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Russie de 1990 à 1994 : Histoire

Publié le 16/01/2019

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De l'URSS à la Russie

 

Le 19 août 1991, lors de la tentative de putsch des tenants de l’ordre soviétique contre un Mikhaïl Gorbatchev affaibli, l’image martiale du président russe Boris Eltsine, haranguant les foules du haut d'un char devant la « Maison Blanche », le siège du Parlement russe, sur fond de drapeau tricolore national - bleu, blanc, rouge -, a symbolisé le retour de la Russie sur la scène mondiale.

 

République la plus vaste de l'ex-URSS (76 % du territoire), la plus importante par sa population (148 millions d'habitants, dont 83 % de Russes) et la plus riche par ses ressources naturelles, la Russie, qui n’a jamais existé que comme empire, s’était identifiée à la nouvelle Union issue de la révolution d’Octobre au point de s’y fondre. Cette réalité était la conséquence du choix stratégique de Lénine de rallier les nations à la révolution en effaçant l'image de « prison des peuples » et de « chauvinisme grand-russe » de l'empire des tsars. Dès le 15 novembre 1917, la « Déclaration des droits des peuples de Russie » proclamait le droit à la sécession des nations de l’empire. Les Républiques qui avaient alors opté pour l’indépendance furent progressivement reconquises par l’armée Rouge. Mais elles conservèrent formellement leur « souveraineté », adhérant à l'URSS par la signature d’accords bilatéraux avec la République socialiste fédérative

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soviétique de Russie (RSFSR), autoproclamée prolétarienne et internationaliste. Incontestablement hégémonique sur le plan démographique, économique et politique, imposant ses lois et sa langue à l’ensemble de l’Union, la Russie soviétique n’était dotée, à la différence des Républiques nationales de la périphérie, ni d’institutions propres (PC. gouvernement, Gosplan, syndicat. Académie des sciences, etc.), ni d'une capitale, ni même d’une langue nationale officielle. Elle devait se fondre dans une Union soviétique qui refusait de s'avouer comme empire et de faire la distinction entre « métropole » et « périphérie » coloniale.

 

Les aspirations à la démocratie et à la liberté des nations périphériques au début de la perestroïka ont également atteint le centre russe, de façon tardive mais déterminante. L’élection du Congrès des députés du peuple de Russie de mars 1990 constitue le premier pas vers la création de structures républicaines nationales, que consacre la « Déclaration de souveraineté » (12 juin 1990). Par cette décision, suscitée par le président du Parlement russe, Boris Éltsine, en lutte pour le pouvoir contre le président de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, la Russie prend la tête du mouvement séparatiste. Le 12 juin 1991, Eltsine est élu président de la République de Russie au suffrage universel ; le général Aleksandr Routskoï devient vice-président, et Rouslan Khasboulatov, président du Soviet suprême.

 

Fort de cette légitimité issue des urnes. Eltsine profite de la tentative de putsch contre Gorbatchev pour s’emparer des leviers de commande de l’URSS en y plaçant ses hommes et en mettant la main, au nom de l’État russe, sur les biens du PCUS. nouvellement interdit. La création de la CEI - sur l’initiative de la Russie, associée d’abord aux deux autres Républiques slaves (Biélorussie et Ukraine) - parachève le démantèlement de l’URSS comme « sujet de droit international » et la mise à l'écart de Mikhaïl Gorbatchev (décembre 1991). La nouvelle Fédération de Russie se taille la part du

 

lion dans l’héritage soviétique avec l’aval de l'Occident. Dès janvier 1992, elle est reconnue par les Etats-Unis et la CEE comme État successeur de l’URSS (dont elle récupère le siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU) et comme partenaire privilégiée.

 

Une difficile transition economique

 

Saluée comme une « victoire de la démocratie », la disparition de l'URSS est l’occasion de relancer, avec l’aide de l’Occident. des réformes économiques dans une Russie débarrassée du communisme et du « fardeau » des Républiques.

