VERS L’EUROPE DES TRENTE-CINQ ?
Publié le 24/12/2018
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Le 17 janvier 1995, le président de la République française François Mitterrand apparaissait devant le Parlement européen, à Strasbourg, pour la dernière fois de sa vie. Six ans auparavant, l’Europe avait connu un bouleversement à la suite de la chute du mur de Berlin, un événement qui avait très rapidement entraîné la fin de la guerre froide, l'unification de l’Allemagne et la démocratisation des pays d'Europe centrale et orientale (PECO). Le débat dans les médias sur ces développements historiques avait tendance à se focaliser sur l’alternative suivante : soit l’UE s’ouvrait à ses pays voisins afin de les accueillir aussi rapidement que possible - option de l’élargissement -, soit l’UE décidait de consolider le processus d'intégration avant d’accueillir de nouveaux États membres - option de l’approfondissement. Mais cette distinction médiatique était en fait erronée : la ligne prônée par les États membres était en effet une combinaison des deux possibilités. Car le traité de Maastricht (1993) était conçu à la fois comme un mécanisme de consolidation, d'approfondissement (l’Union économique et monétaire, la Politique étrangère et de sécurité commune [PESC]...) et d’élargissement (démocratisation, réforme des institutions). Comme le disait François Mitterrand : « Il y a entre ces deux impératifs un lien logique : plus l'Europe s’affirme sur le plan interne et plus sa force d’attraction s’exerce sur les autres pays démocratiques d’Europe... Encore faut-il que ces deux objectifs ne se contredisent pas. C’est là la difficulté, car il faut élargir, mais il faut aussi renforcer l’Union existante. Il ne faut pas que l’élargissement affaiblisse ce qui existe et il ne faut pas que ce qui existe empêche l’élargissement de l’Union aux limites de l’Europe démocratique. » En effet, le traité de Maastricht avait comme but de promouvoir à la fois « une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » et « une union... fondée sur les communautés européennes complétées par les politiques et formes de coopération instaurées... » Deux éléments clés de cette construction étaient l’établissement d’une Union économique et monétaire, conduisant à la création d’une monnaie unique, et la mise en œuvre d’une politique étrangère et de sécurité commune ; consolidation intérieure, donc, et réaffirmation extérieure. Les cinq dernières années du XXe siècle ont été marquées par un progrès indéniable dans les deux cas.
Le traité de Maastricht avait également prévu une politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le but était d’affirmer l'identité de l'UE sur la scène internationale, y compris par la définition, à terme, d'une politique de défense commune. Des progrès ont été réalisés, surtout au niveau de la coopération ministérielle. Le sommet d’Amsterdam, en juin 1997 a, entre autres, instauré un « Monsieur PESC » (Javier Solana a été nommé à ce poste en octobre 1999), secondé par un centre de planification au sein du Conseil des ministres. En 1998, à Vienne, les ministres de la Défense se sont réunis, de manière informelle, pour la première fois, et un sommet franco-britannique a été tenu à Saint-Malo en décembre 1998. Le projet de doter l’UE d'un bras armé est devenu ainsi de plus en plus précis. Deux faits ont permis cette accélération. Le premier a été le succès électoral au Royaume-Uni, en mai 1997, du Parti travailliste mené par Tony Blair, dans la mesure où ce dernier était intéressé par une coopération plus étroite, particulièrement dans le domaine de la Défense. Le deuxième a été le conflit au Kosovo, qui a joué un rôle déterminant pour faire prendre conscience aux Européens de l'incapacité de leurs forces armées à faire face à une crise majeure sur leur continent. L'Allemagne, l'Italie et l'Espagne ayant rallié les thèses défendues initialement par la Grande-Bretagne et la France, la présidence finlandaise a proposé aux chefs d'État et de gouvernement réunis à Helsinki, en décembre 1999, deux rapports : l’un sur « le renforcement de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense », l’autre sur « la gestion non militaire des crises

«
VERS
L'EUROPE
DES TRENTE-CINQ ?
La commi.vsion présidée par
Jacques Delors devant
l 'Asse mblé e européenne,
en 1995 .
.1 .
Delors et son équipe
sont à l'origine d'un minutieux
travail prép aratoire en vue de
l'intégration monétaire et de la
création de l'euro.
Ces progrès
ont été possib les grâce à la
COIII'ergence emre des
économies européennes
assaillies.
e Bemard Bisson-Sygma
VERS L'EUROPE
DES TRENTE-CINO ?
Les éle c tion s européennes de 1999
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Ci-dessus :formai// tandem, Charles
Pasqu a et Philippe de Villiers
présemem leur propre liste
« souverainiste », qui obtiendra
w1 succès inattendu.
@ Pascal Parrot- Sygma
L'ÉLARGISSEMENT DE
L'UNION EUROPÉENNE
Comme le président Mitterrand l'avait prévu, l'Europe s'est
non seulement affirmée sur le plan intérieur mais a exercé de plus en
plus sa force d'attraction sur les autres pays démocratiques.
