Réparer la guerre ET RECONSTRUIRE LA PAIX de 1920 à 1929 : Histoire
Publié le 01/01/2019
                            
                        
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                                Lorsque la guerre avait éclaté en 1914, les relations internationales se réduisaient pour l’essentiel aux rapports entre les quatre grandes puissances européennes — le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et la Russie — avec, à une place secondaire, l’Autriche-Hongrie, l’Italie et l’Empire ottoman. Les États-Unis, qui étaient déjà la première puissance économique mondiale, ne jouaient encore qu'un rôle modeste sur la scène internationale, se consacrant pour l’essentiel à leur développement intérieur et au contrôle du monde latino-américain. Le Japon avait fait une entrée remarquée dans le groupe des puissances qui comptent, à la suite de sa victoire sur la Russie dans la guerre de Mandchourie (1904-1905), mais malgré tout ce n’était encore qu’une puissance régionale. Quant au reste du monde, il était presque entièrement composé de colonies européennes ou de sociétés d’origine européenne très liées au Royaume-Uni. L’Europe dominait le monde. On pouvait parler d'univers européen.
L’intervention des États-Unis dans la guerre européenne avait été inestimable, puisque c’est avec leur concours que l’Éntente l’emporta sur les Empires centraux et que le président Wilson joua un rôle de premier plan dans l’établissement des traités de paix ; et si les relations internationales, une fois la guerre terminée, eurent encore pour cadre majeur l’Europe, c’était du moins une Europe profondément transformée.
Les quatre grands empires avaient disparu d’une façon ou d’une autre : l’Empire austro-hongrois avait éclaté en une série de petits États (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie, Yougoslavie); l’Empire ottoman était démembré; l’Empire allemand avait laissé la place à une République allemande dépossédée de l’Alsace-Lorraine et des territoires polonais de l’ancien Èmpire allemand, et coupée en deux par le corridor de Dantzig; l’Empire russe avait cédé la place à la Russie soviétique rejetée vers l’Est. En outre, les conditions des relations internationales avaient beaucoup changé. Conformément aux principes wilsoniens, la diplomatie était dorénavant censée se dérouler au grand jour, et pour ce faire on multipliait les conférences internationales; la création de la Société des Nations (SDN) par le traité de Versailles devait aussi permettre de régler par la concertation toutes les difficultés surgissant entre les pays. À vrai dire, dans un premier temps, la SDN apparut surtout comme le club des vainqueurs, dont les Etats-Unis ne faisaient même pas partie, puisque c’est justement à cause de la SDN, pourtant née à l’initiative d’un président américain, que le Sénat n’avait pas ratifié le traité de Versailles en refusant de lui accorder la majorité indispensable des deux tiers.
Les relations internationales connaissent entre 1920 et 1929 deux périodes majeures : la première, de 1920 à 1924-1925, est dominée par la liquidation des conséquences immédiates de la guerre ; la seconde, de 1924-1925 à 1929, est celle où l’Europe donne l’impression de se stabiliser et d’entrer dans une période pacifique.
La liquidation des conséquences
DE LA GUERRE
Les traités de paix mettant fin à la guerre, le traité de Versailles avec l’Allemagne et les traités dits de la banlieue parisienne avec ses alliés (traité de Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche, de Neuilly avec la Bulgarie, du Trianon avec la Hongrie, de Sèvres avec la Turquie) sont signés respectivement les 28 juin, 10 septembre, 27 novembre 1919, 4 juin et 10 août 1920; mais ils posent plusieurs problèmes d’application.
Un plébiscite doit décider du sort de la Haute-Silésie où populations polonaises et allemandes sont presque inextricablement mêlées, mais il ne peut avoir lieu qu’au milieu d’une véritable guerre, le 20 mars 1921; la victoire allemande est d’autant plus large que de nombreux trains ont amené pour participer au vote les originaires de Silésie installés dans le reste de l’Allemagne. Il s’ensuit le partage du
RÉPARER LA GUERRE ET RECONSTRUIRE LA PAIX. Avec l'occupation de la Ruhr en 1923, qui suscite une imagerie naïve, la France espère obtenir le paiement des réparations allemandes.
©J. L. Charmet
20 octobre 1921 qui accorde un avantage territorial à l’Allemagne mais réserve à la Pologne l’avantage économique.