 

Confiées au vice-Premier ministre, Egor Gaïdar, les premières réformes, inspirées des thèses du Fonds monétaire international (FMI), sont mises en œuvre dès le 2 janvier 1992. et comportent trois volets principaux : libération des prix et déréglementation des salaires, réduction du déficit budgétaire, privatisations. Mais les effets de cette thérapie de choc, sur fond de récession et de désorganisation des échanges dans un espace économique fragmenté, se révèlent vite désastreux : hyperinflation (estimée à 2 500 % en 1992), notamment des prix alimentaires ; ruptures d'approvisionnement des entreprises et perte de débouchés : chute de la production ; spéculation monétaire et évasion des capitaux ; trafics en tout genre ; baisse drastique du niveau de vie de toute la population, en particulier des retraités : coupes sévères dans les dépenses publiques (éducation, santé, sécurité sociale, recherche) ; défaillance de l'administration fiscale ; accentuation des inégalités entre une masse de « nouveaux pauvres » et une minorité ostentatoire de « nouveaux riches » et de « mafiosi » ; fuite des cerveaux... En décembre 1992, le remplacement du « libéral » Egor Gaïdar par Viktor Tchemomyrdine, lié au lobby des grandes entreprises industrielles et partisan de réformes plus modérées et plus lentes, marque une réorientation centriste pour limiter le coût social du passage à l'économie de marché.

histoire

« Boris E!Jsine décide tle recourir à la force COll/re les dép Illés conservateurs.

L'assaut rie la Maison-Blanche (ci-contre) fera dt nombreuses victimes.

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Mokovkin • \Vostok Press sectorielles et régionales, et en raison du caractère souvent chaotique d'une politique inégalement appliquée par les agents économiques (entreprises ou régions), encore largement dirigés par l'ancienne nomenklatura, il est difficile et prématuré d'établir en 1994 un bilan d'ensemble des réformes.

Malgré l'aide occidentale (adhésion à la Banque mondiale, au FMI et à la BERD en juin-juillet 1992, accord de partenariat et de coopération avec l'Union européenne en juin 1994).

la crise persistante de l'économie russe a annihilé le mythe d'une transition rapide et peu douloureuse, et éveillé la nostalgie du régime communiste.

Les réticences de la population russe à l'égard de la privatisation en sont un indice.

Un secteur privé réel s'est constitué, surtout dans le domaine des services, du commerce de détail et de la restauration, mais le maintien d'une agriculture collectivisée et de monopoles industriels est révélateur des hésitations du pouvoir en place.

L'imp ossible séparation des pouvoirs L'ampleur et Je rythme des réformes économiques ont été parmi les principaux thèmes du débat entre quelques grands courants politiques aux contours mouvants : " libéraux ,.

Geunes politiciens, journalistes, commerçants, « entrepreneurs », « nouveaux riches ») ; (( modérés>> (nomenklatura industrielle se prévalant de son expérience professionnelle, de l'appui de la classe ouvrière et d'une majorité au Congrès) ; nostalgiques de l'ancien régime et de la puissance soviétiques (militaires, bureaucrates déchus, intellectuels déclassés, « nouveaux pauvres») ; sociaux­ démocrates gorbatchéviens.

La construction d'un nouvel ordre institutionnel inspiré des valeurs politiques occidentales et la définition de l'intérêt national d'une Fédération de Russie- à la fois héritière de l'URSS et patrie pour les Russes, qui doit choisir entre la démocratie ou l'empire -sont deux sujets qui divisent également le pays.

Le mécontentement face à l'appauvrissement généralisé et au déclin de la puissance du pays remet en cause les choix et les méthodes de gouvernement d'Eltsine.

Celui-ci, doté de pouvoirs extraordinaires et gouvernant par décrets, s'appuie sur les régions ou sur la nation (annonces répétées d'initiatives majeures à la télévision, référendum du 24 avril 1993 sur l'approbation de la politique présidentielle) pour combattre le Soviet suprême et son président Roustan Khasboulatov, accusés d'obstruction systématique.

Les débats sur le projet de Constitution -régime présidentiel ou parlementaire, fédération unitaire ou autonomie locale-reflètent la difficulté traditionnelle en Russie à séparer les pouvoirs exécutif et législatif, et à concevoir un système de gouvernement de cet immense territoire autre que centralisé et autoritaire.

