Orderic Vital, historiographe critique de Guillaume le Conquérant

« Un regard sévère Il en va ainsi de l'épisode de la révolte des ear/s -les comtes - anglo-saxons en 1075, et en par· ticulier de la condamnation à mort de l'un d'eux, Waltheof qu 'Orderic Vital juge sévère~ ment.

Le jeune earl de Nort· hampton, l'un des derniers représentants de l'aristocratie anglo-saxonne, n'a eu pour seul tort que d'avoir eu vent du com­ plot, sans y participer .

Ce qui n'a pas empêché Guillaume le Conquérant de le sacrifier à la raison d'État .

Après avoir passé un an en prison, Waltheof a été décapité et son corps est resté LE PREMIER AUTEUR ANGLO•NORMAND Orderic Vital est le fruit d'un mariage mixte.

Son père Odelerius, originaire d'Orléans, a pris la route de l'Angleterre dans Je sillage de Roger de Montgomery.

Là-bas, il a épousé une Anglo-Saxonne.

Orderic est né en 1075 à Attingham, aux confins du pays de Galles.

Sa mère a fortement marqué son enfance, et il se qualifie d'angligena, « de race anglaise ».

A l'âge de dix ans, son père l'envoie en Normandie, où il est confié comme oblat à l'abbaye de Saint-Evroult, en pays d 'Ouche.

C'est là qu'il a passé toute sa vie et s'est éteint vers 1 141 , à soixante-cinq ans passés.

Orderic Vital a commencé à écrire à vingt ans, en s'attaquant à la rédaction des annales de son monastère.

Ont suivi une Chronique universelle, l'Histoire de la conquête de l'Angleterre et de l'Italie du Sud, celle du monastère de Saint-Evroult et enfin, une Histoire du monde chrétien.

Au total, treize livres qui ont fait d'Orderic Vital le premier écrivain anglo-normand.

deux semaines à l'abandon avant d'être inhumé .

Les véri· tables auteurs du complot, dont les Normands Emma, fille de Guillaume Fils Osbem, et Roger de Breteuil, eux, ont eu la vie sauve .

L'historien anglo­ normand n'en a été que plus touché par cette injustice.

C'est aussi un réquisito ire implacable de la pacification du Yorkshire que dresse Orderic Vital.

« Jamais encore, Guillaume n 'avait montré une telle cruau­ té.

Il ordonna de tout réduire en cendres, moissons et troupeaux et réserves alimentaires afin de priver le territoire de tous moyens de subsistance.

Une population humble et sans dé­ fense souffrit d'une telle famine que plus de cent mille chré­ tiens des deux sexes, jeunes et vieux, moururent de faim.

» L'enquête du Domesday Book prouvera le bien-fondé des accusations de l'historien .

Vingt ans plus tard, la région porte encore les stigmates de la ter· rible répression .

A l'époque des faits, Guillaume de )umiè· ges a passé sous silence l'épi­ sode de cette « pacification », préférant célébrer la paix réta· blie en Angleterre ...

Un véritable enquêteur Le moine de Saint-Evroult ne se contente pas de compulser les ouvrages de ses prédécesseurs .

Il mène son enquête, interroge les acteurs et les témoins de passage à l'hôtellerie du mo­ nastère .

Grâce à lui, on décou· vre l'existence de la seule et grande querelle qui ait opposé Guillaume le Conquérant à sa femme Mathilde, à propos de leur fils Robert Courteheuse .

Comme à l 'accoutumée , et avec son talent littéraire, Orderic Vital rapporte l'affaire en style direct.

Ses précieuses recher­ ches permettent également d'en savoir plus sur les maux qui ont provoqué la mort du Conquérant et sur les dernières volontés du duc-roi.

Toutefois, le parti pris pour la cause anglo­ saxonne amène parfois l'écri· vain à quelques fantaisies.

Il y met cette dramatisation qu 'il se plaît à cultiver .

C'est ainsi qu'on lui doit la légende du macabre incident qui aurait perturbé la cérémonie des funérailles de Guillaume le Conquérant, du « ventre obèse qui éclata et de la puanteur intolérable qui se répandit » pour cause de cer­ cueil trop étroit ! Les fai ts , cette fois ont donné tort à Orderic Vital.

Le corps du Conquérant a été exhumé quatre cent cin­ quante ans plus tard en parfait état de conservation .. »