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ACTE III, SCÈNES 1-3 du "Barbier de Séville" de Beaumarchais (commentaire)

Publié le 22/02/2012

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beaumarchais
Bartholo ne sait plus quoi faire pour plaire à Rosine, qui s'est, durant l'entracte, à nouveau querellée avec lui, conformément aux recommandations contenues dans le billet remis par le Comte déguisé en soldat (scène 1). C'est alors que, déguisé cette fois en « bachelier», le Comte se présente sous le nom d'Alonzo, élève de Bazile qui, indisposé, l'envoie à sa place pour qu'il donne à Rosine sa leçon de musique. Mais Bartholo inquiet veut aller chez Bazile, et Alonzo ne peut le retenir et vaincre sa méfiance qu'en lui apprenant un fait nouveau qu'il vient de découvrir, le tout récent déménagement du comte Almaviva, et qu'en lui confiant une lettre de Rosine (celle précisément qu'elle lui a fait parvenir par Figaro) dont il suggère un usage possible pour Bartholo qui pourrait ainsi arracher le consentement d'une Rosine outragée: produire cette lettre à Rosine comme preuve de la scélératesse du Comte, qui se serait vanté dans la ville de sa conquête en faisant circuler une lettre de son amoureuse enfermée. Bartholo, devant une telle maîtrise de la calomnie si chère à Bazile, croit tenir la preuve qu'Alonzo est bien son élève et qu'il n'est pas un imposteur (scène 2). Le Comte, resté seul pendant que Bartholo est sorti pour aller chercher Rosine, mesure la méfiance et la force de résistance de Bartholo et se cache un instant dans le cabinet de clavecin, lorsque le vieux tuteur reparaît avec sa pupille en colère (scène 3).
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« quelque fripon »); il est donc contraint de rattraper la situation en inventant une série de stratagèmes improvisésqui vont donner à la scène dynamisme et « suspense ».Sur le mode comique, le Comte va hurler à Bartholo (un peu sourd) deux nouvelles capitales et inquiétantes : d'unepart Almaviva a déménagé ce matin « de la grand-place » (Bazile, en II, 8 avait appris à Bartholo où logeait leComte : « sur la grand-place », et on se souvient que cette conversation avait été écoutée par Figaro qui l'asûrement rapportée au Comte) et, d'autre part, Rosine lui a écrit (lettre écrite, on s'en souvient, en II, 1, confiéepar Rosine à Figaro en II, 2, qui l'a remise au Comte après leurs départs respectifs de la maison de Bartholo, en II,10 pour Figaro, et en II, 15 pour le Comte).Le Comte se met aussi en valeur, en ajoutant que la nouvelle importante apprise à Bartholo par Bazile à l'acteprécédent (II, 8) venait en fait de lui.

Pour Bartholo, Alonzo est ainsi l'informateur de Bazile et il le surpasse mêmepuisque c'est lui, et non Bazile, qui a découvert que Rosine avait écrit au Comte.

Pour mieux enferrer le vieillard,Alonzo feint alors de lui tenir rigueur de sa dureté initiale ; Bartholo est presque contraint à des excuses : c'est qu'ilse méfie de tout, et singulièrement de tout beau jeune homme bien fait («votre tournure, votre âge, votre air ») quiparaît.Le Comte a réussi à faire rester Bartholo et à l'intéresser au point de l'avoir à sa merci.

Il a réussi un renversementdes rôles : le Comte, tel Figaro, est maître du jeu et y prend plaisir.

Mais le vieillard veut voir la lettre.

Pour restermaître de la situation, le Comte est obligé d'inventer un nouveau stratagème, qu'un aparté d'interrogation et deréflexion rapide, rendu possible par un jeu de scène de Bartholo, va lui permettre de mettre au point. Le long aparté du Comte («Je me suis enferré de dépit [...] ») marque un tournant: le Comte improvise devant lespectateur complice un nouveau plan audacieux.

Pendant que Bartholo va vérifier, en ouvrant «doucement» (etdonc ce mouvement et ce geste prennent un certain temps) « la porte de Rosine», selon la didascalie capitale del'auteur (cette porte, qui n'est pas celle qui donne sur l'antichambre, qui est peut-être celle du cabinet de clavecin,est plus vraisemblablement une troisième porte, celle de la chambre de Rosine; voir commentaire supra p.

