Philippines ou Formose ?

Exploitation de la victoire des Bismarck. Après l'écrasante défaite infligée à la marine impériale japonaise dans les Salomon et les Bismarck, en 1943, les Américains durent réfléchir à la meilleure façon d'exploiter leur victoire. Ils étaient, certes, très conscients de leur puissance, sans cesse accrue, et savaient aussi que les Japonais avaient jeté l'essentiel de leurs forces dans la bataille. Mais, jusqu'à la fin de 1944, ils ignorèrent la gravité de l'épuisement nippon. Lorsqu'ils la comprirent, ils refondirent entièrement leurs plans. C'est alors qu'à l'échelon le plus élevé du commandement américain, s'élevèrent d'âpres débats sur le meilleur emploi possible de la puissance américaine. Le premier thème de discussion concernait cette simple question: les Américains devaient-ils progresser en direction des Philippines le long de la côte septentrionale de Papouasie et de la Nouvelle-Guinée, ou foncer directement à travers le Pacifique central? En permettant d'atteindre assez vite Formose et la côte chinoise, la seconde possibilité présentait au moins l'avantage de se conformer à la décision stratégique, déjà prise, d'une jonction avec les Britanniques et les Chinois avant l'assaut final sur le Japon. Mais toutes sortes de considérations compliquaient ce choix, en apparence simple. En effet, des conflits de personnes et des rivalités entre les différentes armes se mêlaient à la stratégie. Le temps finit par résoudre ces difficultés, d'une curieuse façon. Chaque terme de l'alternative présentait de sérieux avantages. MacArthur, partisan de l'offensive sur les Philippines, optait pour une solution de prudence, mais aux perspectives tentantes. La prise des Philippines romprait les communications japonaises avec le Sud et donnerait aux Américains les bases aériennes et navales nécessaires à leurs prochaines opérations. En outre, une telle décision permettrait à MacArthur de tenir la promesse qu'il avait faite avant son départ sans gloire des Philippines, en 1942: «Je reviendrai», avait-il dit. Les Américains, qui exerçaient un protectorat sur les Philippines, entendaient leur accorder l'indépendance en 1946. MacArthur se sentait personnellement concerné par la libération de l'archipel. A ses yeux, elle revêtirait une importance politique capitale. L'attaque des Philippines donnerait aussi au brillant général une nouvelle occasion d'occuper le devant de la scène.