Pakistan de 1995 à 1999 : Histoire
Publié le 24/12/2018
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Après le limogeage du Premier ministre Benazir Bhutto par le président Farooq Ahmed Khan Leghari en 1996, pour « incompétence et corruption », les élections législatives de février 1997 suscitent des espoirs avec la victoire sans précédent de la Ligue musulmane du Pakistan, parti fondé au début du siècle et à l’origine de la création du Pakistan, qui gagne deux sièges sur trois. Mais très vite, la déception gagne l’opinion publique car le Premier ministre Mian Nawaz Sharif ne tient aucune de ses promesses et l’instabilité politique s’installe.
La montée des tensions
Le conflit opposant le Premier ministre et le président de la Cour suprême à propos de la nomination de cinq juges déclenche une grave crise constitutionnelle, qui met à mal l’indépendance du pouvoir judiciaire et entraîne la démission du président Farooq Leghari en décembre 1997. Mian Nawas Sharif sort vainqueur de cette confrontation grâce à la médiation du chef d’état-major, le général Jahangir Karamat. L’élection de Mohammad Rafiq Tarar à la présidence, le 31 décembre 1997, renforce la concentration du pouvoir entre les mains des Pendjabis et des proches du Premier ministre. Cette personnalisation excessive du pouvoir crée de nombreuses tensions au sein même du gouvernement. Le Parlement devient une simple chambre d’enregistrement qui ratifie sans débattre, et l’adoption du 14e amendement (« loi antidéfection ») neutralise toute velléité de dissidence dans les rangs de la représentation parlementaire de la Ligue musulmane. 11 n’existe plus de véritable opposition depuis la chute de l’ancien Premier ministre Benazir Bhutto, après les accusations de corruption portées contre elle et son mari, Asif Ali Zardari.
Malgré l’adoption, en août 1997, de la « loi antiterroriste » qui instaure tribunaux d’exception et procédure accélérée, les conflits interconfessionnels redoublent de violence : plus de 300 victimes sunnites et chiites en 1997, dont 200 dans la seule province du Pendjab. Aucun responsable de ces troubles
n’est poursuivi, et le gouvernement ne semble pas mesurer la gravité de la situation : à la suite de l’assassinat de deux dignitaires religieux sunnites (en novembre 1997) puis de vingt-cinq chiites dans un cimetière de Lahorc (en janvier 1998), Karachi est paralysée par une grève générale, accompagnée de violences perpétrées par des extrémistes sunnites. Par ailleurs, la domination politique des Pendjabis et la concentration des projets de développement dans le centre du Pendjab suscitent ressentiments et frustrations dans les autres parties du pays. Le débat ouvert en novembre 1997 autour du changement de nom de la province de la frontière du Nord-Ouest (NWFP) en Pakhtunkhawa (« le versant pachtou »), prôné par le Parti national Awami (ANP, nationaliste pachtou), entraîne la rupture de l’alliance entre ce dernier et la Ligue musulmane. Le Baloutchistan dénonce, quant à lui, l’exploitation de ses ressources au profit des autres provinces. De plus, les affrontements à Karachi entre factions rivales du Mouvement national des mohadjirs, musulmans de langue ourdou venus de l’Inde après la partition du sous-continent en 1947, font de nombreux morts de février 1997 à juin 1998. Le groupe majoritaire menace de rompre son alliance avec la Ligue musulmane si celle-ci ne l’aide pas à chasser ses rivaux de Karachi.
C’est dans ce contexte très tendu que se déroule, en mars 1998, avec le concours de l’armée, le recensement prévu initialement en 1991 et maintes fois ajourné. Les résultats remettent en cause la suprématie du Pendjab et reflètent l’urbanisation rapide du pays. Mais le Premier ministre exclut tout redécoupage des circonscriptions électorales et toute révision du mode de répartition et du volume des crédits fédéraux alloués aux provinces.

«
La
visite historique au Pakistan
du Prem ier ministre indien
A ta/ Behari Vajpayee (à droite)
a pu laisser croire à une
normalisation des relations
entre les deux États, vite
démemie après le regain de
tension au sujet du Cachemire.
© Baldev-Sygmo
Pakistan, encouragent, au moins
tacitement, le soutien pakistanais aux
talibans.
Ce n'est qu'au début de
l'année 1998 qu'ils commencent à
dénoncer la violation des droits
fondamentaux en Afghanistan et le
danger que représente le pouvoir des
talibans pour la stabilité de la région.
Par ailleurs, Islamabad s'estime
délaissé- au profit de New Delhi
par Washington, qui est rendu en
grande partie responsable de la crise
économique et sociale que vit le pays.
Enfin et surtout, les espoirs de
normalisation des relations avec l'Inde
semblent réduits à néant : 1 'arrivée au pouvoir
à Delhi des nationalistes
du BJP (Bharatiya Janata Party,
nationaliste hindou) avive la tension
entre les deux pays ; des
affrontements frontaliers éclatent,
notamment sur la ligne de cessez-le
feu au Cachemire ; après la reprise des
essais nucléaires indiens en mai J 998,
le Pakistan procède à son tour à six
essais dans la province du
Baloutchistan, dans le but de rétablir
l'équilibre stratégique dans la région.
Quant aux e.fforts de Nawaz Sharif
pour développer des relations
commerciales avec l'Inde, ils se
heurtent aux réticences de l'armée et
de la classe dirigeante, qui
réclament que les différends
frontaliers trouvent au préalable une
solution.
Du côté indien également,
malgré la visite du Premier ministre
indien Atal Behari Vajpayee (BJP,
nationaliste) à Islamabad, l'offre de
dialogue du Premier ministre
pakistanais est repoussée, car New
Delhi veut d'abord mettre un terme
aux infiltrations pakistanaises au
Cachemire.
La crise entre les deux
voisins est à son comble pendant
1 'intervention de l'armée indienne en
mai-juin 1999 contre les séparatistes
cachemiris, soutenus par les forces
pakistanaises.
C'est dans ce contexte de dégradation
de la situation politique et sociale
intérieure et de crise internationale,
que l'armée décide, au mois
d'octobre, de renve rser le
gouvernement de Nawaz Sharif.
Le Parlement est suspendu, l'état
d'urgence est décrété, et le général
Pervez Moucharraf, qui venait d'être
destitué par le Premier ministre, prend
la tête de l'É tat dans le but, officiel,
de rétablir dans les meilleurs délais un
gouvernement transparent et
compétent dans un cadre
démocratique..
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