URSS de 1990 à 1994 : Histoire
Publié le 16/01/2019
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Le 25 décembre 1991, dépassé par la dynamique de transformation politique qu'il avait lui-même initiée cinq ans auparavant, Mikhaïl Gorbatchev annonce sa démission. Il entérine ainsi, au terme de soixante-dix ans d’une histoire traumatique au bilan longtemps controversé, la disparition de la deuxième superpuissance mondiale,
l’adversaire redoutable, réputé indestructible, de l'Occident libéral et capitaliste.
De la « restructuration » à la désintégration du système soviétique
Incapacité consubstantielle d'un système totalitaire à se réformer et condamné à se perpétuer ou à
s’effondrer ? Ou bien chute inéluctable d'un régime sclérosé, à la légitimité érodée, dans un contexte de grave crise politique, économique, sociale et morale ? En abandonnant le pouvoir, Gorbatchev prend acte de l’échec de sa politique de perestroïka (restructuration) et de glasnost (publicité ou transparence), qui entendait sauver le système soviétique en le rénovant par des réformes économiques et par une démocratisation des institutions. Or cette vision, qui subordonnait toujours le politique à l'économique, a sous-estimé les aspirations à la liberté des quelque 126 nationalités recensées dans le pays, une fois atténuée la peur à l’égard de la capacité répressive du pouvoir central. L’humiliant échec militaire en Afghanistan (1985) et la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (avril 1986) ont constitué les premiers indices patents du déclin et de la faillite du modèle de développement soviétique. Puis, le relâchement de l’emprise soviétique sur les pays satellites de l'Europe de l'Est, symbolisé par la chute du mur de Berlin (novembre 1989), la grave crise économique et sociale, et la volonté d’indépendance des nations du « dernier empire », ont fait imploser cet Etat géant, qui recouvrait le sixième des terres émergées de la planète. Dès 1987-1988, la société civile et, surtout, les nations avaient mis à profit les premières mesures de la perestroïka, qui allaient dans le sens d’une détente à l'extérieur et d’un nouveau « dégel » à l'intérieur. Les premières revendications naissent dans les périphéries balte et caucasienne, fortes de la mémoire d'une existence étatique indépendante antérieure à la soviétisation, sinon à la conquête russe, d'une identité préservée et d’élites nationales reconstituées. Les peuples non russes, prenant au mot les slogans réformistes, expriment alors, de plus en plus audacieusement, des revendications d'abord écologiques et culturelles, puis démocratiques et indépendantistes. Le rappel, par les Pays baltes, de l’iniquité du pacte germano-soviétique, à l’origine de leur annexion, ainsi que la remise en cause par les Arméniens des frontières arbitraires instaurées par Staline et plaçant le Haut-Karabakh sous la tutelle azérie, amorcent le processus de rejet ouvert de l’ordre impérial soviétique. Bientôt, le mouvement s’étend à tout le pays, s'accompagnant parfois de violences et d’affrontements entre les nations. Il se radicalise et se structure sous l'effet, à la fois, de l'écroulement des régimes communistes en Europe centrale et orientale et de l'attitude ambiguë et déphasée du centre, qui allie demi-mesures de libéralisation culturelle et répression, en particulier au Caucase. L'inertie de l’appareil administratif, la désorganisation de l'économie et les tensions sociales ajoutent encore à l'effervescence. Les premières élections à candidatures multiples du 26 mars 1989 (au Congrès des députés du peuple de l'URSS) et, surtout, celles du printemps 1990 pour désigner les Soviets des Républiques offrent une tribune parlementaire aux divers « fronts populaires » indépendantistes apparus à partir de 1988. En mars 1990, la
Lituanie, où le Front populaire Sajudis a remporté les élections législatives, est la première République à proclamer son indépendance.