Le président tente ainsi d'exclure le Parlement du débat constitutionnel en convoquant une Assemblée constituante composée des représentants des grandes organisations.

des partis politiques, des Républiques autonomes et des régions.

Le compromis adopté (régime présidentiel avec un Parlement bicaméral, constitué d'une Douma d'État, chambre basse de 450 députés, et d'un Conseil fédéral, chambre haute de 178 membres représentant les « sujets de la Fédération ") est rejeté par le Parlement.

Eltsine choisit alors l'épreuve de force.

Après la dissolution du Congrès des députés du peuple et du Soviet suprême sous prétexte d'un « risque de désintégration de l'État » (21 septembre 1993), il ordonne le siège et le bombardement de la « Maison Blanche », oll des députés de l'opposition se sont retranchés autour d'Aieksandr Routskoï et de Rouslan Khasboulatov.

L'assaut a provoqué, selon le gouvernement, 170 morts parmi les assiégés (un millier, selon d'autres sources).

C'est dans ce climat politique aux relents de dictature (arrestations massives, suspension provisoire des partis politiques, contrôle des médias, expulsion des réfugiés et commerçants caucasiens) que le projet constitutionnel de Boris Eltsine (multipartisme mais pouvoir présidentiel autoritaire et système fédéral unitaire et centralisé) est avalisé par référendum, en décembre 1993.

Mais les élections législatives (mêlant scrutin proportionnel et scrutin de liste) ne dégagent pas de majorité cohérente.

EUes révèlent, à la fois, la lassitude du corps électoral (55 %de votants) et une forte poussée des extrêmes, notamment des ultranationalistes et populistes du Parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski (22,8 %, 64 sièges), des communistes (Parti communiste de la Fédération de Russie : 12,3 %) et du Parti agrarien de Russie (9,5 %).Le« Choix de la Russie "• la coalition progouvernementale dirigée par le (< père des réformes», Egor Gaïdar, n'obtient que 15,4 % des voix.

Malgré la réorganisation du KGB sous la forme d'un service de contre- espionnage fédéral (FSK, puis FSB) et la constitution, en janvier 1994, d'un gouvernement restreint, le pouvoir d'Eltsine, de plus en plus impopulaire, malgré le soutien de l'Occident, paraît fragilisé, comme en témoignent les accusations de corruption qui atteignent son entourage et les rumeurs croissantes sur l'état de santé et d'ébriété chronique du président.

La détérioration de la situation économique et le développement du crime organisé et des mafias aggravent encore ce climat d'instabilité politique et institutionnelle.

Une « URSS en réduction » ou une Fédération rénovée '! Les tendances centrifuges.

à des degrés divers, des 89 sujets de la Fédération (21 Républiques, 6 territoires, 49 régions, 2 villes d'importance fédérale -Moscou et Saint-Pétersbourg -, une région autonome et 10 districts autonomes) contribuent aussi à la crise de l'État.

Suivant l'exemple de leurs « grandes sœurs "• les Républiques fédérées, les territoires nationaux de la RSFSR n'ont pas tardé, dès 1990, à revendiquer des droits équivalents, d'abord avec l'aval d'Eltsine lorsqu'il s'agissait d'affaiblir Mikhan Gorbatchev et de démanteler l'URSS.

Mais, pour éviter que la désintégration ne s'étende à la Fédération de Russie, un «Traité fédéral » est signé à Moscou le 31 mars 1992.

Il apparaît comme la première tentative de reprise en main fondée sur la conciliation : il accorde aux 21 Républiques nationales un statut de souveraineté, avec des droits élargis en matière de politique intérieure et de relations extérieures, ainsi que divers avantages fiscaux et économiques.

Ce sont alors les régions « russes », notamment les plus riches, comme la Sibérie ou l'Oural, qui, tout en s'insurgeant contre ce traitement de faveur, exigent une réelle politique de décentralisation.

Certaines s'autoproclament Républiques, s'organisent en associ ations ( « Grande Volga "• «Grand Oural "•" Charte sibérienne » ...

) pour défendre leurs intérêts économiques.

Si les élites régionales évitent, au début, de participer aux luttes pour le pouvoir au centre, préférant tirer parti de. »

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