Unité et désunions dans l'Empire britannique, 1815-1914 (histoire)
Publié le 04/09/2012
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La deuxième explication à ces revendications concerne essentiellement l'Inde puisqu'il s'agit des promesses faites par la métropole mais non tenues après-coup. En effet, en Inde, les autorités britanniques avaient laissé entendre aux familles appartenant à l'élite que si leurs enfants recevaient une éducation à l'anglaise, alors ils pourraient accéder à des postes de l'administration et du gouvernement de l'Inde. La réalité fut tout autre : la plupart des postes restèrent aux mains des britanniques. On comprend la frustration qu'ont pu ressentir ces jeunes appartenant à l'élite indienne. Frustration qui fut encore accrue par le mépris des blancs à leur égard. Mépris qui ne pouvait plus alors être justifié par le décalage culturel ou par l'éducation mais par la seule origine ethnique ! C'était dire à ces personnes : « quel que soit votre éducation, votre intelligence, vos capacités, vous resterez inférieurs (et donc exclus du gouvernement de l'Inde) sous prétexte que vous êtes Indiens «. Pour mieux appréhender le ressenti qui devait être le leur, il suffit de repenser au jour où Gandhi fut jeté hors du train sous prétexte qu'on n'acceptait pas d'Indiens en première classe. Devant de telles injustices, ces gens ne pouvaient qu'opter pour la rébellion contre les autorités britanniques. La première phase de leur rébellion fut la création de partis politiques (comme le Parti du Congrès crée en Inde en 1885 ou le Natal Indian Congress fondé en 1894 au Natal) réclamant davantage de droits, d'égalité avec les Britanniques, de représentation et de participation pour les Indiens. Au Natal, les Indiens obtinrent plus de droits avant 1914. Par contre en Inde, il a fallu attendre 1915 et l'arrivée de Gandhi (qui prônait la résistance passive) pour que les choses progressent (mais nous n'en dirons pas davantage puisque c'est hors de notre cadre chronologique).
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superficiel.
En effet, premièrement la langue anglaise n'était pas la seule en vigueur au sein de l'Empire ; deuxièmement, chaque peuple ou pays disposait de sa proprehistoire et de sa propre culture (il faut dire que contrairement à ce qui avait été fait par les Français dans leur empire, les Britanniques, eux, n'avaient pas mis en placede politique éducative de masse à l'égard des populations locales) ; troisièmement, le racisme, le mépris et la discrimination des « blancs » à l'égard des Indiens, desAfricains et des Asiatiques nuisaient gravement à l'intégration de ces populations dans l'Empire et risquait à terme de compromettre l'unité.
II.
1860-1914 : La montée des désunions, ses causes, ses interactions avec l'unité et sa radicalisation à la fin de notre période
Certes, comme nous l'avons vu précédemment, l'unité dans l'Empire britannique ne reposait pas sur des bases solides et demeurait très superficielle.
Cependant, endépit de ses problèmes et de ses défauts, n'oublions pas que l'unité est demeurée intacte longtemps, puisque il a fallu attendre la fin des années 1850 pour voirémerger un peu partout dans l'Empire les premières contestations.
Mais alors, si la fragilité et la superficialité de l'unité dans l'Empire britannique ne sont pas la causedes désunions, en ce cas quelles sont les véritables causes et quel rôle a joué dans tout cela la « faible et superficielle » unité ?
A notre avis, l'apparition de ces contestations et de ces revendications trouvent son explication dans trois causes distinctes.
La première étant qu'au bout d'un certain nombre d'années, la pesanteur de la tutelle britannique sur les secteurs politiques, administratifs et économiques étaitdevenue insoutenable pour ses colonies.En ce qui concerne la pesanteur sur le secteur économique, celle-ci provenait de la conception que les Britanniques avaient de leurs colonies.
En effet, pour lamétropole, les colonies constituaient des réservoirs de matières premières et des marchés de consommation pour ses propres produits finis.
Par conséquent, lescolonies devaient se concentrer sur l'exploitation de matières premières et sur l'agriculture.
