Informatique et Liberté
Publié le 28/09/2024
Extrait du document
«
Informatique et Liberté.
Je souhaiterai commencer par ces mots prémonitoires de Nietzsche :
« L’intérêt pris à la vérité cessera à mesure qu’elle garantira moins de plaisir,
l’illusion, l’erreur, la fantaisie, reconquerront pas à pas, parce qu’il s’y attache
du plaisir, leur territoire auparavant occupé.
»
Il me paraît important de faire un point sur les menaces que les outils
numériques font porter à nos sociétés démocratiques.
Je vais donc dans un
premier temps les détailler.
Internet est indirectement né d’une demande du complexe militaire américain
pendant la guerre froide.
Récupéré par les universités et marqué par la
« contre-culture » dans les années 1990, il étend dorénavant sa toile sur le
monde entier.
L’idéal d’un partage de la connaissance au sein d’une
bibliothèque sans frontière, à laquelle chacun peut accéder et contribuer
devient réalité.
Mais cette utopie sera rapidement confrontée avec l’ouverture
du réseau aux entreprises privées.
On assiste alors à l’émergence de nouveaux
acteurs économiques : d’abord, ceux de la vente en ligne puis ceux de la vente
d’espaces publicitaires ciblés grâce à l’exploitation des données recueillies sur
les internautes d’où la célèbre phrase : « si c’est gratuit c’est que c’est vous le
produit ».
On peut difficilement blâmer Internet qui n’est qu’un vecteur.
Comme la
télévision, la radio ou le livre il n’est ni bon ni mauvais, tout dépend de l’usage
qu’on en fait.
Les plus grosses multinationales du secteur ont acquis une position
hégémonique dans la plupart des pays du monde, à l’exception notable de la
Chine.
La puissance de leur lobbying en fait des pouvoirs aussi puissants voire
plus que bien des états.
Malgré un rôle éducationnel indéniable, Internet a contribué à rétrécir le
champ de vision des internautes, à diffuser des Fakes News, à répandre les
idées extrémistes et complotistes, nous allons voir comment.
1
Qu’est-ce qui a favorisé ce phénomène ?
L’économie de l’attention a vu le jour bien avant internet et les réseaux
sociaux.
Les médias traditionnels – presse, journaux et chaînes télévisées –
participent tous, à divers degrés, à la conquête de l’attention.
On se souvient
de Patrick Le Lay, alors président-directeur général du groupe TF1, expliquant
en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau
humain disponible ».
L’audience est la première condition de la prospérité
économique d’un média.
Tous les réseaux sociaux utilisent le même modèle, afficher un fil d’actualités,
c’est-à-dire une sélection personnalisée d’informations hiérarchisées dans
l’objectif de capter l’attention de l’utilisateur.
C’est dans ce fil d’actualité que
sont glissées les publicités ciblées.
Sur Facebook, par exemple, un annonceur va
payer environ 0,007 $ par affichage.
Le royaume des algorithmes :
Les algorithmes sont des suites d’instructions informatiques qui permettent
d’obtenir un résultat.
Pour vous donner un exemple, une recette de cuisine est
un algorithme permettant d’obtenir un plat à partir d’ingrédients et
d’instructions.
Pour garder votre attention, l’algorithme du réseau social va privilégier les
données susceptibles de plaire à l’internaute et lui fournir un fil d’actualité
captivant.
Les réseaux sociaux vont alors enfermer leurs utilisateurs dans des
sphères d’informations et d’opinions isolées les unes des autres, confirmant et
renforçant leurs croyances respectives.
L’apparition de ces bulles
informationnelles est favorisée par le fait que nous ne sommes capables que de
nous intéresser à un nombre limité de sujets.
Sur ces sujets nous avons en plus
tendance à consulter de préférence les informations confirmant notre point de
vue.
L’Intelligente artificielle ou IA.
L’IA faible ou étroite est la seule intelligence artificielle que nous ayons réussi à
réaliser à ce jour.
Les machines ne font que simuler le raisonnement humain à
partir de relations statistiques établies en intégrant des textes existants.
En
comparant les liaisons entre les mots issus de ces corpus avec celles du texte
fourni par l’interrogateur, l’IA restitue un résultat statistiquement correct et
certes souvent bluffant.
Nous utilisons d’ailleurs tous cette IA faible quand
2
notre smartphone nous fourni des mots pour compléter nos SMS.
Si je tape le
début de phrase « Je bois un », mon smartphone va me proposer les mots
« café » et « apéro », vous noterez d’ailleurs qu’il ne m’a pas proposé « verre
de lait ».
Les réseaux sociaux utilisent des IA dites de recommandation qui utilisent notre
tendance à consulter de préférence les informations confirmant notre point de
vue afin de maximiser notre temps d’attention.
Elles écartent donc les
contenus privilégiant la nuance et la complexité pour nous servir du prédigéré,
un peu le fast food du cerveau.
Nous glissons alors, à notre insu, vers des
thèses de plus en plus simplistes et tranchées.
