Devoir de Philosophie

ACTION FRANÇAISE (L') ET LA LTTERATURE

Publié le 14/11/2018

Extrait du document

ACTION FRANÇAISE (L'). L’importance d’un mouvement politique ne se mesure pas seulement à ses résultats électoraux ou au nombre de ses militants. L’analyse doit en effet prendre en compte la mouvance qu’il entraîne, cette masse d'écrivains, d'historiens et de professeurs dont la pensée ne se comprendrait pas sans une référence à leurs options politiques : qu’ils soient sympathisants, « compagnons de route », orthodoxes ou dissidents, ils expliquent à leur tour l’évolution du mouvement auquel ils ont appartenu. Le cas est net en ce qui concerne l’Action française, dont les haines intestines et les réseaux d'amitié peuvent être comparés à ceux du parti communiste. On peut même soutenir qu'en l’occurrence l’Action française était de nature à susciter répulsions et attachements chez les « intellectuels ». Certes, ceux-ci n’apparaissent qu’avec l’affaire Dreyfus, et dans le camp opposé à celui de Maurras et de ses amis. Mais, si le mot les eût choqués, il est difficile d’en trouver un meilleur pour les qualifier.

Maurras d'abord

Au départ, en effet, la pensée de Maurras est d’abord une critique, qui voit dans le romantisme la source des révolutions, la décadence des lettres qui, avec Rousseau, puis Chateaubriand, Musset et Baudelaire, aboutit à la décadence de l’esprit national. L'anarchie pernicieuse de leurs livres passe dans le corps social et y détruit l’ordre d’autrefois. D’autres auteurs, en revanche, permettent à leurs lecteurs de retrouver l’harmonie perdue : Dante, Malherbe, Racine; la latinité, plus loin de nous, et surtout la Grèce, où Maurras voit l’origine de toute civilisation — en fait, tous les « classiques » dont Moréas et l’école romane essaient de retrouver l'esprit.

On le voit, l’une des grandes idées qui mènent Maurras est celle de tradition, d’héritage, s’articulant elle-même à ces deux valeurs que sont l’ordre et la nation : l'ordre, dont la nécessité est telle qu'on doit le préférer à la justice; la nation, que le roi peut seul incarner aujourd'hui, et qui inspire à Maurras son « nationalisme intégral ». Un tel programme n’est naturellement pas une nouveauté totale, et l’on pourrait chercher des ancêtres spirituels à Maurras chez les théoriciens de l’absolutisme et de la contre-révolution, Bonald ou Maistre, et dans la philosophie de ce fameux binôme « Taine-Renan » qui forme l’armature d’un courant de pensée conservateur. Plus originaux sont l’apport de Fustel de Coulanges, cet anti-Michelet, celui d’Auguste Comte avec ses classifications, celui enfin de Sainte-Beuve, chez qui Maurras apprend le goût de l’« empirisme organisateur ».

Le courant de l'ordre

Organisation, discipline, ordre : voilà donc les maîtres mots de l’Action française, ceux au nom desquels elle conteste la légitimité de la République. Différente en cela du nationalisme de Barrés ou de Déroulède, elle possède en effet une nuance extrémiste affirmée. D’où un double courant : d’une part, le courant insurrectionnel, cherchant d’abord à faire disparaître la « gueuse »; d’autre part, insistant sur les structures à installer en France pour aboutir à une société cohérente et hiérarchisée, le courant de l'ordre.

On rangera dans ce dernier tous ces critiques, ces professeurs et ces écrivains distingués qui n’ont jamais manqué dans le sillage de l’Action française : Jacques Bainville, d’abord, lié dès l’origine au mouvement et qui, par ses vues historiques, l’inspire presque autant que Maurras; Maurice Barrés, Paul Bourget, Jules Lemaitre, René Boylesve et cette partie de l’Académie qui vote pour Maurras à sa seconde candidature : Pierre Benoit, Abel Bonnard, Henry Bordeaux, Edouard Estaunié, Claude Farrère et Abel Hermant, sans oublier évidemment le maréchal Pétain!