49), leComte a quelques instants pour réfléchir, improviser et décider de la suite.

L'alternative est claire: ou il ne montrepas la lettre - et alors il doit partir -, ou il la montre, et ce faisant, s'il réussit à en prévenir Rosine, il fait un coup demaître.Bartholo revient au centre de la scène et raconte ce qu'il a vu à travers la porte entrouverte : Rosine « est assiseauprès de sa fenêtre, le dos tourné à la porte, occupée à relire une lettre de son cousin l'officier, que j'avaisdécachetée [...] ».

Le comique très fin de la situation est particulièrement vif: le spectateur jubile en imaginantRosine relisant avec émotion la lettre de Lindor qu'elle a soustraite (II, 15) à la curiosité de son tuteur, en voyantles précautions inutiles du barbon trompé (Bartholo « revient sur la pointe des pieds »), et le Comte définitivementmaître de la situation lorsqu'il donne avec audace la lettre de Rosine à son tuteur. L'art et l'air de la calomnieL'imbroglio est à son comble : Bartholo entre en possession de la lettre que Rosine avait écrite à son insu et qu'ilavait tenté de récupérer à la fin de l'acte précédent (II, 15).

Bartholo reconnaît l'écriture et veut garder la lettre («il la serre»).

La présence toute proche de Rosine met la manoeuvre du Comte en péril (Bartholo hausse le ton decolère en reconnaissant l'écriture de sa pupille), et le Comte doit parachever son stratagème : cette lettre,qu'Alonzo et Bartholo présenteront comme un trophée qu'Almaviva a fait circuler dans Séville, sera un moyen decalomnier, aux yeux de Rosine, le comte Almaviva, présenté ainsi comme un nouveau Don Juan, et de discréditer letrouble Lindor, intermédiaire libertin et roué chargé d'attirer la jeune fille dans les bras du Comte.

Le plan, canevasclassique de roman libertin comme sait les faire l'époque, apparaît alors à Bartholo comme une lumineuse illustrationde la méthode de la calomnie chère à Bazile.

C'est à ses yeux la preuve qu'Alonzo est bien l'élève de son homme àtout faire. L'initiative de BartholoAinsi rassuré, Bartholo manifeste l'envie de voir se réaliser ce stratagème inventé par l'élève de Bazile, et décide deprésenter le jeune étudiant à sa pupille.

Alonzo donnera une leçon de musique à Rosine qui connaîtra ainsi l'hommequi, avec Bartholo, lui ouvrira bientôt les yeux sur Almaviva.

Beaumarchais exploite à fond la situation comique decette fin de scène où Bartholo balaie les (timides) arguments du Comte qui craint que ce plan ne soit perçu parRosine comme « une vieille finesse, un moyen de comédie ».

Bien au contraire, la « tournure», l'« âge » et l'« air »d'Alonzo qui tout à l'heure inquiétaient Bartholo, maintenant le rassurent: « Le Comte.

— Si elle va se douter [ ...

].Bartholo.

— Présenté par moi, quelle apparence? Vous avez plus l'air d'un amant déguisé que d'un ami officieux».

Lemême jeu est repris dans la réplique suivante de Bartholo (« Mais quand elle ne ferait que vous voir [...] »).La scène se termine ainsi dans un merveilleux jeu de dupes où les répliques, d'abord du Comte, puis de Bartholo,prennent systématiquement un double sens qui apporte au spectateur un vif plaisir de théâtre et qui montre unBeaumarchais sûr de ses effets au point d'aller à la limite du vraisemblable : Bartholo est dupé et provoque larencontre de Rosine et d'Almaviva, malgré sa méfiance naturelle et sa grande perspicacité qui lui avait,précédemment, fait bien juger Alonzo trop beau jeune homme pour qu'on lui fasse confiance. À propos de l'unité de lieu et de l'unité de tempsSur le plan dramaturgique, les dernières répliques de la scène apportent d'utiles précisions.

La journée commencée àl'aube dans la rue, sous la fenêtre de Rosine, s'achève : « Elle [Rosine] est ce soir d'une humeur horrible », ditBartholo au Comte, en lui demandant d'aller attendre dans le cabinet de clavecin (peut-être espère-t-il attirer ainsil'attention de Rosine, réveiller son envie de chanter, de prendre une leçon de musique, pour se changer les idées et. »

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