L'implosion du centre
Après l'abolition de l’article 6 de la Constitution qui faisait du Parti communiste le noyau dirigeant de l’État, le tournant décisif est annoncé par le succès électoral du bloc « Russie démocratique », conduit par Boris Eltsine, ancien premier secrétaire du Parti à Moscou, limogé par Gorbatchev en novembre 1987.
La contestation du système est désormais portée au centre. Élu président du Parlement russe, Boris Eltsine proclame la souveraineté de la Russie (12 juin 1990) et quitte le PCUS (juillet 1990). Primauté des lois des Républiques sur celles de l'Union. autogestion économique et budgétaire, propriété nationale des richesses locales : telles sont les principales exigences contenues dans les déclarations de souveraineté qui se succèdent dans toutes les Républiques fédérées, après que la Russie a ouvert la voie et mis tout son poids dans cette partie de bras de fer avec le gouvernement central.
Dès lors, Mikhaïl Gorbatchev ne peut plus enrayer l'érosion de son autorité, malgré le cumul de la direction du Parti et de l'État (il a été élu président du Soviet suprême de l'URSS en mars 1990). l'extension des pouvoirs présidentiels (automne 1990), l’alliance avec les conservateurs du Parti et de l'armée, et le raidissement de sa politique (intervention brutale à Vilnius et à Riga, en janvier 1991 ), ainsi que le soutien persistant de l’Occident. Il n’est bientôt plus à même de s’opposer au pouvoir personnel croissant de Boris Eltsine, renforcé par son élection au suffrage universel à la présidence de la Russie (12 juin 1991). Eltsine occupe le devant de la scène politique lors de la tentative de putsch contre Gorbatchev menée par les responsables des institutions clés (KGB. Défense, Intérieur), à la veille de la signature du traité de l'Union pour une Fédération rénovée (19-20 août 1991). Conçu pour empêcher la décomposition de l’empire, ce putsch avorté la précipite. Déjà, le Pacte de Varsovie avait été dissous en juillet 1991. Le pouvoir central moribond doit accepter la sécession des Pays baltes (admis à l’ONU dès le 17 septembre 1991) et les proclamations d'indépendance successives des Républiques, Russie en tête. Le Parti communiste est interdit et le KGB. aboli. Malgré la mise en place d'institutions provisoires, la relance du projet de traité fédéral et le « chantage au chaos » exprimé par Gorbatchev, l'Union sous son ancienne forme semble vouée à disparaître, surtout après le référendum plébiscitant l’indépendance
de l’Ukraine (1er décembre 1991). Le 8 décembre 1991, à Beloveje, près de Minsk, les trois Républiques slaves (Russie, Biélorussie, Ukraine - soit 80 % du territoire et 73 % de la population), prenant acte de l’échec des négociations sur le nouveau traité de l’Union, proclament que l'URSS, en tant que sujet de droit international et réalité géopolitique, a cessé d’exister. Elles signent un accord créant une Communauté d’États indépendants (CEI), ouverte à tous, garantissant une coordination dans le domaine économique et militaire et s’engageant à respecter les obligations et accords internationaux souscrits par l'ex-URSS. Le 21 décembre 1991, les autres Républiques, à l'exception de la Géorgie et des Pays baltes, y adhèrent (accords d’Alma-Ata). S'ensuivent la démission de Gorbatchev et l’autodissolution du Soviet suprême de l'URSS (25-26 décembre).

«
entendait
sauver le système soviétique
en le rénovant par des réformes
économiques et par une démocratisation
des institutions.
Or cette vision, qui
subordonnait toujours le politique à
l'économique, a sous-estimé les
aspirations à la liberté des quelque 126
nationalités recensées dans le pays,
une fois atténuée la peur à l'égard de la
capacité répressive du pouvoir central.
L'humiliant échec militaire en
Afghanistan (1985) et la catastrophe
nucléaire de Tchernobyl (avrill986) ont
consùtué les premiers indices patents du
déclin et de la faillite du modèle de
développement soviétique.
