ACTE 1 - DIVISION 1 (PAGES 9 À 16) - En attendant Godot de Samuel Beckett

« et les prémisses de l'action.

Elle doit répondr e à ces questio ns: à quelle époque le dramaturge a-t-il choisi de situer son action? dans quel pays ? qui sont les acteurs du drame ? de quel milieu sont -ils? que font -ils? où sont -ils? quel est leur âge ? sont-ils mariés, parents? etc.

Bien d'autres données peuvent venir déterminer le cadre dramatique.

Toutes dessinent la configu ration de l'aire où va se jouer l'intrigue.

Elles sont le cadre contrai­ gnant des règles d'un jeu, du conflit dont la pièce est l'histoire.

Ce conflit s'annonce dès l'exposition qui passe en revue les forces adverses qui vont s'affronter, les desseins de chacun et les obstacles qui s'oppo sent à leur réalisation.

Qu'en est-il de l'exposition de Godot ? Route à la campagne avec arbre Soir Ce sont les seules indications relatives au lieu et à l'époque données dans le texte des dida scalies visuellement transposé sur scène.

La pièce, on le voit, s'annonce dans le plus extrême dénuement: à l' except ion d'un arbre, et des deux protagonistes, la scène est vide, les horizons déserts.

Époque, lieu, identité, ces trois repères que d'autres théâtres ont surchargés de signes sont réduits ici au minimum nécessaire au jeu dramatique.

Les premiers échanges précisent néanmoins les deux personnages : nous apprenons qu'Estragon a dormi dans un fossé , qu'il ne retire pas tous les jours ses chaussures.

Ces indications glanées dans le dialogue les désignent comme vagabonds, c'est ainsi qu'ils apparais­ sent sur scène, démunis.

À la page 10, Vladimir apporte une précision temporelle : Vlad imir et Estragon ont été jeunes, "on portait beau alors, au début du siècle, «il y a une éternité, vers 1900 ".

Il faut attendre la page 16 pour savoir ce qu'ils font dans cet endroit de désolation, à converser sans que le dialogue ébauche les fondements d'une intrigue : ils attendent un dénommé Godot.

C'est l'action de cette pièce sans intrigue ! Estragon et Vla dimir Vladimir et Estragon ne sont pas des personnages au sens tradition­ nel.

Ils n'ont pas un caractère proprement dit.

Sans doute sont-ils uniques, mais ils ne représentent pas des figur es particulières : sans domicile, sans parents, passé, ni avenir.

Ils ont tout juste un prénom, pas même un nom de famille.

Leur psychologie est esquissée à grands traits.

Plus qu'aux exigences d'une indi vidualité représentative d'un type humain, elle obéit à celles d'une dichotomie: Be ckett établit d'emblée les natures contradictoires de Vladimir et Estragon.

Estragon est assis par terre à l'écoute des douleur s de son corps.

Vladimir est debout, absorbé. »