Or d'une part, ces deux secteurs étaient loin d'être ceux qui apportaient leplus de valeur-ajoutée aux ressources tant humaines que matérielles d'un pays (exemple : un pays qui possédait de grandes réserves de bois gagnait bien plus àfabriquer des meubles qu'à simplement vendre du bois brut) et d'autre part, cette conception des colonies plaçait ces dernières en état de dépendance constante vis-à-vis de la métropole et de son industrie.
Cette conception ralentissait le développement économique des colonies (faiblesse de l'industrialisation et amoindrissementdes productions locales existantes) et les freinait dans leurs initiatives puisque les intérêts de la métropole et des colonies étaient distincts.
Des pays comme le Canadaet l'Inde ont très mal vécu cette situation.
D'ailleurs, dès lors que le Canada a acquis davantage de liberté dans le choix de sa politique économique, il a mis en œuvrela National Policy (1879), politique qui visait à favoriser l'industrie canadienne via notamment des tarifs protectionnistes à l'égard des importations anglaises.L'attachement de Gandhi à la protection et au redéveloppement de l'artisanat indien était tout aussi révélateur.Pour ce qui est de la pesanteur de la tutelle britannique sur les secteurs politiques et administratifs, celle-ci provenait de la faible place accordée aux colons ou auxautochtones dans l'appareil politique et administratif de leur contrée.
Cette faible participation (et donc représentation) empêchait les populations locales de choisirpar elles-mêmes la destinée de leurs pays (ou tout du moins d'y participer).
Cela constituait une entrave à leur liberté.
Alors si un pays comme le Canada a acquisdepuis la mise en place de la Confédération canadienne en 1867 davantage de liberté politique et de liberté de mouvement (ce qui lui a permis, par exemple, derefuser de participer à la guerre des Boers en 1899-1902).
En revanche, l'Inde, elle, n'a pas vu sa situation s'améliorer puisqu'à la suite de la révolte des Cipayes en1857 (première manifestation, réprimée dans le sang, d'une exaspération vis-à-vis de la domination britannique) elle est passée sous administration directe de laCouronne britannique (le Gouverneur devenant un Vice-Roi).
Et on ne peut pas dire que les maigres avancées introduites par le Government of India Act de 1909(qui offrait théoriquement davantage de place en termes de représentation aux élites indiennes mais qui, dans les faits, demeurait très restrictif) aient radicalementchangé la donne dans ce pays (au fond, les Britanniques n'avaient pas la moindre envie d'accorder des libertés politiques, administratives ou économiques au « Joyaude la Couronne »).La tutelle britannique sur les secteurs économiques, politiques et administratifs représentait donc une entrave pour ces pays.
Notons que dans le cas du Canada, levoisinage direct avec le grand-frère américain émancipé et qui plus est en pleine ascension devait rendre cette entrave encore plus sensible et insupportable.
La deuxième explication à ces revendications concerne essentiellement l'Inde puisqu'il s'agit des promesses faites par la métropole mais non tenues après-coup.
Eneffet, en Inde, les autorités britanniques avaient laissé entendre aux familles appartenant à l'élite que si leurs enfants recevaient une éducation à l'anglaise, alors ilspourraient accéder à des postes de l'administration et du gouvernement de l'Inde.
La réalité fut tout autre : la plupart des postes restèrent aux mains des britanniques.On comprend la frustration qu'ont pu ressentir ces jeunes appartenant à l'élite indienne.
Frustration qui fut encore accrue par le mépris des blancs à leur égard.
Méprisqui ne pouvait plus alors être justifié par le décalage culturel ou par l'éducation mais par la seule origine ethnique ! C'était dire à ces personnes : « quel que soit votreéducation, votre intelligence, vos capacités, vous resterez inférieurs (et donc exclus du gouvernement de l'Inde) sous prétexte que vous êtes Indiens ».
Pour mieuxappréhender le ressenti qui devait être le leur, il suffit de repenser au jour où Gandhi fut jeté hors du train sous prétexte qu'on n'acceptait pas d'Indiens en premièreclasse.
Devant de telles injustices, ces gens ne pouvaient qu'opter pour la rébellion contre les autorités britanniques.
