A Quelles Conditions Un Personnage De Roman Peut-Il Passer Pour Réaliste ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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à tout ce qu'ils auraient pu vivre si elle n'avait pas été bohémienne, et si lui n'avait pas été prêtre » Il imagine unfutur alternatif où ils auraient formé un couple heureux, raconte la soudaine incapacité de la science et des livres àfaire dissiper sa passion pendant qu'il s'arrache les cheveux en pensant qu'elle avait été en chemise devant unefoule venue la voir se faire pendre.
Ce passage de récapitulation devient une analyse empreinte de passionromantique, à l'image du rationaliste qui se bat inutilement contre la passion.
Le personnage que voulait Hugo, qui sevoulait historien dans ce roman, devait paraître le plus réel possible dans la période de 1492, et obtenait avec cettedimension psychologique toute sa profondeur.
Puis la passion sera amenée à disparaître au profit de l'analyse plusobjectif des romanciers réalistes dont els personnages étaient des Hommes qui, au XIXème siècle, pouvaient passerpour réalistes ; on verra qu'aujourd'hui, après la psychanalyse et l'inconscient ses personnages ne suffisent plus.
Le personnage ayant acquis sa triple dimension physique-social-psychologique, il s'agit ensuite pour le romancier dele placer dans un univers qui prend en compte les réalités.
L'autre condition pour passer pour réaliste c'est de vivresur Terre.
Pour donner l'illusion d'un environnement réel, le romancier doit imposer à son univers trois types de lois :les lois écrites, les lois non écrites (sociales et sous-entendus, de convenance) et les lois scientifiques (lois de laphysique…).
Le personnage ne peut véritablement passer pour réaliste que s'il évolue dans un univers qui l'est aussi,car on ne peut prévoir exactement la réaction humaine devance une situation qui n'est jamais advenue.
La premièrecondition pour que le personnage, construit de façon aussi réaliste que possible soir crédible et passe pour réalistec'est de ne pas défier les lois de la physique.
Cela peut paraître évident mais cela ne l'est pas : supposons leschevaliers médiévaux comme Ivanhoé dans le roman Ivanhoé de Walter Scott, le nombre de coups, de blessure etde rétablissement qu'il a endurés aurait déjà dû le rendre fou, paralysé, handicape.
Il survit sans séquelles et semarie toujours aussi beau et idéal.
Il en est de même pour nombre de héros du roman.
Dans les romans de JulesVerne ou de Wells, les lois de la physique sont défiées à chaque page et pourtant les personnages n'ont riend'extraordinaire ou de fantastique la plupart du temps mais le monde dans lequel ils évoluent tient si peu compte desréalités, ne serait-ce que physiques, que les personnages qui, dans un autre contexte, seraient réalistes, n'ontaucune dimension réaliste et cela uniquement à cause de leur environnement.La première condition est donc d'avoir un monde réel.
Or, si on suppose un personnage dans un monde réel, il doitaussi être sous le joug des lois (sauf dans le cas d'un Robinson Crusoë qui est son propre législateur).
Sans pourl'instant aborder les lois non-écrites, il faut évoquer les lois mais également le pouvoir en place : dans le monde danslequel évolue le personnages, qui a le pouvoir ? Qui l'applique ? De quel régime s'agit-il ? Dans un drame familialcomme le jardin secret, c'est la gouvernante, dans une intrigue judicaire, ce sont les juges… Le personnage subitnécessairement le pouvoir en place, à tous les niveaux, du Roi jusqu'à son tuteur.
Dans un roman qui se soucie duréel, un assassin est toujours poursuivi, souvent condamné.
Tous les détails de l'application du pouvoir par despersonnages sur un personnage doivent coïncider avec une législation réaliste.
Par exemple, pour écrire Dites-leurque je suis un homme, le romancier américain Ernest J Gaines s'est inspiré de documents réels de procès attentés àdes hommes noirs qui affichaient clairement des propos racistes pendant les années 1950.
Ce même travail a étéréalisé par Flaubert pour L'éducation sentimentale sur les témoignages de l'année 48.
On voit de véritables « romansde documentation » qui voient parfois de mêler le romancier et l'historien.
Hugo n'hésite pas à s'appeler « historien »dans Notre Dame de Paris.
Que les lois soient écrites ou simplement de convenance, le romancier se doit deconnaître l'univers réel afin de faire évoluer son personnage dans son environnement réaliste.Les romanciers post-réalistes se dirigent vers une description de plus en plus objective du milieu, les personnagessont reconstitués à partir des personnes de manière quasi-brute.
C'est ce qu'on appellera en France le naturalisme.Le réalisme balzacien ou flaubertien ne suffisaient plus : il fallait aller au-delà, jusqu'à toucher la réalité la plusobjective possible.
C'est ce qu'on fit à l'étranger au début du XXème ; avec John Steinbeck on peut réellementparler du naturalisme américain : dans Mice and Men (Des souris et des hommes) Steinbeck, dans un style trèsdialogué, laisse la parole aux ouvriers agricoles dans leur langage et se situe au plus près de la réalité : sespersonnages, qui se passent de toute description, disent tout dans le vocabulaire cru du milieu choisi par leromancier, « les types comme nous, ils ont rien – mais pas nous, Georges, hein ? – Non, parce que moi je t'ai, toi ettoit tu m'as, moi ».
Pour qu'un personnage passe pour réaliste, est-il besoin de longs romans aux descriptionsabondantes ? Ou le romancier peut-il, comme Steinbeck, tout dire dans les dialogue ou, comme Maupassant choisirla situation qui va révéler son personnage ?
Le personnage de roman est donc jugé à la fois sur sa crédibilité en tant qu'homme et sur son environnement s'ilveut passer pour réaliste.
Jusqu'à Freud, cela suffisait.
Depuis la découverte de l'inconscient, la démocratisation ducinéma et de l'image, on a de moins en moins cru à la réalité du personnage du roman.
On est entré dans l'ère susoupçon et on y est toujours.
Divers citations de l'essai de Nathalie Sarraute permettent de comprendre la crise dupersonnage et surtout du personnage réaliste : « il (le lecteur) a vu tomber les cloisons qui séparaient lespersonnages les uns des autres, et le héros de roman devenir une limitation arbitraire ».
Dès la première incursiondans l'inconscient du personnage, on ne voit plus à l'intérieur de qui on se trouve et si l'on adhère aux théories deJung sur l'inconscient collectif les cloisons tombent d'elles-mêmes.
Depuis Flaubert qui a fabrique un double fémininde lui-même dans Madame Bovary, depuis les surréalistes qui, dans des romans comme Nadja de Breton, ont diviséleur héros entre un narrateur qui dis « je » et un personnage principal extérieur qui fonctionne comme un miroir ouun double représentant le « je » qui laisse libre cours à ses pulsions inconscientes, le héros de roman ne signifie plusrien.
Sarraute l'a bien compris dans le Planétarium, elle l'applique en mêlant les monologue intérieurs de la tante etdu neveu : cette dernière lui transmet son obsession sur les petits trous dans sa porte laissés après l'installationd'une nouvelle poignée.
Ces sous-conversations se mêlent et se répondent dans uns sorte de dialogue inconscient.On peut presque parler de fusion des inconscients des personnages, Sarraute pensait que le personnage réalistedevait comporter les nouvelles découvertes, les niveaux de réalité qu'avait découvert la psychanalyse.Mais l'ère du soupçon ne s'en tient pas à cela, le lecteur, devenu prudent, se méfie de la notion même dupersonnage comme élément du temps ou composante d'une intrigue.
Car ce qui vient de relativiser le réalisme du.
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