Acte I, scène 4, p. 41-43, de « Égisthe. 11 faut que tu guérisses... » à «... se déclare juste devant nous. »
Publié le 10/01/2020
Extrait du document
Il s'agit d'une scène éminemment théâtrale : scène de famille, propice aux disputes, enjeu tragique, caractères tranchés, mystère qui plane. Giraudoux, dans toute la scène 4, renouvelle de façon originale la tradition.
Remarque : Presque toutes les scènes se prêtent à une analyse du dialogue, en insistant sur le jeu théâtral.
Électre de Giraudoux
La vérité sur la mort d’Agamemnon : la scène repose sur une opposition mort/vie : mort d’Agamemnon et deuil étemel d'Electre, vie symbolisée par le mariage, qui cache en fait le désir d'étouffer la vérité. Mais comme cette vérité est inaccessible pour l'instant à Electre, celle-ci la déplace, au sens freudien, sur la chute
«
Technique théâtrale
La scène exprime un rapport de forces.
d'où des répliques brèves, surtout
celles d'Électre, qui n'excèdent jamais deux phrases.
La réplique la plus
longue est celle d'Égisthe, qui exprime une philosophie de la mort sur un
ton plus posé.
L'enchaînement des répliques rebondit sur des mots (vieille
technique théâtrale qui a dominé la commedia dell'arte): successivement le
verbe guérir, la relation mort/pleurer, le mot liberté, la relation
épouse/veuve, le mot complot, le nom Oreste, le verbe porter, le verbe
pousser.
Les deux dernières répliques, d'Égisthe et du mendiant, sont hors
de jeu : on dirait des spectateurs devant un pugilat.
Le dialogue fonctionne
d'abord comme une discussion sur des arguments, puis sur des
exclamations et des questions de plus en plus pressées.
Le rythme se
précipite, le ton monte jusqu'au cri, avant les répliques finales.
Éléments thématiques
Le heurt des caractères : Égisthe incarne le bon sens, la modération.
Il
veut « guérir » Électre d'un deuil interminable, qu'il trouve déraisonnable,
pour deux raisons : Électre n'est pas seule à pleurer son père, et le deuil doit
être liquidé.
Pour exprimer cette vérité psychologique, il ne parle pas de la
liberté des vivants mais de celle des morts, paradoxe en rapport avec les
plus anciennes croyances de l'humanité sur la survie après la mort.
Par
ailleurs il réfute le refus du mariage d'Électre en lui reprochant
implicitement sa fixation à son père : elle n'est pas son épouse.
Électre apparaît comme une écorchée vive, à la répartie prompte et
redoutable, conformément à la remarque de Clytemnestre au début de la
scène: «Pas une parole (d'elle) qui ne soit perfidie ou insinuation».
Dans
l'aliénation où Électre vit, la parole est le seul acte qu'elle puisse accomplir.
D'où son côté provocateur, persécutée, insolente, passionnée.
Clytemnestre n'intervient qu'à partir de la déclaration de sa fille «je suis
la veuve de mon père », qu'elle ne peut supporter, d'où son
cri : «Électre ! » Elle apparaît sur la défensive, culpabilisée.
Elle a peur,
comme l'on dit les Euménides à la scène 1.
Le mendiant intervient à mi-voix avec une réflexion obscure, en rapport
avec ses paroles à la scène précédente (p.
36) : « Quel jour, à quelle heure
se déclare-t-elle ? Quel jour devient-elle Électre ? » Il attend cette
« déclaration », mais elle viendra plus tard.
(Cf son monologue de la scène.
»
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