La première phase de leur rébellion fut la créationde partis politiques (comme le Parti du Congrès crée en Inde en 1885 ou le Natal Indian Congress fondé en 1894 au Natal) réclamant davantage de droits, d'égalitéavec les Britanniques, de représentation et de participation pour les Indiens.
Au Natal, les Indiens obtinrent plus de droits avant 1914.
Par contre en Inde, il a falluattendre 1915 et l'arrivée de Gandhi (qui prônait la résistance passive) pour que les choses progressent (mais nous n'en dirons pas davantage puisque c'est hors denotre cadre chronologique).
La troisième explication étant le constat de l'inégalité de traitement des peuples au sein de l'Empire.
En effet, les Indiens, par exemple, ont certainement assez malvécu le fait que la métropole fasse des concessions politiques, administratives et économiques à la Confédération canadienne et à la Confédération australienne,tandis que dans le même temps, eux se voyaient refuser ces mêmes concessions.
En somme, le caractère fragile et superficiel de l'unité dans l'empire britannique ne fut pas la seule cause expliquant la montée des désunions puisque si tel avait été lecas alors les désunions seraient apparues beaucoup plus tôt.
Elle fut cependant une cause majeure dans la mesure où ses faiblesses ont grandement facilitées lamontée des désunions.
Les désunions ont puisées leurs forces dans les faiblesses de l'unité.
Si l'unité avait été solide et profonde, les peuples auraient été beaucoupmoins enclins aux désunions.
Indiquons qu'à côté des prémices (encore légères) de désunion observées en Inde, au Canada et en Australie (désunions qui prendront de l'ampleur lors de la périodesuivante), il existait quelques très rares cas de désunions franches pour la période qui nous concerne, à savoir les cas quasiment identiques d'Orange et du Transvaal.Ces deux petites républiques Boers libres n'ont jamais admis la domination britannique et ont farouchement luttées contre les Britanniques après que ceux-ci les aientannexés à l'Empire afin de mieux les spolier de leurs immenses ressources respectives en diamants et en or.
Ces désunions franches ont d'ailleurs abouties à deuxguerres dites « des Boers » (1880-1881 et 1899-1902) au cours desquelles Boers et Anglais s'affrontèrent militairement.
Au final, les velléités d'indépendance desBoers furent satisfaites par la mise en place de l'Union sud-africaine (dotée du statut de dominion) en 1910.
En ce qui concerne le Canada, l'Australie, l'Inde et les colonies d'Afrique noire, les désunions vont s'amplifier et se radicaliser à partir des années 1910 (il n'est plusquestion désormais de davantage d'autonomie mais bien d'indépendance).Cela s'explique dans les colonies blanches (ou colonies de peuplement ou dominions) par un changement d'état d'esprit des populations d'origine anglaise : avant lesannées 1910-1914 ces gens se considéraient avant tout comme des colons britanniques, après ils s'estimeront d'abord Canadiens, Australiens et ensuite Britanniques(les sociétés locales s'autonomisent et s'éloignent de la métropole).
Ils se sentent moins concernés par les problèmes que rencontrent les Britanniques et la PremièreGuerre Mondiale va largement les conforter dans cette vision.
Ce changement de vision s'explique selon nous par le changement de génération : en 1910 les colonsétaient souvent de troisième voire de quatrième génération, la plupart étaient nées dans la colonie, y avaient toujours vécus et n'étaient jamais allés en métropole.Leur pays c'était la colonie et non la métropole.Pour les colonies comme l'Inde ou les pays d'Afrique noire, la radicalisation et l'amplification du processus de désunion est lié au manque de respect des Britanniquesvis-à-vis des autochtones, à l'inégalité de traitement (pourquoi les dominions obtiennent-ils des libertés et pas eux ?), à la faible place qui leur est accordé dans lagouvernance de leurs pays et aux mensonges des Britanniques (ils promettent par exemple que si les Indiens les aident durant la Première Guerre Mondiale alors ilsleur octroieront plus de libertés et de droits mais ils ne tiennent pas parole après la guerre).
Ces populations sont exaspérées et décident de conquérir leurindépendance par la lutte (ils cessent de croire dans le processus légal et dans l'idée qu'aider les Britanniques leur apportera ce qu'ils demandent)..
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