PLACE OCCUPÉE PAR LES MARCHANDS HOLLANDAIS DE NANTES DANS LE COMMERCE DES VINS DE LOIRE ET DES EAUX-DE-VIE RÉGIONALES AU XVIIe SIÈCLE
Publié le 14/11/2011
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L’effritement numérique de la colonie hollandaise est considéré comme un trompe-l’œil par l’élite marchande nantaise comme en témoigne un Mémoire du Commerce de juillet 1688. Parlant des trafics des vins, eaux-de-vie et sel, l’argumentaire se fait accusateur : « On peut dire que ce commerce est seul entre les mains des Hollandais et Anglais de la R.P.R quy sont des nouveaux establys depuis que les Antiens se sont retyrés avec leurs effets à cause de la religion parce qu’ils estoient tous naturalizés. Ces vieux religionnaires ont quitté Nantes personnellement, mais leurs affaires y sont demeurées en mesme estat et se font sous le nom de nouveaux religionnaires, leurs commis qu’ils ont laissés n’estant point naturalizés ou qu’ils ont envoyés de Hollande et d’Angleterre depuis leur retour chez eux, de la sorte que les habitants et marchands dudit Nantes qui croyaient proffiter de la retraite des Hollandais se voyent frustrés de leurs espérances[46] «.
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Figure 1 : provenance des vins de la région nantaise achetés par les Hollandais : les vignobles proches de Nantes
Les Hollandais s'intéressaient également aux vins produits an amont de Nantes, essentiellement ceux de la régiontourangelle (figure 2).
Les Hollandais y achetaient des vins blancs de bonne qualité tel que le Vouvray.
Il sembleraitqu'ils se soient spécialisés dans cette sorte de vin car aucun acte ne mentionne l'achat de vin rouge.
Ce lieu deproduction bénéficia de l'active navigation fluviale montante et descendante qui empruntait alors le cours de la Loire
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Figure 2 : provenance des vins de la région tourangelle achetés par les Hollandais
Dans ces zones, à partir de la fin du xviie siècle, les grandes renommées vinicoles entre Orléans et la mer cessèrentd'être le privilège des métropoles, telles que Tours, Angers ou Nantes et s'attachèrent désormais à des villessecondaires comme Saumur et Vouvray, ou même à des districts purement ruraux comme les environs de Vertou etde Vallet dans le pays nantais.
Les différents types de vins
Quels types de vins les Hollandais achetaient-ils dans chacune de ces régions ? Les vins blancs de faible qualitéproduits proches de Nantes étaient généralement utilisés à la fabrication d'eau-de-vie.
Quant aux vins de la régiontourangelle, ceux de meilleure qualité, ils étaient consommés sous leur forme originelle.
Les vins en amont d'Ingrandes : ceux de grande qualité
Ce cloisonnement géographique a une explication : la douane d'Ingrandes (figure 2).
À 60 km en amont de Nantes,la bourgade d'Ingrandes, au bord de la Loire, marquait le point où la limite orientale de l'ancien duché de Bretagnevenait toucher la rive droite du fleuve.
Elle fut maintenue comme barrière douanière après l'union de la Bretagne à laFrance.
À Ingrandes continuèrent d'être payées, jusqu'en 1789, les taxes prélevées, aux frontières du royaume, surles marchandises qui allaient à l'étranger ou qui en venaient.
Comme l'écrivait Colbert en 1671, la Bretagne, du pointde vue des douanes, devait « toujours être considérée comme une province étrangère[5] ».
La douane d'Ingrandesn'était pas aisément supportée par les marchands qui, de Nantes, remontaient vers l'intérieur du royaume et ellel'était encore moins par ceux qui, dans le sens opposé, portaient vers Nantes et la mer les produits de l'Orléanais, dela Touraine et de l'Anjou, notamment les vins.
Au xviie siècle et encore au xviiie siècle, la très grosse part du revenude cette douane provenait d'une taxe sur le vin, que des majorations successives avaient portée à un taux trèsélevé dans les dernières années du règne de Louis xiv.
Pour l'étranger qui venait faire provision à Nantes ou pour lesétrangers de Nantes comme ce fut le cas des Hollandais, l'effet le plus clair de cette institution était que tout vinqui avait franchi la barrière douanière d'Ingrandes était un vin cher compte tenu des taxes.
Ce vin n'était alorsvendable que si sa qualité était assez haute pour justifier son prix.
Aussi était-ce la meilleure part de leur productionque les vignerons de l'Orléanais, de la Touraine et de l'Anjou réservaient pour Nantes et le commerce maritime.
Les Hollandais participèrent à la mise en valeur de certains crus comme celui de Vouvray.
Comme le souligne RogerDion : « si ce ne sont les Hollandais qui ont suscité, à Vouvray, la production des vins blancs de qualité, au moins luiont-ils donné, au xviie siècle, une impulsion décisive[6] ».
Les plus anciens témoignages que l'on ait de la renomméede ces vins, et de leur exportation paraissent à l'occasion des doléances auxquelles donne lieu, dans les dernièresannées du xviie siècle, la diminution du commerce avec la Hollande par l'effet des guerres de Louis xiv : les plusrecherchés des vins de la Loire et du Cher, écrit en 1698 Pierre Carreau, en son Mémoire sur la Généralité de Tours,sont ceux de Vouvray.
Autrefois, ajoute-t-il « on en faisait grand trafic en Hollande, mais depuis que le commerce acessé avec les Hollandois, […] les fonds des vignes sont devenus la plupart à la moitié de leur ancienne valeur, etd'autres au tiers, de manière que les habitants sont ruinés et contraints par nécessité de négliger la culture de leursvignes.
L'unique moyen de les rétablir est de procurer autant qu'on pourra la liberté du commerce avec lesHollandois[7] ».
De même les vignerons de Saumur, en 1687, se prétendaient ruinés ou presque quand la guerrefaisait obstacle au commerce avec la Hollande.
Les vins en aval d'Ingrandes : la petite « viticulture »
Les Hollandais étendirent également leurs opérations commerciales à toute la gamme des produits du vignoble.
Les« petits vins » les intéressaient tout autant que les vins de haute qualité.
Jean Éon en évoquant les débuts del'influence des Hollandais dans la région nantaise, raconte comment ils gagnèrent d'emblée les vignerons à leursidées en achetant cher les les crus locaux, notamment les vins communs.
Alléchés, ajoute t-il « par les gros profitsqu'ils faisoient du commencement », les Nantais ont planté en vignobles « leur meilleur terroir », c'est-à-dire leurmeilleures terres à blé[8].
De ce vin « pur », les Hollandais tiraient plusieurs types de vins composés, répondant auxgoûts de diverses classes de consommateurs.
Jean Éon affirme qu'ils faisaient sortir de France chaque année, par laseule rivière de Loire, plus de « trente mille pipes de vins frelatés qu'ils débitaient dans les pays septentrionaux[9] ».En effet, ils étaient habiles à accroître la valeur marchande de toutes sortes de vins, par divers procédés que lesFrançais du xviie siècle ont plusieurs fois dénoncés, sans réussir, semble-t-il, à en découvrir pleinement le secret :ils ont introduit en France écrit Jean Éon « un certain usage de tirer, soutirer, mutter et frelater les vin[s], pour lesmieux conserver dans le transport et les débitter dans les pays septentrionaux[10] ».
Et Colbert note en 1669 que :« les Hollandois viennent tous les ans dans les rivières de Garonne et Charente avec trois à quatre mille vaisseaux.
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