Les Fakes News
Littéralement ce terme peut se traduire par « fausses informations », ou
« infox ».
Ces informations trompent délibérément l’opinion dans le but de
l’influencer.
Si l’art de tromper ne date pas d’hier, la véritable nouveauté réside dans la
promotion systématique du faux, facilité par l’anonymat largement utilisé sur
les réseaux sociaux.
La désinformation, jadis arme d’état, excelle à capter
l’attention.
N’importe qui peut trouver une tribune sur les plateformes
sociales, sans passer par les traditionnelles institutions médiatiques souvent
régies par des règles de déontologie.
D’après une étude de 2018, les Fakes News se répandent en moyenne six fois
plus vite que les informations authentiques et atteignant un bien plus large
public.
Leur mode de propagation sur les réseaux sociaux est similaire à celui
d’un virus contagieux, à tel point que les modèles d’épidémiologie se montrent
efficaces pour prédire leur diffusion.
Les Deepfakes
On pourrait traduire ce mot par hypertrucage.
Les techniques actuelles
permettent de truquer des vidéos de façon quasi parfaite, en modifiant ou
même en remplaçant le visage et la voix d’une personne par ceux d’une autre.
Ces techniques, basées sur l’utilisation l’Intelligence artificielle, sont de plus en
plus performantes et surtout facilement accessibles.
3
Trolls et fermes à trolls
Sur Internet le Troll n’est pas le lutin des légendes scandinaves, mais une
personne à l’origine de messages destinés à provoquer ou à perturber une
discussion.
Une ferme à trolls est une organisation qui regroupe et coordonne
des internautes, payés pour diffuser ou relayer de manière massive des
informations partielles, partiales ou totalement mensongères sur les réseaux
sociaux.
Leur but est la déstabilisation géopolitique ou politique, le lobbying ou
la propagande politique.
Le groupe Wagner a mené des campagnes destinées à défendre la politique du
Kremlin, critiquer les opposants russes, dénigrer la présence française en
Afrique ou encore créer la discorde autour du Brexit et des élections
américaines.
Ceci a été publiquement reconnu par le défunt Evgueni Prigojine.
Les trolls sont recrutés dans le monde entier, ce qui leur confère une certaine
« authenticité », vous noterez la présence de guillemets.
Pour ceux qui seraient
tentés le salaire mensuel peut atteindre 400 $, ce qui représente une somme
non négligeable pour les pays du tiers-monde.
Depuis les années 2010 certains trolls ne sont plus des humains, mais des
« bots « générés et gérés par des intelligences artificielles.
Les Trolls sont particulièrement actifs dans la complosphère.
Le complotisme
La série télévisée X-Files - Aux frontières du réel a popularisé dès 1993 la notion
de complot étatique visant à cacher des informations à la population.
Dans la
série il s’agissait principalement de preuves de la présence d’extra-terrestres,
mais elle a aussi mis en avant des brutalités étatiques bien réelles et des
interrogations populaires légitimes, mêlant le vrai et le faux.
Avec les facilités de diffusion offertes par les réseaux sociaux, des thèses
souvent pour le moins farfelues, mais jamais gratuites, se sont propagées à
toute vitesse.
Quelques exemples :
- L’antimaçonnisme et la dénonciation des Illuminati.
- La shoah serait une manœuvre des sionistes en vue de provoquer la création
de l’état d’Israël.
- Les chemtrails : les trainées laissées par les avions seraient en fait des
épandages de produits destinés à asservir les peuples.
4
- La Terre est gouvernée en secret par des reptiles humanoïdes, les reptiliens.
Ces créatures dissimulent leurs faces derrière des masques souples, et sont
trahis par leur visage inexpressifs.
Sont identifiés comme reptiliens, Georges W
Bush, Vladimir Poutine, Barack Obama, Elizabeth II d’Angleterre, Madonna, etc.
Pour maintenir leur forme humaine, ces entités ont besoin de sang humain.
- Le Rock and Roll seraient régis par le rythme luciférien du sabbat.
Il serait
porteur de message subliminaux, lesquels serait détectables en écoutant les
disques à l’envers.
John Lennon aurait été assassiné car il s’apprêtait à révéler
ce complot.
Peut-être notre frère Vincent pourrait-il nous éclairer.
La liste de ces théories du complot est quasi infinie, en la matière l’imagination
humaine s’est révélée extrêmement prolixe.
QAnon est une mouvance complotisme d’extrême droite venue des USA.
Ce
nom est formé de la lettre Q qui correspond à un niveau d’habilitation très
élevé dans l’administration américaine et du suffixe Anon pour anonyme.
Le
premier message d’un internaute sur le site 4Chan signant Q date....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Faut-il limiter la liberté d'expression ?
- Philippe Breton, Histoire de l'informatique (résumé et analyse)
- LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE C.E. 30 mai 1930, CHAMBRE SYNDICALE DU COMMERCE EN DÉTAIL DE NEVERS, Rec. 583
- En quoi consiste la liberté ?
- La Liberté