Le port de Fiume (l’actuelle Rijeka, en Yougoslavie) en Istrie est revendiqué à la fois par la Yougoslavie nouvelle et par l'Italie. Le poète nationaliste italien Gabriele D’Annunzio s’y installe en septembre 1919; il n’en est chassé qu’en décembre 1920. La ville est alors déclarée ville libre sous le contrôle de la Société des Nations avant de repasser sous celui de l’Italie en 1924.
L’Empire ottoman a été pratiquement démembré. Ses possessions arabes lui ont été enlevées et partagées pour leur plus grande part entre la France et la Grande-Bretagne, et la Turquie proprement dite a été presque entièrement divisée en zones d’influence des puissances européennes, la région de Smyrne étant en outre attribuée à la Grèce. Le général Mustapha Kémal se dresse avec ses partisans contre ce traité. À la suite de deux années de guerre (1920-1922), il parvient à chasser les Grecs et à obliger les différentes puissances à renoncer à leurs zones d’influence. Il s’empare ensuite de Constantinople et, après avoir détrôné le sultan, crée sous sa direction une République turque. La nouvelle situation est confirmée par le traité de Lausanne (24 juillet 1923) et donne lieu à un vaste échange de populations. Les Grecs chrétiens quittent la Turquie en échange des Turcs musulmans chassés de Grèce, la religion ayant été l’élément essentiel d'une discrimination plus difficile à établir sur le plan ethnique.
Dernier grand problème territorial à ne pas avoir été réglé par les traités de paix : celui de la frontière polono-soviétique. Pendant le printemps et l’été 1920, une guerre oppose la Pologne et la Russie soviétique. Vaincue après des péripéties variées, la Russie signe le 18 mars 1921 le traité de Riga qui permet à la Pologne d’établir sa frontière loin à l’est, en englobant un certain nombre de populations ukrainiennes et biélorusses.
Le règlement des problèmes territoriaux laisse subsister dans tous les États d'Europe centrale et orientale d’importantes minorités nationales (30 millions de personnes parmi lesquelles trois millions d’Allemands des Sudètes en Tchécoslovaquie soumis à un État étranger et qui, à terme, ne manqueront pas de créer de graves difficultés); mais la clause dont l’application dans l’immédiat trouble le plus les relations internationales est celle des réparations.
Le traité de Versailles prévoit que l’Allemagne devra payer «non pas une indemnité de guerre (comme dans les guerres du passé)», mais des «réparations» destinées à couvrir le coût de la reconstruction des régions détruites, ainsi que celui des pensions destinées aux veuves, aux orphelins, aux invalides. Dans ces conditions, les réparations intéressent au premier chef la France qui doit en être la principale bénéficiaire. Mais trois facteurs rendent la question tout à fait difficile à régler : la mauvaise volonté allemande à payer, la volonté française de lier le paiement de ses dettes de guerre envers les États-Unis (les dettes interalliées) à celui des réparations — ce que les États-Unis contestent formellement —, enfin l'existence, en France, de tout un courant d’opinion qui estime pouvoir profiter des circonstances pour réaliser une idée chère au maréchal Foch: conserver le contrôle du Rhin, que lui ont refusé ses alliés.
La discussion bute d'abord sur l’établissement du montant des réparations. Fixé à 132 milliards de marks-or (soit environ 20 000 milliards de nos francs actuels!), payables en une trentaine d’années, ce montant n’est d’abord accepté par les Allemands que sous la menace de l’occupation de la Ruhr (mai 1921) ; dès le mois de décembre, l’Allemagne considère que sa mauvaise situation financière ne lui permet pas de continuer à payer, du moins pendant un certain temps. En novembre 1922, elle demande un moratoire de quatre ou cinq ans. Dans ces conditions, le gouvernement français dirigé par Raymond Poincaré prépare l'occupation de la Ruhr qui débute le 11 janvier 1923. Le gouvernement allemand y répond en proclamant la «résistance passive», mais l’arrêt de l'activité économique dans la Ruhr provoque l’écroulement de la plus grande part de l’économie allemande et une crise aiguë d’inflation. En quelques mois, le mark perd toute valeur et une partie de la population allemande vit une période de grande misère (l'«année inhumaine»). En septembre 1923,
                                «
                                                                                                                            RÉPARER 
LA GUERRE  ET RECONSTRUIRE  LA PAIX.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Aristide  Briand et Gustav  Stresem ann sont  les principaux  artisans 
d'une  rlconciliation  franco-allemande  qui n'est  pas sans 
ambigul"u!s.
                                                            
                                                                                
                                                                    
©  cie Sr/va-Tu pu  bor 
RÉPARER  LA GUERRE  ET RECONSTRUIRE  LA PAIX.
                                                            
                                                                                
                                                                    
La  guerre  soviéto-po/onaise  naît d'tm  conflit  territorial  que le 
redécoupage  de l'Europe  d'après-guerre  n'a pu rés o ud re.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Ci-contre:  des  volontaires polonais armés de faux 
parte/Il  pour le front.
                                                            
                                                                                
                                                                    
©Ut/stein 
l)nis  (les dettes  interalliées)  à celui  des réparations  -ce  que  les 
Etats-Unis  contestent formellement  -,enfin  l'existence,  en France, 
de  tout  un courant  d'opinion  qui estime  pouvoir  profiter des cir
constances  pour réaliser  une idée  chère  au maréchal  Foch: conserver 
le  contrôle  du Rhtn,  que lui ont  refusé  ses alliés.
                                                            
                                                                                
                                                                    
La  discussion  bute d'abord  sur l'établissement  du montant 
des  réparations.
                                                            
                                                                                
                                                                     Fixé à 132  milliards  de marks-or  (soit environ  20 000 
milliards  de nos  francs  actuels!),  payables en une  trentaine  d'années, 
ce  montant  n'est d'abord  accepté par les Allemands  que sous la me
nace  de l'occupation  de la Ruhr (mai  1921); dès le mois  de décembre, 
l'Allemagne  considère que sa mauvaise  situation financière  ne lui 
permet  pas de continuer  à payer,  du moins pendant  un certain  temps.
                                                            
                                                                                
                                                                    
En  novembre  1922, elle demande  un moratoire  de quatre  ou cinq  ans.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Dans  ces conditions,  le gouvernement  français dirigé par Raymond 
Poincaré  prépare l'occupation  de la Ruhr  qui débute  le 
ll  janvier  1923.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le gouvernement  allemand y répond  en proclamant 
la  «résistance passive», mais  l'arrêt de l'activité  économique  dans la 
Ruhr  provoque  l'écroulement  de  la  plus grande  part de l'économie 
allemande  et une  crise  aiguë  d'inflation.
                                                            
                                                                                
                                                                     En quelques  mois, le mark 
perd  toute  valeur  et une  partie  de la population  allemande vit une 
période  de grande  misère {l'«année  inhumaine»).
                                                            
                                                                                
                                                                     En septembre  1923, 
un  nouveau  gouvernement  allemand dirigé par Gustav  Stresemann 
cède  et accepte  de négocier  sur les réparations  : la  France,  elle-même 
dans  une situation  financière  difficile, est obligée  de  se  plier  à un 
compromis.
                                                            
                                                                                
                                                                     Lors  d'une  conférence  tenue à Londres  en juillet-août 
1924  est établi  pour cinq ans le plan  Dawes  (du nom  d'un  homme 
politique  et financter  américain)  qui ne modifie  pas le volume  total des 
réparations,  mais, en échange  d'importants  crédits américains,  déter
mine  un mode  de règlement  suivant  un barême  progressif,  de u!l 
milliard  de marks-or  la première  année à 2,5  la cinquième  année.
                                                            
                                                                                
                                                                    A 
l'expiration  du plan  Dawes,  en 1929,  le plan  Young  (du nom  d'un 
autre  financier  américain)  lui est  substitué  le 7 juin  1929.
                                                            
                                                                                
                                                                     li diminue  le 
volume  de la dette  allemande  ramenée à 109,8  milliards  de marks-or 
et  en  porte  la durée  de  paiement  à 58  annuités  (la  dernière serait 
acquittée  en 1988  �).divisée  en deux  fractions,  l'une non différa  ble de 
380  millions  et l'autre,  de 1 470  millions,  différable  en fonction  de la 
situation  de l'économie  allemande.
                                                            
                                                                                
                                                                     La question  conjointe  des  répara
tions  et des  dettes  interalliées  pe�t ainsi  être résolue  par l'établisse
ment  d'un triangle  financier,  les Etats-Unis  fournissant  des créd its  à 
l'Allemagne,  ce qui  permet  à celle-ci  de payer  !es réparations  à la 
France,  laquelle  peut ainsi  payer  ses dettes  aux Etats-Unis1•  Ce sys
tème  apparemment  absurde permet à ces  derniers  de  s'assurer un 
moyen  de pression  très fort  sur les pays  européens.
                                                            
                                                                        
                                                                     En réalité,  en 
raison  de la crise  mondiale  qui éclate  à la  fm  de 1929,  l'Allemagne 
obtint  dès 1931  un moratoire  d'un an, le moratoire  Hoover (du nom 
du  président  des États-Unis),  et elle  ne reprit  jamais  ses paiements.
                                                            
                                                                                
                                                                     RÉPARER 
LA GUERRE  ET  RECONSTRUIRE  LA  PAIX.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Le  pacte  Briand-Kellogg.
                                                            