Puis, le
relâchement de l'emprise soviétique sur
les pays satellites de l'Europe de l'Est,
symbolisé par la chute du mur de Berlin
(novembre 1989), la grave crise
économique et sociale, et la volonté
d'indépendance des nations du« dernier
empire "• ont fait imploser cet État
géant, qui recouvrait le sixième des
terres émergées de la planète.
Dès
1987-1988, la société civile et, surtout, les
nations avaient mis à profit les premières
mesures de la perestroïka, qui allaient
dans le sens d'une détente à l'extérieur
et d'un nouveau « dégel » à l'intérieur.
Les premières revendications naissent
dans les périphéries balte et
caucasienne, fortes de la mémoire d'une
existence étatique indépendante
antérieure à la soviétisation, sinon à la
conquête russe, d'une identité préservée
et d'élites nationales reconstituées.
Les
peuples non russes, prenant au mot les
slogans réformistes, expriment alors, de
plus en plus audacieusement, des
revendications d'abord écologiques et
culturelles, puis démocratiques et
indépendantistes.
Le rappe� par les Pays
baltes, de l'iniquité du pacte germano
soviéùque.
à l'origine de leur annexion,
ainsi que la remise en cause par les
Arméniens des frontières arbitraires
instaurées par Staline et plaçant le
Haut-Karabakh sous la tutelle azérie,
amorcent le processus de rejet ouvert de
l'ordre impérial soviétique.
Bientôt,
le mouvement s'étend à tout le pays,
s'accompagnant parfois de violences et
d'affrontements entre les nations.
ll se
radicalise et se structure sous l'effet, à la
fois, de l'écroulement des régimes
communistes en Europe centrale et
orientale et de l'attitude ambiguë et
déphasée du centre, qui allie demi
mesures de libéralisation culturelle et
répression, en particulier au Caucase.
L'inertie de l'appareil administratif, la
désorganisation de l'économie et les
tensions sociales ajoutent encore à
l'effervescence.
Les premières élections
à candidatures multiples du 26 mars
1989 (au Congrès des députés du peuple
de l'URSS) et, surtout, celles du
printemps 1990 pour désigner les Soviets
des Républiques offrent une tribune
parlementaire aux divers« fronts
populaires ,.
indépendanùstes apparus à
partir de 1988.
En mars 1990, la Lituanie,
où le Front populaire Sajudis a
remporté les élections législatives, est la
première République à proclamer son
indépendance.
L'implosion du centre
Après l'abolition de l'article 6 de la
Constitution qui faisait du Parti
communiste le noyau dirigeant de l'État,
le tournant décisif est annoncé par le
succès électoral du bloc « Russie
démocratique •, conduit par Boris
Eltsine, ancien premier secrétaire du
Parti à Moscou, limogé par Gorbatchev
en novembre 1987.
La contestation du système e�t
désormais portée au centre.
Elu
président du Parlement russe, Boris
Eltsine proclame la souveraineté de la
Russie (1 2 juin 1990) et quitte le PCUS
Guillet 1990).
Primauté des lois des
Républiques sur celles de l'Union,
autogestion économique et budgétaire,
propriété nationale des richesses
locales :telles sont les principales
exigences contenues dans les
déclarations de souveraineté qui se
succèdent dans toutes les Républiques
fédérées, après que la Russie a ouvert la
voie et mis tout son poids dans cette
parùe de bras de fer avec le
gouvernement central.
Dès lors, Mikhail Gorbatchev ne peut
plus enrayer l'érosion de son autorité,
malgré Je cumul de la direction du Parti
et de l'Etat (il a été élu président du
Soviet suprême de l'URSS en mars
1 990), l'extension des pouvoirs
présidentiels (automne 1990), l'alliance
avec les conservateurs du Parti et de
l'armée, et le raidissement de sa
politique (intervention brutale à Vilnius
et à Riga, en janvier 1991 ), ainsi que le
soutien persistant de l'Occident.
ll n'est
bientôt plus à même de s'opposer au
pouvoir personnel croissant de Boris
Eltsine, renforcé par son élection au
suffrage universel à la présidence de la
Russie (12 juin 1991).
