ACTE III, SCÈNES 9-11: Le mariage de Figaro de Beaumarchais (commentaire)
Publié le 17/01/2022
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L'utilisation de l'aparté
Beaumarchais a multiplié les apartés au cours de l'affrontement entre le maître et le valet, ce qui permet à chacundes deux interlocuteurs d'apprécier la tournure que prend le dialogue, d'interpréter les paroles de l'autre et decommenter les siennes en indiquant à l'avance l'effet qu'il cherche à produire.
Au début de la scène 5, nonseulement Figaro parle en aparté mais de plus sa présence n'a pas encore été remarquée par le Comte.
Seule ladernière réplique de Figaro : « Ah ! ma femme, s'il vous plaît », qui a sans doute été prononcée un peu plus fort, faitdécouvrir au Comte la présence de son valet.
Ce jeu de scène a établi un lien de complicité entre Figaro et le public,lien qui va être maintenu tout au long de la scène 5.
Les apartés de Figaro montrent qu'il est en train de prendre son maître à son propre piège : celui-ci voulait « sonder» le valet, qui va lui fournir des renseignements contradictoires pour le désorienter.
C'est Figaro qui manipule leComte et non l'inverse : « Voyons-le venir, et jouons serré » ; « Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu,dans son genre ».
Cette dernière expression souligne bien qu'il s'agit pour le valet de rendre la monnaie de sa pièce à son maître, ce que confirme l'avant-dernier aparté : « Je l'enfile et lepaye en sa monnaie.
»Les apartés du Comte, eux, sont bien différents car ils montrent qu'il ne parvient pas à ses fins I« Je m'emporte etnuis à ce que je veux savoir ») et qu'il est dupe des paroles de Figaro I« Il veut venir à Londres ; elle n'a pas parlé »puis « Il veut rester.
J'entends...
Suzanne m'a trahi »).
Dans le court monologue de la scène 8 le Comte reconnaîtd'ailleurs sa défaite : « Le maraud m'embarrassait ! En disputant, il prend son avantage, il vous serre, vousenveloppe...
»
Le comiqueLe comique est très présent dans la scène 5: il évite que le dialogue ne devienne trop âpre entre les deux hommes.Ainsi la tirade de Figaro sur Goddam a manifestement une fonction de divertissement : elle doit susciter une franchegaieté chez le spectateur.
A la bouffonnerie des paroles — « Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-làquelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que Goddam est le fond de la langue » — s'ajoutetout un comique de gestes : « il tourne la broche », « il débouche une bouteille »Même dans l'affrontement proprement dit entre les deux hommes le comique a droit de cité, car Figaro multiplie lesmots d'esprit, telle sa réponse au Comte qui se plaint que les domestiques mettent plus de temps à s'habiller que lesmaîtres : « C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider.
» Ou encore celle qu'il fait lorsque le Comte lui rappellele procès : « Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand Votre Excellence se permet de nous soufflertoutes les jeunes ? » Néanmoins sous les bons mots perce la dénonciation d'une inégalité sociale qui n'a guère dejustification.
La satire sociale et politiqueA plusieurs reprises Figaro dénonce l'inégalité injustifiée entre les maîtres et leurs serviteurs : outre la boutade surl'habillement des domestiques et la remarque déjà plus amère sur le libertinage du Comte, on relève plusieurssentences, telles que : « N'humilions pas l'homme qui nous sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet.
» Au Comtequi évoque sa « réputation détestable », il répond : « Et si je vaux mieux qu'elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneursqui puissent en dire autant ? »La loi est, selon Figaro, « indulgente aux grands, dure aux petits », et dans la scène 7 il rappelle la hiérarchie quereflète la salle du tribunal : « (...) le plancher pour le beau monde, et la canaille derrière ».
De façon significative leComte ne répond rien à toutes ces assertions ; il n'en conteste nullement le fondement.La satire se fait politique lorsque Figaro définit les qualités nécessaires pour réussir dans la diplomatie.
Il y faut unesprit « médiocre et rampant ».
La tirade qui suit est un échantillon de la virtuosité de Beaumarchais qui multiplie leseffets de parallélisme et de symétrie, les antithèses.
Le rythme en est remarquable avec l'abondance des séquencesde huit et de six syllabes et les deux alexandrins : « répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir descachets, intercepter des lettres », d'autant plus sensibles à l'oreille qu'ils riment.
Le Comte essaie bien de distinguerla politique de l'intrigue mais Figaro lui rétorque qu'elles sont « un peu germaines », c'est-à-dire parentes..
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