ACTE I - DIVISION 2 (PAGES 29 À 40) - Fin de partie de Samuel Beckett
Publié le 14/09/2018
Extrait du document
Une existence frustrée
Les images du passé, comme celle du rêve où Hamm recherche une bienfaisante évasion : «Si je dormais, je ferais peut-être l'amour. J'irais dans les bois. [ ... ] Le ciel, la terre. Je courrais. On me poursuivrait. Je m'enfuirais ... \" (page 33), s'opposent aux données de leur situation présente. Beckett met en présence deux séries antithétiques, l'une réelle et
Les personnages du théâtre de Beckett se présentent souvent par couples (Vladimir/Estragon, Pozzo/Lucky, Winnie!Willie). L'individu autonome est rare, il lui faut un comparse. Ensemble, ils constituent l'unité indissoluble de deux rouages engrènés l'un dans l'autre. Chacun est pour l'autre le miroir nécessaire où se réfracte sa propre identité. Entre eux peut s'établir le dialogue qui leur confère une existence dramatique. Plus que tout autre, ce couple, au contraire de la paire Hamm/Ciov, complémentaire et antithétique, s'opposant terme à terme dans ses attributions, est un dédoublement. Parents de Hamm, Nell et Nagg, la similitude de leurs deux noms le préfigure, sont des répliques l'un de l'autre: deux culs de jatte, des poubelles jumelles, l'une à côté de l'autre, deux bonnets de nuit. Tous deux ont le teint blanc, leurs \" entrées' sont rigoureusement identiques (pages 23 et 29) : «le couvercle se soulève, les mains de Nell (ou Nagg) apparaissent, accrochées au rebord, puis la tête émerge ... \" Ils semblent liés l'un à l'autre, comme les deux roues du tandem sur lequel ils ont eu l'accident qui leur a coûté les « guibolles\". Cette gémellité a des répercussions sur le dialogue qui s'organise en répliques symétriques :
«
COMMENTAIRE
Une paire de jume aux
Les personnages du théâtre de Beckett se présentent souvent par
couples (Vladimir/Estrag on, Pozzo/Lucky, Winnie!Willie).
L'individu auto
nome est rare, il lui faut un comparse.
Ensemble, ils constituent l'unité
indissoluble de deux rouages engrènés l'un dans l'autre.
Chacun est
pour l'autre le miroir nécessaire où se réfracte sa propre identité.
Entre
eux peut s'établir le dialogue qui leur confère une existence dramatique.
Plus que tout autre, ce couple, au contraire de la paire Hamm/Ciov, com
plémen taire et antithé tique, s'opposant terme à terme dans ses attribu
tions, est un dédoublement.
Parents de Hamm, Nell et Nagg, la simili
tude de leurs deux noms le préfigure, sont des répliques l'un de l'autre :
deux culs de jatte, des poubelles jumelles, l'une à côté de l'autre, deux
bonnets de nuit.
Tous deux ont le teint blanc, leurs "entrées '' sont rigou
reusement identiques (pages 23 et 29) : «l e couvercle se soulève, les
mains de Nell (ou Nagg) apparaissent, accrochées au rebord, puis la tête
émerge ...
" Ils semblent liés l'un à l'a utre, comme les deux roues du tan
dem sur lequel ils ont eu l'accident qui leur a coûté les «guibolles ".
Cette
gémellité a des répercussions sur le dialogue qui s'or ganise en répliques
symétriques :
Nagg.
-"T u me vois ?
Nell.
- Mal.
Et toi ?
Nagg.
-Quoi?
Nell.
-Tu me vois ?
Nagg.
-Mal " (page 30).
Ils sont tout à l'in verse de Hamm et Clov, dont le conflit règle les rap
ports.
Entre eux règnent l'harmonie et une tendresse que Beckett teinte
d'un peu de ridicule :
Nell.
-«Q u'est-ce que c'est, mon gros? C'est pour la
bagatelle 7, (page 29).
Aucune des tares de l'âge n'est épargnée à ces deux représentants
de la vieille généra tion.
Beckett en a adouci l'inventaire d'une note
d'h umour :
Nagg.
-«J 'ai perdu ma dent.
Nagg.
-Notre ouïe a baissé.
Ne ll.-Notre quoi 7, (page 30).
Le malheur a épargné leur amour, ne les a pas séparés, mais pourtant,
l' isolement les gagne.
Les seuls êtres qui s'aiment ne peuvent plus se.
»
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