ACTE I - Scène 1 de L'école des femmes de Molière (lecture analytique)
Publié le 17/06/2011
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Paradoxalement, le premier est de n'avoir ni " bien " ni " naissance ", et d'être la fille d'une humble paysanne. Sa fortune lui permettrait d'épouser une fille richement dotée ou " bien née " ; il y fera allusion quand il annoncera à Agnès qu'il l'épouse (v. 686-687). Mais il veut rester maître chez lui et profiter de sa richesse pour choisir une femme qu'il soit sûr de dominer : lui devant tout, elle sera modeste et soumise (v. 125-128). Il ne veut pas être un George Dandin humilié et bafoué par une Angélique de Sotenville soutenue par sa famille (cf. George Dandin, 1668, autre comédie de Molière sur le cocuage).
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George Dandin humilié et bafoué par une Angélique de Sotenville soutenue par sa famille (cf.
George Dandin, 1668,autre comédie de Molière sur le cocuage).— Le second mérite d'Agnès, non seulement paradoxal mais comique, est qu'on ait fait d'elle une " idiote " ainsi qu'ill'a voulu.
Mais c'est la garantie de son " innocence " (- ignorance des faits sexuels), ainsi qu'il le conte avec degrands éclats de rire en citant sa question naïve : " Elle était fort en peine, et me vint demander / ...
/ Si lesenfants qu'on fait se faisaient par l'oreille " (v.
162-164).Les sentiments d'Arnolphe à l'égard de celle qu'il va épouser sont complexes.
Il emploie à son sujet le terme d' "amour " dans des conditions comiques : " un air doux et posé ...
/ M'inspira de l'amour pour elle dès quatre ans.
" (v.129-130).
Il fait preuve d'un certain attendrissement en parlant d'elle, mais comme on s'attendrit sur son oeuvre etsur son bien (v.
139-142, 147).
L'estime-t-il ? Non, si l'on en juge par le fait qu'il rit de ses " simplicités mais ilattache du prix à sa naïveté qui est le fruit de sa politique " (v.
136).
Il est fier d'Agnès, heureux de la produiredevant son ami (v.
151-154) et content de conter ses mots naïfs (v.
158-164).
Tout témoigne qu'il l'entoure d'unevigilance jalouse.La " précaution " d'Arnolphe est évidemment comique, en raison de sa nature mais aussi de la satisfaction aveclaquelle il révèle son plan ; c'était, une entreprise secrète dont Chrysalde ignorait tout.Cette scène et la suite de la comédie laissent ignorer si Arnolphe a un passé sentimental ou galant, alors que DomPedre, le héros de Scarron, en a un et a souffert personnellement de la duplicité et de la trahison de plusieursfemmes avant d'épouser sa pupille, élevée, elle aussi, dans l'ignorance et l'innocence selon ses ordres.5.
Quand Arnolphe veut se faire appeler M.
de la Souche, il semble céder à la vanité, comme beaucoup de richesbourgeois qui voulaient passer pour gentilshommes et prenaient le nom d'une terre.
Des édits royaux ont prescrit àplusieurs reprises, et encore une fois en 1661, la vérification des titres de noblesse.
C'est cette prétention à lanoblesse que raille Chrysalde (v.
169-172, 175-182).
L'anecdote du paysan Gros-Pierre devenu Monsieur de l'Isle apassé pour viser Thomas Corneille, frère du grand Corneille, qui se faisait appeler M.
de l'Isle, selon un usage quipermettait à des frères de se distinguer en utilisant le nom d'une terre.Le thème satirique annexe ainsi introduit est celui du bourgeois gentilhomme dont Molière fera la peinture dans M.Jourdain (Le Bourgeois gentilhomme, 1670).Mais Arnolphe a des raisons plus profondes de vouloir changer de nom (cf.
v.
173-174).
Au vers 173, entendons quela Souche est le nom de sa propriété à la campagne, de la métairie mentionnée par Chrysalde au vers 171.
Pour levers 174, "La Souche plus qu'Arnolphe à mes oreilles plaît.
", rétablissons le non-dit : saint Arnolphe est le patrondes maris trompés et complaisants.
L'histoire de saint Arnolphe (ou Amoul, ou Emol, du latin Arnulphius) dit qu'il sesépara volontairement de son épouse qui devint de son côté une sainte.
On ne sait comment on en est venu à fairede lui le patron des maris trompés.
Les contes du XIIe et du XIIIe siècle contiennent des plaisanteries en ce sens.Dans le Roman de la Rose (1275-1280), il est question de " la confrarie Saint Emol, le seignor des cous (= le patrondes cocus) ".
On disait d'un mari dont la femme avait un galant qu'il " devait une chandelle à saint Arnolphe ".D'après le Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous les dialectes du IXe au XVe siècle de FrédéricGodefroy (1883), cela se disait encore au XIXe siècle.
Toujours est-il que le nom que porte Arnolphe peut expliquerson obsession du cocuage.
On peut en imaginer les connotations comiques à une époque où les plaisanteries sursaint Arnolphe étaient comprises.
Arnolphe veut effacer un nom de mauvais augure.
Son changement de nom n'estpas qu'une commodité pour bâtir l'intrigue de la pièce.
Il a des raisons psychologiques.6.
L'action s'engage dans le registre comique :— thème du cocuage : infidélité des femmes, complaisance des maris, peur des " cornes " ;— outrance d'Arnolphe, de ses principes, de sa " précaution ", de sa susceptibilité, de son assurance ;— comportement narquois de Chrysalde, homme spirituel et railleur.7.
Problèmes posés :— la condition des femmes dans le mariage ;— l'éducation des filles ;— l'évolution des moeurs dans la société française du XVIIe siècle.
(cf.
Livre de l'élève, " La condition des femmesen 1662 d' " après L'École des femmes ", p.
162, et Éducation, p.
176, Mariage, p.
182, dans l' " Index des thèmes").
ÉCRITURE
8.
Termes dans lesquels il est parlé de l'infidélité conjugale.
Remarquer qu'il est uniquement question de l'infidélitédes femmes et de sa conséquence pour l'" honneur " des maris.Arnolphe emploie d'entrée de jeu l'image plaisante du front orné de cornes (v.
11-12) et y recourt encore deux fois :" cornard " (v.
26), " nous en planter " (v.
76).
Registre familier d'effet comique permanent, qui traduit le caractèred'Arnolphe.
Sa vive réaction au cocuage, pour en rire et pour le craindre, correspond à une vieille tradition et trouveson expression dans ce registre.On lira avec intérêt, à l'article " Corne ", dans le Dictionnaire des expressions et locutions figurées, par Alain Rey etSophie Chantreau (les usuels du Robert), l'historique de la formation du sens injurieux des cornes.Autre désignation familière du cocu : l'euphémisme du " sot " (v.
45 et 82).
Molière met le mot en ce sens égalementdans la bouche de Donne lorsqu'elle essaie d'empêcher Orgon de donner sa fille Mariane en mariage à Tartuffe : "Elle ? elle n'en fera qu'un sot, je vous assure.
" Tartuffe, II, 2, v.
537).Ce registre familier est réservé à Arnolphe.
Chrysalde y recourt seulement en reprenant le langage d'Arnolphe d'unefaçon ironique et distanciée : " [...] quand à mon front, par un sort qui tout mène, / Il serait arrivé quelque disgrâcehumaine " (v.
59-60) ; " Pensez-vous (...) que sur votre idée / La sûreté d'un front puisse être bien fondée ? " (v.111-112).
Il utilise des expressions et tournures allusives plus discrètes, propres à atténuer les images de l'infidélité.
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