Devoir de Philosophie

A propos de la notion du réalisme, un critique contemporain, Albert Béguin, nous livre cette réflexion : «Le liseur de romans applaudit: «C'est comme dans la vie. » Il prouve par là qu'il est étranger à toute forme d'art. Les personnages d'une œuvre ne ressemblent pas davantage à ceux de la réalité que les habitants des songes. La Clytemnestre d'Eschyle, don Quichotte, les frères Karamazov, Mme Bovary, le Grand Meaulnes sont « vrais » justement parce qu'ils ne sont pas comme nous autre

Publié le 26/02/2011

Extrait du document

clytemnestre

A propos de la notion du réalisme, un critique contemporain, Albert Béguin, nous livre cette réflexion : «Le liseur de romans applaudit: «C'est comme dans la vie. « Il prouve par là qu'il est étranger à toute forme d'art. Les personnages d'une œuvre ne ressemblent pas davantage à ceux de la réalité que les habitants des songes. La Clytemnestre d'Eschyle, don Quichotte, les frères Karamazov, Mme Bovary, le Grand Meaulnes sont « vrais « justement parce qu'ils ne sont pas comme nous autres de pauvres êtres sans valeur exemplaire et symbolique. « Vous apprécierez cette conception du personnage théâtral ou romanesque en vous fondant sur des exemples précis qui peuvent ne pas être ceux qu'évoque l'auteur.

clytemnestre

« IIe partie : « Les personnages d'une œuvre ne ressemblent pas davantage à ceux de la réalité que leshabitants des songes ». • Cependant la transcription directe de l'observation de la réalité, — celle par exemple des Goncourt, qui peignentsouvent des héros ayant réellement vécu, des cas pathologiques ou psychologiques entre autres, — ne donne pasles résultats attendus.

Leur œuvre ne rencontrant qu'un succès d'estime est finalement un échec. • En art la réalité sans transposition ni choix ne réussit pas.

C'est ce que Ch.

Baudelaire avait fort bien compris àpropos de Balzac: «J'ai maintes fois été étonné, écrit-il, que la grande gloire de Balzac fût de passer pour unobservateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné.

» • Le créateur peint sans aucun doute ce qu'il voit, i.e.

peut-être ce qu'il a vu directement, mais surtout ce qui,ayant été vu, est ensuite passé par son imagination qui le lui restitue. • Le détail de la réalité est pour lui inférieur à celui qu'il voit ainsi d'une manière plus puissante et qui en définitive luiparaît plus vraiment réel. • Exemple pour le dramaturge (Racine...) ou le romancier (Balzac) : certaines scènes doivent contenir l'essentield'une situation ou d'un caractère mais ne sont pas selon la logique de la réalité quotidienne ; elles suivent unelogique interne, symbolisent tout un être en un mot, une réplique ou un geste : agonie de Goriot, colère de Grandetréclamant à sa fille son pécule, explication d'Agrippine au 4e acte de Britannicus, répliques de Figaro au comteAlmaviva... • La logique de l'art, parfois différente de celle de la réalité, est l'exigence d'une vision personnelle du créateur, deson élan vital. • «Tous les acteurs de sa comédie [de Balzac] sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, pluspatients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement que la comédie du vraimonde ne le montre.

» Baudelaire. • L'artiste ne peut copier la réalité servilement, ni peindre toute la vérité.

Il lui faut choisir et transfigurer. • De plus le personnage doit avoir une certaine autonomie.

Le créateur doit le laisser vivre de sa vie propre. • L'imagination supervise et dépasse l'observation, libère des contraintes du réel.

Exemple: «la planète Balzac» (F.Mauriac).

C'est alors que la vérité s'inverse. • Ce n'est pas « c'est comme dans la vie » que l'on doit dire en lisant un roman «vrai», mais devant une personne ouune situation de la vie réelle : « on dirait un personnage balzacien (ou stendhalien...

ou racinien...

ou cornélien...)ou «c'est du Balzac»... • Le Royaume de l'art existe réellement.

Les personnages y vivent d'une vie frénétique : — tantôt ce sont des mythes qui sont retrouvés par le créateur à travers un destin qui se tisse à travers les siècles: mythe national de Roland, légendaire d'un malheur extraordinaire de Tristan et Iseut, de Phèdre ; figures éternellesd'Œdipe ou d'Antigone, mythe de Don Juan le séducteur qui l'emporte sur Molière qui voulait le façonner de nouveauen libertin, mais le « mythe international » (Senninger) continue à s'imposer ; — tantôt ce sont des types que l'auteur a créés, comme Dieu a créé les hommes, devenus héros populaires telsRenard, Tartuffe, Figaro, Gavroche..., ou types littéraires meublant la mémoire des gens cultivés et devenant desêtres familiers: Alceste, Géronte, René, Vautrin, Goriot, Homais, Roi Lear, Hamlet, Don Quichotte, Sancho Pança...Ce ne sont pas des «types livresques» que nous cherchons à reconnaître avec plus ou moins de pédantisme chezles vivants, mais «ils fournissent des références plus vivantes et plus pures en quelque sorte que les vivants eux-mêmes» (Senninger). • Exemple : Balzac explique qu'il a longtemps porté en lui le personnage de César Birotteau sans savoir qu'en fairejusqu'au jour où il trouva qu'il fallait le transfigurer « en en faisant l'image de la probité». • Tel doit être le travail de l'artiste : le vrai de l'art n'est pas le vrai de la nature.

«La littérature se sert du procédéqu'emploie la peinture qui, pour faire une belle figure, prend les mains de tel modèle, le pied de tel autre, la poitrinede celui-ci, et les épaules de celui-là.

» (Balzac). • Ainsi se construit le type, à «valeur exemplaire et symbolique », plus vrai que le réel si l'artiste a su donner la vie àce portrait synthétique: Grandet ou Harpagon, types de l'avare ; Tartuffe, de l'hypocrisie ; Gavroche, du titiparisien, Antigone, de la piété filiale... • Ainsi Goriot, le médiocre et obscur vermicelier, devient-il « le Christ de la paternité », type et symbole,prodigieusement vivant.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles