SUJET : Peut-on parler d’un déclin du Parlement sous la Vème République ?
Publié le 07/03/2014
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SUJET : Peut-on parler d’un déclin du Parlement sous la Vème République ?
Peut-on parler d’un déclin du Parlement sous la Vème République ? Le sujet suppose donc une étude comparative avec une situation antérieure susceptible de mettre en évidence une évolution concernant, notamment, le rôle et les pouvoirs du Parlement. Nous savons que les régimes parlementaires des IIIème et IVème République ont dégénérés en régimes d’assemblées (M. Carré de Malberg à parlé de « Parlementarisme absolu «) Dès 1946, le GDG, dans son discours de Bayeux (16 juin) avait clairement indiqué qu’à ses yeux les luttes partisanes s’étaient exercées au détriment des intérêts supérieurs de la nation dans la mesure où elles s’étaient traduites par l’instabilité gouvernementale et la décadence de l’Etat.Il était donc temps de renforcer l’exécutif (« inaugurer les chrysanthèmes « c’est bien,… mais ce n’est pas gouverner) ce qui supposait un affaiblissement et une amputation du pouvoir législatif : « gouverner c’est légiférer «, le Général le savait, même si l’on doit la formule au Professeur Pierre AVRIL.
Mais en 1946, les constituants n’ont eu que faire des recommandations du général (l’instabilité gouvernementale et conséquemment l’incapacité à mener durablement une politique s’est donc poursuivie entrainant ainsi le pourrissement de la IVème République).Il a donc fallu attendre son retour aux affaires pour que soit enfin restauré l’autorité et l’efficacité de l’Etat. En effet, les auteurs du texte constitutionnel de 1958 (M. Debré, scribe du GDG ?) ont voulu réaménager sérieusement le fonctionnement des institutions et les rapports de pouvoirs entre elles : la politique de la nation ne sera plus décidée à l’Assemblée Nationale et mise en ouvre par le gouvernement mais déterminé par ce dernier et mise en œuvre par lui avec la collaboration du parlement. Le constituant marque donc très clairement son intention de restaurer l’autorité gouvernementale et d’abaisser corrélativement le Parlement. C’est la rationalisation du parlement qui apparaît, à notre sens comme l’amorce du déclin de cette institution. (I)
Cependant,une analyse plus fine, développée par Pierre Avril «Le Parlementarisme rationalisé « (1998), nous conduira à considérer que c’est en fait l’apparition en 1962 du fait majoritaire qui a scellé le destin du parlement et conduit à la pérennisation de son déclin (II).
*La rationalisation du Parlement : l*’amorce d*u* déclin *La nouvelle donne constitutionnelle de 1958* : la marginalisation du parlement. Avant d’analyser dans le détail les mesures juridiques de rationalisation, il convient de préciser que cet encadrement du Parlement entrait, semble-t-il, dans une logique de solidarité entre le gouvernement et sa majorité. Or, il apparaît au vue du fonctionnement des institutions de la Vème République que cette collaboration a été instrumentalisée au profit du gouvernement présidentiel qui se fonde plus sur une logique de séparation des pouvoirs tout en bénéficiant des prérogatives d’un gouvernement parlementaire. Autrement dit, l’enfer constitutionnel de la Vème pour le Parlement était pavé de bonnes intentions (collaboration, solidarité)… que la défiance ancestrale à vite fait disparaitre au fil du temps. (Politique du « chacun chez soi « tempérée par le privilège de l’empiètement de l’exécutif dans le pouvoir législatif.)
Quels sont donc les instruments juridiques de la rationalisation à l’origine du déclin du parlement ?
Pour résumer nous examinerons qu’ils visent à assurer, d’une part la stabilité du gouvernement d’autre part, la maitrise par le gouvernement du processus législatif. Certes, l’assemblée Nationale dispose en théorie du pouvoir de renverser le gouvernement en recourant à la motion de censure, (Art. 49-2), mais sa mise en œuvre en pratique ne semble guère envisageable notamment en raison du fait majoritaire. Mais surtout, il est important de voir combien la facilité avec laquelle le gouvernement peut dissoudre l’assemblée nationale est révélatrice d’un déséquilibre entre un exécutif fort, disposant « d’armes de dissuasion « et plus exactement de l’arme de la dissolution (Art. 12) et un législatif amputé, (Art. 37) et opprimé (projets de lois). Et « tout cela « s’explique : au quotidien, le parlement est d’abord responsable devant le chef de l’Etat élu au suffrage universel. (Le quinquennat et l’inversion du calendrier des élections en 2001 n’arrangerons rien , bien au contraire, l’Assemblée tiendra sa légitimité du peuple, certes, mais pour mettre en place la politique voulue par les français qui ont élu le président. L’assemblée n’aura qu’une voix, la « voix de son Maître «, le président de la République«…
En outre, le déclin des pouvoirs du parlement est significatif tant du point de vue matériel, avec la délimitation du domaine de la loi de l’art. 34, que du point de vue organisationnel, avec la réduction importante du nombre de commissions permanentes (Art. 43). Sur un plan purement fonctionnel, on peut également voir les marques du déclin puisque les prérogatives des commissions permanentes (Art. 42) ainsi que le droit d’amendement des parlementaires sont rigoureusement encadrées (Art. 40, 41 et 44 de la constitution de 1958)
Nous rappellerons que la captation du pouvoir normatif par le gouvernement a été renforcée en 1958 par l’article 38 de la constitution qui permet au gouvernement de demander au Parlement une autorisation de règlementer (dans un délai limité), et dans un domaine relevant en principe de la loi. Dès l’obtention de l’habilitation, le gouvernement peut rédiger ses ordonnances et les adopter en conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat.
