Tunisie de 1995 à 1999 : Histoire
Publié le 24/12/2018
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Contrairement à ses deux grands voisins du Maghreb, l'Algérie républicaine - en proie à un conflit meurtrier mais dans un contexte de pluralisme politique et de concorde civile depuis le référendum de septembre 1999 - et le Maroc monarchique - qui poursuit depuis 1996 son expérience inédite d’alternance politique et s'engage, depuis l’intronisation de Mohammed VI
en août 1999, sur la voie de l’ouverture -, la Tunisie reste marquée par l'immobilisme et la répression. En effet, alors que les performances de l’économie tunisienne sont meilleures et dépassent celles de ses voisins (avec une croissance supérieure à l’accroissement démographique, un PNB par habitant élevé par rapport à celui de l’Algérie et du Maroc et l’existence d’une classe moyenne
dynamique), le pays poursuit sa dérive autoritaire, entamée au début des années quatre-vingt-dix lorsque le président Ben Ali avait affirmé sa volonté de « sauver son pays de l’automne mortel » de l’intégrisme islamiste. Tandis que les institutions financières internationales privilégient l’hypothèse d'un développement paisible et harmonieux d’un pays engagé solidement sur la voie de la

«
prospérité ct
félicitent les autorités de
Tunis pour les performances réalisées
par leur économie, les associations de
défense des droits de l'homme,
nationales et internationales,
s'inquiètent toujours de la dureté du
régime à l'égard de tous ceux qui ne
lui font pas allégeance de manière
explicite.
En 1998 et 1999, les atteintes aux
libertés se multiplient : outre la
surveillance tatillonne de l'ensemble
de la population, le pouvoir procède à
des procès d'opinion et harcèle les
familles d'opposants emprisonnés.
En
février 1998, le vice-président de la
Ligue des droits de l'homme,
Khemaïs Ksila, est condamné à trois
ans de prison ferme ; un mois plus
tard, une vague d'arrestations
s'abat sur les milieux syndicaux ct
estudiantins ; onze chefs d'inculpation
sont signifiés à l'avocate Radhia
Nasraoui, une des cibles favorites du
régime destourien.
Cette répression
apparaît d'autant plus inexplicable et
étrange que le pouvoir du président
Ben Ali, réélu pour un troisième
mandat de cinq ans à l'issue d'un
véritable plébiscite (plus de 99 % des
suffrages à l'issue du scrutin d'octobre
1999), ne semble pas menacé.
C'est la raison pour laquelle les alliés
traditionnels de la Thnisie (les États
Unis en particulier, la France se tenant
en retrait sur ce chapitre) souhaitent
que le régime offre un visage plus
présentable et plus démocratique.
Mais, dans la réalité, le peu de cas que
les autorités de Tunis font de la liberté
d'expression et d'organisation n'altère
nullement les relations avec les pays
occidentaux, qui considèrent toujours
la Thnisie comme un pôle de stabilité
dans une région troublée.
Le pays jouit
surtout d'une bonne réputation
internationale en raison de sa bonne
tenue économique.
Malgré les inconnues que réservent les
dix prochaines années, pendant
lesquelles le pays devra amortir le
choc de l'accord de libre-échange
signé en 1995 avec l'Union
européenne, les perspectives sont
bonnes pour les planificateurs
tunisiens : des centaines de milliers
d'emplois devraient être créés d'ici
2001 et le revenu par habitant devrait
atteindre 3 000 dollars à 1 'horizon
2010.
Grâce au développement du
tourisme (2 milliards de dollars
de recettes brutes en 1999 et plus de
5 millions de touristes en l'an 2000) et
à la poursuite du programme de
libéralisation, dont l'objectif principal
est d'accroître la capacité exportatrice
de ce petit pays de moins de
9,5 millions d'habitants, la Thnisie
peut accéder au cercle des pays en
développement ayant assuré
définitivement leur « décollage
économique"·
La question qui se pose est de savoir
quel sera le coût social de J'adaptation
de l'économie tunisienne au nouveau
contexte mondial.
Jusqu'à présent, le
pays a réussi à tirer son épingle du jeu
et les Tunisiens ont vu leur niveau de
vie augmenter dans des proportions
non négligeables au cours des
dernières années.
Cette amélioration
des conditions de vie et de la situation
sociale peut expliquer qu'une grande
partie de la population s'accommode
ou se résigne face à l'autoritarisme du
régime qui, par ailleurs, reste
relativement attentif à ses attentes
sociales.
En effet, tout en favorisant le
développement économique du pays,
l'État poursuit son action dans les domaines
éducatif et social, à
l'exemple, notamment, du Fonds
national de solidarité (FNS), alimenté
par les dons des citoyens et les
subventions de l'État et qui permet de
réaliser des infrastructures de base
dans les zones ou les quartiers les plus
démunis.
Mais certaines fragilités
structurelles n'ont pas disparu : le
tissu associai if est très pauvre (deux
partis seulement sont tolérés aux côtés
du RCD- Rassemblement
constitutionnel démocratique du
président Bèn Ali) ; le marché national
et la demande solvable sont étroits et
la dépendance vis-à-vis des marchés
de I'UE est trop forte.
De plus, une
grande partie des installations
industrielles sont vétustes et
l'économie est encore sensiblement
dépendante du secteur agricole (olives,
céréales, fruits et légumes), très
soumis aux aléas climatiques et très
protégé.
Enfin, les lourdeurs
bureaucratiques, les dangers de la
corruption dans les institutions
économiques, administratives et
politiques, la démobilisation des
couches moyennes et l'hostilité de
l'intelligentsia handicapent également
le pays.
Tout cela peut écorner le
consensus actuel, malgré
l'unanimisme affiché au congrès du
RCD, tenu en juillet-août 1998, et
confirmé par les résultats de l'élection
présidentielle d'octobre 1999..
»
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