ACTE III, SCÈNE 4 - L'école des femmes de Molière

« conscience de la « bêtise » à laquelle elle a été condamnée : « Je commence à connaître qu'on m'a toujours tenue dans l'ignorance...

» Le commentaire d'Horace en résume les principales qualités. « Mais en termes touchants, et tous pleins de bonté, De tendresse innocente et d'ingénuité ; De la manière enfin que la pure nature Exprime de l'amour la première blessure.

» (v.

942) La simplicité porte la caution de la nature qui, aux yeux de Molière, est la qualité fondamentale de l'humain.

A lapure nature, s'opposent l'artifice, la coquetterie, la préciosité, l'hypocrisie, autant de défauts que Molière dénonce àtravers les personnages de son théâtre.

Agnès n'est ni coquette (Célimène) ni prude (Arsinoé).

Elle exprime lavéritable capacité d'aimer.

La simplicité de sa' lettre fait écho à la chanson d'Alceste dans Le Misanthrope (1665), qu'il commente ainsi : « La rime n'est pas riche, et le style en est vieux ; Mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux Que ces colifichets dont le bon sens murmure, Et que la passion parle là toute pure ? » La lettre mime au plus près le désir de dire la force du sentiment qui l'anime, freiné par la crainte de commettre lemal inculqué par les leçons d'Arnolphe. « ...

J'aurai toutes les peines du monde à me passer de vous et (...) je serais bien aise d'être à vous...

» La lourdeur syntaxique, la répétition de certains mots qui traduisent ses réticences à écrire (en peine — mais — j'ai peur — mais enfin) sont autant d'obstacles qui « étouffent » la clarté de son amour.

Son aspiration à la vérité éclate dans la seconde partie par un pur élan du coeur.' Le mouvement du texte la porte au-delà des interdits(scène 1, Acte Ill) dont elle se libère subitement. La lettre offre un raccourci saisissant de son évolution : Agnès acquiert en quelques lignes une liberté intérieure etune vérité qui font d'elle, dans le théâtre de.

Molière, une héroïne de l'amour et de la conquête du bonheur. Avec ce texte, Molière offre un exemple de sa diversité de styles.

Tout comme il invente des dialectes, écrit desmaximes du mariage, il peut imiter une lettre de toute jeune fille.

L'art peut imiter toutes les variétés du genrehumain. « L'amour est un grand maître » Horace, par ce vers (v.

900), exprime la leçon de cette comédie et justifie son titre.

L'amour transforme l'êtrehumain de manière imprévisible et rapide : « Ce qu'on ne fut jamais, il nous enseigne à l'être, Et souvent de nos moeurs l'absolu changement Devient par ses leçons l'ouvrage d'un moment.

» Il a valeur initiatique : il donne accès à laconnaissance de l'âme : « Il rend agile àtout l'âme la plus pesante, Et donne de l'esprit à la plus innocente.

»(v.

909) Il brise les chaînes de la tyrannie (v.

951-956).Aussi la leçon que tire Horace à la fin de lascène coïncide-t-elle parfaitement avec lejugement du spectateur : « Et n'est-ce pas sans doute un crimepunissable De gâter méchamment ce fonds d'âme admirable.

». »