Enfin, il est nécessaire d’insister sur les moyens de coercition du gouvernement qui traduisent implicitement ce déclin : le vote bloqué (Art 44-3) et le fameux article 49-3 qui permet au gouvernement d’engager sa responsabilité sur un texte. A priori, la lettre de ce texte ferait bien croire qu’il s’agit au fond d’un pouvoir de sanction donné au parlement. En réalité, il s’agit d’un cadeau empoisonné car il est difficile pour les députés de rentrer dans le rang que de franchir le Rubicon… C’est ainsi que l’on a pu constater que dans les périodes ou le fait majoritaire a eu du mal à se dégager, (absence de majorité cohérente et stable pour soutenir l’action gouvernementale : 1958/1962 ; 1976/1981 ; 1988/19993), la rationalisation a parfaitement fonctionnée : le parlement s’est soumis…
Cependant, pour M. Le Professeur AVRIL, l’abaissement du Parlement sous la Vème République ne résulte pas du parlementarisme rationalisé, il provient essentiellement de ce que le gouvernement était en fait responsable devant le Président et non devant l’Assemblée Nationale : la source de son autorité (du fait de l’élection du président au suffrage universel direct) était extérieur au Parlement, qui se trouvait réduit au rôle de machine à voter des lois et n’exerçait donc plus sa fonction politique. Mais avant d’analyser les incidences du fait majoritaire sur le déclin du Parlement (II), voyons si l’assouplissement de la rationalisation est de nature à enrayer le déclin du parlement. (B)
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : un* assouplissement de la rationalisation *impropre à enrayer le déclin. La volonté de réforme des méthodes de travail du parlement ne date pas d’hier. Dès 1960, c’est un des thèmes majeur du réformisme constitutionnel qui a donné naissance dans un premier temps au rapport VEDEL de 1992, puis le Comité BALLADYR de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République en 2008.
Il convient de dégager deux grands axes dans la révision constitutionnelle de 2008, sensés rééquilibrer les institutions et donc « revigorer « le Parlement. Le premier ayant trait à la restauration des doits du parlement, l’autre aux restrictions portés à l’action gouvernementale. Mais à vaincre sans péril….
La réforme entent tout d’abord revaloriser le travail en commission avec fixation à huit le nombre maximal de commissions permanentes (le règlement de chaque assemblée devant procéder à un redécoupage des champs de compétence) même si pour le moment le sénat n’a pas jugé utile d’augmenter le nombre de ses commissions permanentes.
Un changement juridique plus significatif de la restauration des droits du parlement peut être mis en évidence avec le nouvel article 42-1 qui précise que la discussion en séance publique portera, sauf exceptions, non pas sur celui du gouvernement mais comme c’était le cas sous les deux républiques précédentes) sur le texte tel qu’il est « sorti « de la commission. Le gouvernement sera donc amené en théorie à se justifier soit en commission pour conserver le texte en l’état, soit en séance publique afin de rétablir le texte dans s version originaire.
Une meilleure information des élus (en vue d’une délibération parlementaire plus approfondie car mieux préparée) est prévue (Art. 39-2), puisque le gouvernement doit accompagner ses projets d’études d’impacts dont le contenu a été précisé dans une loi organique de 2009.
Et le gouvernement montre sa bonne volonté… en faisant des concessions (réelles ?) tout d’abord en ce qui concerne l’ordre du jour qui est désormais partagé entre le parlement et le gouvernement. (Art. 48) Mais ce n’est pas tout, le gouvernement veut aussi être contrôlé et même évalué ! (Si le Général de gaulle avait vu ça !...) En effet, il est prévu que sur les deux semaines mises à la disposition des parlementaires,, l’une sera exclusivement réservée à ce contrôle et à l’évaluation.Quel signal fort envoyé au peuple, le gouvernement est surveillé et doit rendre des comptes devant les députés….de la belle poudre de Perlimpinpin. Nous osons à peine voir la tête des membres du gouvernement et du Président si des députés frondeurs (inconscients, c’est mieux !) venaient à critiquer la politique mise en place par le roi soleil. Décapitation,… ?