Eltsine occupe le
devant de la scène politique lors de la
tentative de putsch contre Gorbatchev
menée par les responsables des
institutions clés (KGB, Défense,
Intérieur), à la veille de la signature du
traité de l'Union pour une Fédération
rénovée (19-20 août 1991).
Conçu pour
empêcher la décomposition de l'empire,
ce putsch avorté la précipite.
Déjà, le
Pacte de Varsovie avait été dissous en
juillet 1991.
Le pouvoir central
moribond doit accepter la sécession des
Pays baltes (admis à l'ONU dès le 17
septembre 1991) et les proclamations
d'indépendance successives des
Républiques, Russie en tête.
Le Parti
communiste est interdit et le KGB,
aboli.
Malgré la mise en place
d'institutions provisoires, la relance du
projet de traité fédéral et le« chantage
au chaos » exprimé par Gorbatchev,
1 'Uni on sous son ancienne forme semble
vouée à disparaître, surtout après le
référendum plébiscitant l'indépendance de
l'Ukraine (l" décembre 1991).
Le 8
décembre 1991, à Beloveje, près de
Minsk, les trois Républiques slaves
(Russie, Biélorussie, Ukraine-soit
80 % du territoire et 73 % de la
population), prenant acte de l'échec des
négociations sur le nouveau traité de
l'Union, proclament que l'URSS, en
tant que sujet de droit international et
réalité géopolitique, a cessé d'exister.
Elles signent un accord créant une
Communauté d'États indépendants
(CET), ouverte à tous, garantissant une
coordination dans le domaine
économique et militaire et s'engageant à
respecter les obligations et accords
internationaux souscrits par l'ex-URSS.
Le 21 décembre 1991, les autres
Républiques, à l'exception de la Géorgie
et des Pays baltes, y adhèrent (accords
d' Alma-Ata).
S'ensuivent la démission
de Gorbatchev et l'aut odisso lution du
Soviet suprême de l'URSS (25-26
décembre).
La CEl au service
de la suprématie russe ?
L'ambiguïté et l'incertitude quant à sa
viabilité président à la naissan ce de la
CEl, « alliance forcée, suscitée
davantage par l'impossibilité de se
séparer que par le désir de continuer la
vie commune » (h vestia du 2 janvier
1992).
S'agit-il d'une structure de
transition pmu préparer un divorce à
l'amiable, d'une alliance de nations
souveraines à l'image de la CEE, ou
d'un instrument pour empêcher
l'éclatement total de l'empire russo
soviétique, voire pour le reconstituer
sous une nouvelle forme plus souple,
mais toujours sous l'hégémonie des
Slaves ? Outre le partage des actifs et
des dettes, la réorganisation des
échanges entre les Républiques dans un
espace économique désormais
fragmenté et, surtout, te contrôle de
l'arsenal nucléaire constituent les
principaux problèmes à résoudre.
Le premier accord signé par les pays
membres de la CEl porte ainsi sur le
commandement unique des forces
stratégiques (30 décembre 1991 ).
L'attitude des Républiques à l'égard de
ce nouveau cadre insùtutionnel, où la
Russie revendique et joue, dès l'origine,
un rôle prépondérant, varie en fonction
de la situation géopolitique de ces
dernières, de leur niveau de dépendance
économique et énergétique, ou d'enjeux
politiques et nationaux spécifiques.
Au
fil de la vingtaine de réunions et
somm ets tenus au cours de ses trois
premières années d'existence, la CEl est
apparue comme une configuration à
géométrie variable, divisée entre
partisans d'une intégration étroite et
globale, regroupés derrière la Russie et
le Kazakhstan, et adversaires d'un
retour à la centralisation supranationale,
préférant les accords bilatéraux, dont
l'Ukraine est le chef de file.
Cette
division est apparue notamment à.
»
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