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Acte III Scène 12 Fausses condidences de Marivaux: Ce dénouement vous paraît-il digne d’une comédie ?

Publié le 06/09/2018

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marivaux

Le dénouement de cette comédie peut paraître artificiel à plus d’un titre : d’une part l’extrême retardement de l’aveu d’Araminte a quelque chose d’excessif, et la soudaineté de sa déclaration sur un ton naïf peut paraître un peut précipité. Mais il ne faut pas juger cette pièce selon les critères classsiques (ceux de Molière), où le dénouement se prépare par étape tout au long de l’acte III. Ici, la lettre de Dorante ne fait qu’exacerber la tension intérieure d’Araminte toujours prise entre son amour et les conventions. Le dépassement de l’obstacle social d’Araminte ne peut se faire que d’un seul coup, par une brusque décision, au moment où tout retour en arrière est impossible. Dubois avait prévu que « l’heure du courage est passé ». Araminte a trop tardé pour ne pas maintenant le renvoyer : elle l’accepte non pas par pitié, non pas par bravade sociale, mais parce qu’elle se doit désormais à elle-même ses actes en conformité avec ses sentiments. Donc cet aveu d’amour est une preuve d’indépendance féminine et de libre décision de consentir à l’amour. Araminte n’est pas totalement piégée, elle est l’exemple de conscience adulte, d’une femme qui choisit son destin, très rare pour l’époque.

marivaux

« 2.

Le déclanchement du portrait : Le portrait revient sur le devant de la scène, pour opérer la libération finale de la parole d’Araminte.

Le portrait s’intègre d’abord dans la plainte de Dorante : « j’ai tout perdu.

J’avais un portrait et je ne l’ai plus ». Araminte badine un peu en disant : « a quoi vous sert de l’avoir ? Vous savez peindre.

» Cette remarque cache une motivation plus profonde : elle veut le garder comme souvenir de cet amour, et cherche un argument pour ne pas lui rendre.

Dorante contre argumente : c’est une chose difficile à refaire, et c’est un portrait qui a été entre les mains d’Araminte.

Araminte ne sait plus quoi dire, elle sort une réplique conventionnelle : « vous n’êtes pas raisonnable ».

Dorante la supplie : « oh ! Madame, je vais être éloigné de vous, n’ajoutez rien à ma douleur ».

Il est dans un registre parfaitement pathétique.

Ce registre est normalement incompatible avec le comique, mais l’on se doute que l’issue sera heureuse.

C’est à ce moment-là qu’Araminte vacille, elle est troublée, comme le montre les modalités expressives (exclamations interrogations) : « songez vous que ce serait … !).

On peut dire qu’alors l’aveu d’amour passe ici comme une flèche dans une hypothèse. II.

L’aveu d’Araminte : 1.

Au détour d’une phrase : Dans cette scène, Araminte est piégée par son propre discours, dans un moment de troubles marqués par l’exclamation : « vous donner mon portrait ! » L’étonnement se teinte d’incrédulité et de réprobation (condamnation), mais le reproche se renverse insensiblement en acquiescement (doucement en acceptation) : « songez vous que ce serait avouer que je vous aime ? » Le symbole du portrait, qui est à l’époque très intime, permet de faire affleurer (apparaître) des sentiments enfouis.

Le conditionnel permet de dire l’indicible, ce qu’on appelle modaliser un aveu qui coûte à dire de façon directe. Dorante est aussi surpris qu’Araminte par cette formule « que je vous aime ? », il la reprend en écho « que vous m’aimez, Madame ! » Cette reprise actualise l’hypothèse (la rend plus réelle, présente, tangible). Dorante doute encore, c’est une phrase de roman : « qui pourrait se l’imaginer ? » C’est une phrase si connue qu’on est à la limite de la parodie et c’est ce qui sous-entend le comique de la scène. 2.

Le ton vif et naïf : Marivaux tenait beaucoup à un jeu naturel spontané, qu’incarnait parfaitement son actrice Sylvia Benzotti, l’actrice phare de la troupe italienne qui jouait à Paris.

En quelque sorte, les pièces de Marivaux ont été écrites pour cette actrice comme une déclaration d’amour.

Cette Sylvia savait parfaitement donner l’illusion sur scène du naturel. La didascalie « d’un ton vif et naïf », cache donc une véritable esthétique théâtrale opposée au jeu parfois affecté de la comédie française.

Cette didascalie prouve qu’à ce moment de la pièce seulement Araminte se révèle et que ses sentiments parlent.

L’amour parle à ce moment-là, il est le maître comme l’annonçait Dubois à la scène I,2 : « quand l’amour parle il est le maître, et il parlera ».

Les barrières sociales sont oubliées un instant et ne pourront plus revenir, elles sont laminées par la parole.

Remarquons ici le caractère inachevé de la réplique : « et voilant pourtant », qui part en structure nominale, sur une réplique éclaire qui part sur un « et » de liaison et l’on voit bien qu’il n’est pas sujet mais objet : « ce qui m’arrive ».

Notons aussi l’intérêt du « pourtant », qui introduit l’idée d’une opposition avec l’ordre du vraisemblable ou du prévisible.

À ce moment de la pièce, Araminte s’observe elle-même, elle prend. »

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