Moins humoristique est le recours à la déclaration d’urgence devenue dans le nouveau texte « procédure accélérée « qui a pour but de raccourcir (sans jeux de mots) la durée de la navette parlementaire et qui prévoit que les députés pourront s’y opposer (Art. 45 Constitution)
Enfin et surtout, on ne pouvait pas parler de rénovation du Parlement sans s’attaquer à l’infâme article 49-3, pierre angulaire du parlementarisme rationalisé de 1958. L’article 49-3C voit son champ d’application réduit à la portion congrue, puisqu’il ne pourra être sollicité que pour les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, et de façon plus indéterminé pour un seul texte par session. Le gouvernement devra donc convaincre plutôt que de contraindre. Mais quand on sait que le gouvernement prêche pour des convertis, la encore on peut se demander si toute cette réforme n’est pas que de la poudre aux yeux de l’opinion publique. Quand on est sûr de sa majorité, on ne renforce plus un adversaire mais un allié et toute pseudo- concession n’est qu’un renforcement déguisé du pouvoir d’un seul, le chef de l’Etat.
« A vaincre sans péril, … «, on connait la suite. La révision constitutionnelle du 28 juillet 2008, est une grande réforme, ou plutôt une réforme ambitieuse mais sans gloire. On peut légitimement se demander à quoi sert une restauration des droits du Parlement (flatter l’égo des députés ? donner l’impression à l’opinion publique que le gouvernement s’affaiblie au profit de la représentation nationale ?) alors que les parlementaires ont les mains liés par la discipline de vote (implicite). Le parlement n’étant plus « la bête noire « du gouvernement, à quoi sert de desserrer la bride d’un animal dressé ? En effet, l’Assemblée nationale et le gouvernement ne sont plus en friction permanente comme sous les républiques antérieures : L’hyper président décide, le premier ministre fait mine (bien triste aujourdh’ui) de lancer la machine, et le Parlement n’est que la courroie de transmission finale de la volonté de l’hyper présidentpour terminer le travail qui est l’élaboration de la loi. Nous verrons donc dans la deuxième partie que ces changements juridiques aurront probablement ces effets limités en raison de l’allégeance politique au gouvernement des parlementaires de la majorité. (II)
II) Le fait majoritaire : la pérennisation du déclin.
*A’) L’alignement politique du Parlement rendu possible par le « *fait majoritaire* «* : le parlement chambre d’enregistrement de la volonté présidentielle.
La majorité parlementaire est acquise au gouvernement et au président. Sous la Présidence Sarkozy, le déclin du Parlement si ce n’est dans la lettre des institutions mais au moins dans la pratique a atteint son point d’acné. Rien ne se décide d’important sans la volonté du Président. D’ailleurs, dans son discours d’Epinal du 12 juillet 2007, Nicolas Sarkozy avait été très clair : « Je vais dire un gros mot : je souhaite que le président gouverne et que dès lors il soit amené à rendre des comptes. « Rendre des comptes à une assemblée qui lui est toute acquise, voila bien « l’épreuve « à laquelle le Président a décidé de se soumettre avec la révision constitutionnelle de 2008. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que le budget de fonctionnement de l’Elysée ait explosé (+ 27% en 2008), car le roi soleil (expression que l’on a pu voir fleurir en juin 2009 lors de la réunion du Parlement en Congrès) est omnipotent et omniprésent. C’est le « président qui gouverne « (J.B de Montvalon) et « gouverner c’est légiférer « (P. Avril), _le parlement étant donc à la botte du Président_. Renforcer les pouvoirs d’un organe obéissant aux ordres, c’est se renforcer soi même. En cela la formule « àvaincre sans péril, on triomphe sans gloire « peut s’appliquer à la réforme de la constitution souhaitée par N. Sarkozy.
Dans ses conditions, les nouvelles prérogatives attachées aux commissions permanentes dont la composition se doit de respecter l’équilibre des forces politiques, devront être appréciées au regard de l’autocensure majoritaire qui sera sans doute plus manifeste à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Il est possible que « l’anomalie « du sénat réserve quelques surprises au niveau de la mise en pratique effective de ces espaces de liberté.
En outre, il n’est même pas certain que les parlementaires puissent réellement en profiter puisque le nouveau partage de l’ordre du jour impose au du cumul des mandats nationaux et locaux élus plus de présence et d’investissement personnels afin d’alimenter les semaines de séance réservées aux assemblées en débats, questions et autres propositions de lois. Le comité Balladur avait d’ailleurs anticipé ce problème en proposant une limitation du cumul des mandats locaux et nationaux, laquelle n’a même pas été reprise dans le projet de loi constitutionnelle de 2008. Belle preuve d’immobilisme et n’est pas la démonstration que les nouveaux pouvoirs n’intéressent personnes parce que chacun que _la messe est déjà dite…à l’Elysée._
B’) De quel déclin parle-t-on ?
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