Néanmoins, on n’annexera pas à l’idéologie de l'Ac-tion française tous ces écrivains et en général les écrivains conservateurs de la première moitié du siècle, car certains s’éloignent de Maurras après la condamnation par Rome en 1926 : Maritain, par exemple, vire peu à peu de la « droite » à la « gauche » et y rejoint Mauriac, dont Maurras, pourtant, avait été, avec Péguy et Barrés, le « maître en politique ». Car il existe, au-delà du maur-rassisme proprement dit, une très large frange intellectuelle qui doit à sa formation des façons de penser ou d’écrire plus ou moins maurrassiennes : comment ne pas être sensible à la filiation qui unit de Gaulle à Maurras, malgré l’histoire? A une telle distance politique, le dénominateur commun devient bien faible : il se réduit souvent à une pure admiration littéraire comme celle qu’ont eue pour Maurras ou pour Léon Daudet des écrivains tels que Maeterlinck, Proust, Apollinaire ou Malraux. Mais il va parfois plus loin et consiste alors, pour un auteur, à parler une langue classique et pure, à exalter son pays ou sa province, cette petite patrie destinée à enrichir la grande : Maurras est, après tout, le disciple de Mistral.

« res, cette violence aboutit à la polémique, cultivée par Maurras, et que les jeunes-turcs des générations succes­ sives de l'Action française n'ont pas dédaignée : Léon Qaudet.

par exemple, dont le père avait collaboré avec Edouard Drumont et dont l'antisémitisme était presque «congénital ».

finance le journal et le nourrit de ses insolences.

Il est le premier d'une longue liste de jeunes gens « sachant écrire», qui furent un peu des intellectuels, et parmi lesquels on peut citer Georges Bernanos : tout jeune, en effet, celui-ci dirige un hebdomadaire d'Action française, /'Avant-garde de Normandie, avant de s'éloigner de Maurras et de lui reprocher son côté et attentiste.

C'est un peu pour le ·; mêmes raisons que Georges Valois, après avoir tenté un rapprochement entre soréliens et maurras­ siens, avait lancé une sorte de fascisme à la française : pourtant, arrêté pour faits de Résistance, il finira dans un camp de déportation.

Il existe en effet une variante maurrassienne dont le patriotisme refuse le pétainisme et la collaboration : en font partie le jeune Claude Roy, par exemple.

Jacques Debû-Bridel, Maurice Blanchot ou Thierry Maulnier, qu'on accuse de gaullisme.

Mais tous n ·ont pas cette attitude : Marcel Jouhandeau, avant la guerre, clame son antisémitisme.

tandis que Lucien Rebatet voit dans le fascisme l'esroir de la France et que Robert Brasillach, le rédacteur depuis 1930 du feuilleton littéraire de l'Ac­ tion française succède ensuite à Pierre Gaxotte à la tête de Je suis partout pour y mener la carrière que l'on sait.

La guerre marque donc 1' éclatement de 1 'Action fran­ çaise en même temps peut-être que son échec : le maur­ rassisme.

en effet, semble incapable d'assimiler vraiment les nouveaux enjeux.

Disqualifié sous Pétain.

il ne repré­ sente plus rien à la Libération, et ses fidèles durent choi­ sir entre le parti communiste, le gaullisme ou le silence.

Certes, il reste des héritiers, parmi les écrivains notam­ ment (Kléber Haedens, Jacques Laurent ou Michel Déon), et le maurrassisme lui-même inspire ces idées en vogue que sont l'enracinement et la décentralisation.

Pourtant, on ne peut plus dire que Je mouvement reste une école de pensée, qu'il garde l'éclat d'une époque où il attirait immanquablement tous les jeunes gens qui n'étaient pas socialistes, où il semblait enfin donner à la droite une esthétique qui était en même temps une doctrine.

BIBLIOGRAPHIE P.

Boutang.

Ma11rras.

la destinée et l'œuvre, Plon, 1984; C.

Capitan Peter, Clrarles Maurras, Seuil.

1972: P.

Sérant.

les Dissidents de l'Action française, Paris, éd.

Copernic, 1978: E.

Weber.

l'Action française, Fayard.

1985.

A.

PREISS. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles