Réflexion sur Les Compagnons de Mercure et la figure de l’auteur
Publié le 11/11/2023
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«
Failliot, Lucie, M1
Réflexion sur Les Compagnons de Mercure et la figure de l’auteur
« L’installation en Hollande s’impose comme une expérience fondatrice de leur prise de
plume »1.
Dans Les Compagnons de Mercure.
Journalisme et politique dans l’Europe de
Louis XIV, Marion Brétéché décrit les trajectoires d’une femme et de huit hommes qui, plus ou
moins contraints à l’exil à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, choisissent tour à tour
de se dédier à l’écriture.
Pourtant étrangers à cette pratique, ceux qui deviennent les rédacteurs
des mercures s’établissent dans un cadre relativement libre, celui des Provinces Unies, exempt
de censure politique préalable et dans lequel le commerce des libraires est dynamique –
Amsterdam, Leyde, La Haye, Rotterdam et Utrecht recensent près de 800 imprimeurs et
libraires entre 1650 et 1725, le taux d’alphabétisation étant élevé, l’économie livresque est
novatrice.
Un statut singulier de francophones exilés et une attention portée à l’actualité
politique européenne les poussent vers une production d’un genre nouveau : journal construit
en opposition au Mercure galant français, presse d’opinion issue de procédés d’écriture
multiples, les mercures de Hollande informent, ils partagent et vulgarisent des faits politiques
au gré des analyses de leurs rédacteurs à l’identité changeante.
Ces journalistes, par choix ou
par nécessité, embrassent l’écriture au sens large et remplissent aussi bien la fonction de
novelliste que de gazetier, parfois de traducteur, souvent de compilateur, d’historien, de
secrétaire, d’informateur et invariablement d’auteur.
Aussi, et en adoptant une vision élargie de
l’identité auctoriale, dans quelles mesures les compagnons de Mercure marquent-ils l’évolution
de la figure de l’auteur ?
Marion Brétéché mentionne que la fin du XVIIe et le XVIIIe siècles voient émerger la
« professionnalisation et l’autonomisation » des auteurs : l’insertion dans un nouveau pays et
conjointement, le fait de trouver un gagne-pain conditionne effectivement l’écriture des
compagnons de Mercure.
Au commencement, souvent intégrés au Refuge francophone, parfois
convertis et engagés à se marier, ces derniers sont plutôt précaires : en démontrent la demande
de pension aux États généraux de Anne-Marguerite Dunoyer en 1701, mais surtout la
pluriactivité de chacun, cumulant dans un premier temps fonction pastorale, d’enseignement,
de commerce et de publication.
Tous finissent néanmoins par se spécialiser dans l’écriture, ce
1
BRÉTÉCHÉ Marion, Les Compagnons de Mercure.
Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Champ
Vallon, 2015, Joel Cornette, p.
61.
qui signifie qu’ils parviennent à vivre de leur plume, bien que le droit d’auteur, principale
rémunération de ce dernier après l’avènement de la modernité, n’existe pas encore2.
L’interpénétration du monde de l’argent avec celui de l’écriture se trouve, dans le cas de ces
exilés, à l’origine d’une conception artisanale de l’activité d’auteur, illustrée par des « pratiques
et des formes éditoriales qui autorisaient la réécriture : la compilation, la continuation, la
périodicité, la republication et des mises en intrigues différenciées »3.
Ces procédés sont
identifiés dans la Quintessence ou les Lettres historiques de Dunoyer, fruit d’une espèce de
« bricolage », compilant brèves, articles ou diverses pièces ayant déjà été publiées.
Par ailleurs,
la contrefaçon – le concept de « plagiat » serait ici anachronique – demeure coutumière puisque
ces journalistes se nourrissent des écrits des autres, ils recensent, commentent, réécrivent,
s’inspirant de l’école de l’innutrition qui leur permet de multiplier les publications.
En ce sens,
Bruzen de La Martinière dépeint le métier de Dunoyer tel un véritable « négoce »4.
Toutefois,
cette façon de faire n’est pas à l’abri des critiques : François Bruys parle « d’ouvriers en
littérature »5 et Nicolas Gueudeville n’hésitent pas à nommer les auteurs de mercures « chétifs
journaliers des imprimeurs », cherchant à montrer que ces derniers sont « soumis aux impératifs
commerciaux »6 des libraires, leur qualité d’auteur se voyant nettement reléguée au second plan.
Quelque part, les compagnons de Mercure s’apparentent à une communauté en
recherche de valeur, monétaire dans un premier temps, mais également sociale, puisqu’être
auteur n’apporte alors aucun statut particulier.
Ce besoin de reconnaissance est notamment
visible dans le péritexte des mercures qui ne cesse de justifier la nécessité de leur publication,
mais également au regard du tâtonnement professionnel des rédacteurs.
En effet, la présence
d’un relatif vide juridique fait naître des entreprises éphémères et singulières, comme celle
Bruzen de La Martinière, qui en 1733, s’associe à Desroches-Parthenay, La Barre de
Beaumarchais et un auteur anonyme, dans ce qu’il appelle une « communauté littéraire »7.
Cette
société juridique et alliance commerciale est à l’origine de traités et de contrats qui encadrent
le travail de ces quatre hommes – Marion....
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