                                                                                
                                                                     signé en août l928,  prétend  faire 
de  la Grande  Guerre la •der  des der�- Mais la politique  de 
sécurité  collective  sera bient6t  remise en  cause  par le 
déclenchement  de la cris e  économique  mondiale.
                                                            
                                                                                
                                                                    
©  BibliotMque  nationale -Paris 
En  tout,  l'Allemagne a  payé 22 milliards  dont moins  de 9 à  la  France, 
mais  la question  des réparations  et des  dettes  interalliées  aura empoi
sonné  les relations  internationales  pendant plus de dix  ans;  eUe aura 
aussi  été un moteur  puissant  de la remontée  du nationalisme  alle
mand.
                                                            
                                                                                
                                                                     En même  temps,  elle aura  gâté les rapports  entre  la France  et 
la  Grande-Bretagne,  qui n'admet  pas l'occupation  de la Ruhr,  et les 
rapports  entre la France  et les  États-Unis,  en raison  du différend  sur 
les créances  américaines.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Le  problème  russe domine  également  les relations  inter
nationales  dans les années  vingt.
                                                            
                                                                                
                                                                    Quelle  place faire à la  Russie  où un 
système  politique, économique, social,  fondamentalement différent 
l'a  emporté  à la  suite  de la révolution  bolchevique?  La guerre  civile se 
termine  en Russie  en 1921,  mais le pays  est totalement ruiné.
                                                            
                                                                                
                                                                     Dans ces 
conditions,  malgré la création  de la m•  Internationale  en 1919,  le 
pouvoir  soviétique  doit renoncer  pour le moment  à la  révolution  mon
diale  et chercher  à se  réinsérer  dans le concert  des nations.
                                                            
                                                                                
                                                                    Toutefois, 
les  autres  États, outre la crainte  de la subversion  ré-vo lutio nn air e,  ne 
sont  pas prêts  à reconnaître  un régime  qui' refuse  de  prendre à sa 
charge  les e,m pru nts  et les  investissements  réalisés du temps  de l'Em
pire  russe.
                                                            
                                                                                
                                                                     Malgré  tout,  l'Union soviétique  parvient d�s 1922  à rompre 
le  «cordon  sanitaire»  en se rapprochant  de l'autre  Etat «réprouvé», 
l'Allemagne,  lors de la rencontre  de Rapallo  et, en 1921,  l'URSS 
obtient  la reconnaissance  diplomatique de la plupart  des Etats,  sauf 
des  États·  Unis qui n'admettent  pas que  soit  mis en cause  le caractère 
«sacré"  des contrats.
                                                            
                                                                                
                                                                     · 
Une  autre  conséquence  de la Grande  Guerre est la désorga
nisation  monétaire  du monde  due à la  chute  de la valeur  de la plupart 
des  monnaies  européennes  et au  fait  qu'elles ont  cessé d'être  conver
tibles  pendant  la guerre.
                                                            
                                                                                
                                                                     Pour permettre  une reprise  des échanges 
internationaux,  il faut  y mettre  bon ordre.
                                                            
                                                                                
                                                                     C'est l'objet  de la confé
rence  de Gênes  (avril-mai  1922) qui recommande  aux différents  pays 
de  stabiliser  la valeur de  leur monnaie  et de  rétablir  leur convertibilité 
en  utilisant  le doUar  comme  monnaie  de référence,  compte tenu de 
l'épuisement  des stocks  d'or des pays  européens.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ce système  reçoit le 
nom  de Gold  Exchange  Standard.
                                                            
                                                                                
                                                                    Progressivement,  les grandes  mon
naies  européennes  se stabilisent.
                                                            
                                                                                
                                                                     Une nouvelle  monnaie  allemande, le 
Reichsmark,  est créée  en 1924  à parité  du mark  d'avant  la guerre;  en 
1925,  la livre  sterling  retrouve  également  sa valeur  d'avant  1914 (ce 
qui  rend  d'ailleurs  très difficile  l'exportation  des produits  du 
Royaume-Uni  devenus trop chers);  le franc  français,  lui, est stabilisé 
en  1928,  mais seulement  à 20 % de sa valeur  de 1913  (franc  Poincaré).
                                                            
                                                                                
                                                                    
L A  STABILISATION  DU MONDE 
À  partir  de 1924-1925,  le monde  donne l'impression  d'en
trer  dans  une période  d'accalmie.
                                                            
                                                                                
                                                                     Les causes  en sont  diverses  : les.
                                                                                                                    »
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