Là aussi,
des progrès remarquables ont été accomplis.
Le traité de Maastricht
avait affirmé que I'UE était ouverte à tous les pays démocratiques, les
conditions d'adhésion étant les suivantes : une identité européenne, un
gouvernement démocratique, le respect des droits de l'homme et la
capacité d'appliquer les règles et politiques de l'Union.
La candida
turc à l'entrée dans I'UE suppose que les postulants adoptent entière
ment le traité de l'Union ainsi que les législations afférentes (ce que
l'on appelle « l'acquis communautaire »).
Des dérogations et des
périodes transitoires sont autorisées mais elles doivent être limitées.
À
ce jour, l'Union a reçu les candidatures de dix pays des PECQ et de la
région baltique : la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la République
tchèque.
la Bulgarie, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie, 1 'Estonie et
la Slovénie.
Si I'UE s'est engagée à ouvrir des négociations avec ces
États, concrétiser cet engagement a été un exercice complexe.
Des
accords d'association -concernant les relations commerciales, l'aide
économique et la coopération politique-avec la Pologne, la Hongrie,
la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie sont
entrés en vigueur.
La Lituanie, la Lettonie et l'Estonie en ont signé en
1995, ct la Slovénie est le dixième pays a en avoir passé un en juin
1996.
Bien que critiqués comme insuffisamment libéraux sur le plan
commercial, ces accords ont incontestablement constitué une étape
importante vers l'intégration.
En 1994, le Conseil européen d'Essen avait lancé un appel
en faveur d'une stratégie globale en vue de l'adhésion de nouveaux
États en prenant deux initiatives : la préparation d'un Livre blanc
identifiant les conditions minimales pour adhérer d'une part, l'exa
men des politiques européennes susceptibles d'être modifiées d'autre
part.
Présenté par la Commission en juin 1995 au sommet de Cannes,
le Ljvre blanc a établi les types de changements d'ordre législatif que
les Etats concernés doivent introduire afin de se conformer à la légis
lation communautaire, et proposé un cadre pour leur entrée en
vigueur.
Durant l'été 1996, la Commission a demandé aux pays can
didats de répondre à des questionnaires afin de déterminer s'ils rem
plissaient les conditions requises et en juillet 1997, elle a publié ses
recommandations concernant la première vague d'adhésions, dans VERS
L'EUROPE DES TRENTE-CINQ ?
/,e président lie la Commission, Jacques Samer,
er Yves Tilibaulr de Si/guy, le commissaire chargé
de la r�alisation de l'Union économique et
monéwire, présemem la nouvelle momwie unique,
en mai /998.
C'est en étroite collaboration avec
les directeurs des Banques centrales que l'euro a
pu être mis en place.
Celle mesure devrait, selon
certains, permeure à l'Europe de mieux résister à
la concurrence des deux grandes monnaie s
mondiales, le dollar et le yen.
e> Thierry Tronnei-Corbis-5ygma
l'Agenda 2000.
Seules la Pologne, la Hongrie, la République
tchèque, 1 'Estonie et la Slovénie ont ainsi été invitées à ouvrir des
négociations en 1998 ; néanmoins le Conseil européen de
Luxembourg décida, en décembre 1997, d'ajouter Chypre à ce pre
mier peloton.
La nouvelle Commission, investie en septembre 1999,
a fait un pas en avant de plus en proposant que les négociations en
vue de l'adhésion puissent être ouvertes avec les candidats restants
qui respecteraient les critères fondamentaux, et en adoptant une nou
velle approche tenant compte des progrès réalisés dans chacun des
États.
Le Conseil européen d'Helsinki a ainsi décidé d'ouvrir des
négociations avec six nouveaux pays : désormais, ce sont douze
États, de l'Estonie à la Roumanie en passant par Chypre et Malte, qui
vont, à terme, devenir membres de l'Union.
Si, en effet, tous les can
didats sont, théoriquement, placés sur un pied d'égalité, une des rai
sons de cette nouvelle approche est le retard pris par certains pays de
la première vague, alors qu'au contraire, plusieurs de la seconde ont
comblé le leur.
Il faut rappeler également qu'après la crise du Kosovo
et la mise en place du Pacte de stabilité pour les Balkans, la volonté
politique d'aller de l'avant dan le processus d'élargissement a été
renforcée.
En outre, le Conseil d'Helsinki a accordé à la Turquie le
statut de « candidat "• mais les négociations ne seront pas entamées
avant longtemps.
La « machine " étant lancée, rien ne pourra plus
l'arrêter.
Les conclusions du Conseil d'Helsinki ne fixent pas de date
pour les premières adhésions, mais invitent l'Union à être prête au
plus tard à la fin de 2002, ce qui, compte tenu des délais de ratifica
tion, permettrait un premier élargissement au !"janvier 2004.
D'ici à
2010, sans d�ute, le Conseil réunira autour d'une même table vingt
sept chefs d'Etat et de gouvernement.
Avant le milieu du XXI' siècle,
la.
»
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