-même, à travers uneexclamation finale :...
que la servitudeEst honteuse...
»,où l'enjambement insiste sur la chute morale que représentent toutes les bassesses qu'un ambitieux mal venu prendmalheureusement à son actif.
II.
Mieux vaut la retraite campagnarde...
• Pour un peu, l'on croirait entendre le rat des champs du poète latin HORACE ou de LA FONTAINE renonçant auxtentations factices de la ville pour retrouver la paix et la douceur rurale (de son domaine de Saint-Céré, pourMAYNARD).• Est-ce que le désappointement certain du poète fait réellement place à une aspiration au calme provincial ?• La force du verbe « brûler », de l'expression « où tout me satisfait » le fait penser.• Et la curieuse personnalité de MAYNARD, que les meilleurs critiques avouent avoir du mal à cerner, permet decroire que, malgré une certaine hargne dont il ne serait qu'imparfaitement conscient, il est heureux réellement deretrouver « Le bien qui [lui] est venu [de ses] pères ».• « On distingue mal, reconnaît A.
ADAM, spécialiste de la littérature française du xviie siècle, en dépit d'uneproduction abondante, le vrai visage de cet homme.
»• Cet ami de TH.
DE VIAU partageait son temps à Paris entre MALHERBE, la Cour, la poésie, et les libertins bonsvivants dont FARET fait partie d'ailleurs.• Tout en manquant de dignité dans ses sollicitations auprès des puissants, il laisse voir aussi des rêvesd'indépendance et se laisse aller à un certain non-conformisme.
Par exemple son manque de tenue à Rome faitscandale et explique sans doute sa disgrâce.• Il peut très bien rêver du bonheur de la vie champêtre, « de revoir mes rochers et mes bois ».• Pour les beautés de la nature peut-être..., (le vers fait penser à tel autre de RONSARD dans l'Ode « Quand je suis20 ou 30 mois...
»)• ...
mais plutôt pour la liberté morale que sa retraite va lui apporter.• D'abord il sera chez lui.
Une certaine noblesse apparaît dans la satisfaction à signaler que cette terre est siennedepuis les « pères (c'est-à-dire ancêtres) dont je sors ».• Ensuite pour la considération qu'il y trouve, étant le « Roi » de son domaine qui paraît « grand pour le village ».CÉSAR disait qu'il vaut mieux être premier dans son village que second à Rome.• Or ce n'est même pas second qu'il était à Paris, puisque sa valeur n'y a pas été reconnue.• Il lui a donc fallu se plaindre, supplier, rendre visites sur visites, entendre et supporter bien des mépris etplatitudes, voir percer des parvenus quand lui-même vivotait — du moins c'est ce qu'il trouvait.• Que de désagréments qui l'ont « importuné ».
Le terme est plus fort au XVIIe siècle qu'en notre langue moderne.
Ilévoque une multitude de déplaisirs et regrets.• Le vers qui le contient est très strict de facture :« Où tout me satisfait // et rien ne m'importune » ;.
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