Mai 68 en France
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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— Autre interrogation pour l'opinion publique de l'époque : est-ce un mouvement propre à Paris ? Il faut s'éloignerdes facultés parisiennes pour comprendre que ce phénomène historique existe, bien entendu en province, c'est-à-dire dans toutes les grandes villes universitaires, mais aussi dans d'autres pays où l'on assiste à des scènesidentiques à celles que l'on peut voir à Paris.
Ainsi, à cette époque, l'université de Colombia, aux États-Unis,connaît, elle aussi, des troubles similaires à ceux de Paris.
Même phénomène observé à Berlin, Rome, Madrid, etc.
Ala différence des autres pays, les responsables politiques français ne pensent pas que de telles agitations puissentavoir lieu en France.
Dès lors, lorsqu'elles surviennent, le mauvais réflexe consiste à réprimer au lieu de discuter etde négocier.
En résumé, le phénomène n'est pas entièrement franco-français, mais correspond à un malaiselargement partagé par la jeunesse des années soixante, du monde entier.
En ce sens aussi, il est irrésistible.
[Transition]
Les événements de mai 1968 témoignent d'un mal de vivre qui n'est pas propre à la France, mais qui touche toutesles nations industrielles.
Le pouvoir politique ne réalise pas l'ampleur du phénomène et jette de l'huile sur le feuplutôt que d'apaiser la tempête.
Du coup, les éléments les plus politisés du mouvement contestataire s'engouffrentdans la brèche pour tenter de créer les conditions propices à un climat révolutionnaire.
Des barricades sont édifiées,des affrontements violents interviennent entre manifestants et policiers et, au total, la France, surtout Paris,apparaît comme un vaste champ de bataille.
L'ordre finit par régner, à nouveau.
Mais qu'en est-il exactement de laportée de cet événement exceptionnel dans l'histoire récente de la France ? Pour cela, il faut remonter en arrière,un peu au début du film des événements.
[Partie II.
Mai 1968, en France : un événement exceptionnel, aux conséquences irréversibles.]
Avec le recul historique, on réalise qu'il y a «un avant-mai 1968 », et «un après-mai 1968 ».
De ce point de vue, laFrance d'aujourd'hui, dans bien des domaines, n'est plus la même à cause de cette période.
On doit distinguer lesconséquences (irréversibles) sur le plan économique et politique, des effets en matière sociale et culturelle.
A) La portée de l'événement sur le plan économique et politique— A l'origine de la crise, il y a une augmentation du niveau de vie trop inégal selon les catégories socio-professionnelles.
La productivité, c'est-à-dire l'efficacité de la combinaison des facteurs de production (capital ettravail), augmente plus vite que le taux du salaire réel.
L'inflation (hausse cumulative du niveau général des prix) estrelativement modérée avant l'année 1968.
A la suite des revendications salariales, le gouvernement de GeorgesPompidou est obligé de faire des concessions.
C'est ainsi qu'il réunit au ministère des Affaires sociales, fin mai, lesreprésentants des salariés et du patronat.
Les accords de Grenelle prévoient une augmentation des salaires, enparticulier du S.M.I.G.
(salaire minimum interprofessionnel garanti) de l'ordre de 35 %.
Cette politique qualifiée de «fuite en avant », destinée à apaiser les mécontentements de la classe ouvrière, est à l'origine d'une pousséeinflationniste prévisible.
En clair, pour faire face à l'augmentation des coûts de production, les prix se mettent àgrimper.
Le processus s'observe de 1968 à 1973.
Autrement dit, la valeur ajoutée des entreprises, c'est-à-dire larichesse produite, se déploie en direction du travail et non plus seulement pour alimenter les profits.
C'est une desconséquences économiques majeures des événements de mai 1968.— Sur le plan politique, la situation, même si elle se stabilise en juin, grâce aux élections législatives gagnées parl'U.D.R., n'en demeure pas moins tendue.
De nouveaux appétits se sont révélés.
La gauche, avec FrançoisMitterrand, apparaît comme une solution possible, à terme.
En outre, à droite, le pouvoir gaulliste est ébranlé.D'ailleurs, le général de Gaulle à la suite des mauvais résultats du référendum sur la régionalisation et la réforme duSénat, en avril 1969, quitte définitivement la scène politique.
Les observateurs scrutent là une crise politiqueprofonde.
De la même manière, Georges Pompidou, remercié par le général de Gaulle en juillet 1968, annonce au moisde janvier suivant sa décision de se présenter à la présidence de la République, dans l'hypothèse d'un retrait dugénéral de Gaulle.
Visiblement, les deux hommes sont en conflit.
Georges Pompidou remporte l'élection présidentielle,en 1969.
La période strictement gaulliste s'achève, laissant place à l'après-gaullisme.Ces événements de mai 1968 prouvent bien que les structures de la société française ont bougé.
Que rien ne peutplus être comme avant.
Mais l'incidence la plus profonde, c'est-à-dire la moins visible, va s'exercer de manièreinsidieuse dans les comportements de beaucoup de Français.
B) La portée de l'événement en matière sociale et culturelle — La crise de mai 1968 a libéré le verbe.
Les rues dePariset les amphithéâtres des facultés, pendant les événements, s'emplissent de jeunes et de moins jeunes qui refont lemonde.
On y conteste tout.
Ainsi, le théâtre de l'Odéon est occupé.
Sur la porte on peut lire alors : «Interdit avecspectateurs bourgeois.» De même, Jean Rostand par exemple, académicien et biologiste, se laisse photographier,entouré de jeunes qui s'inquiètent pour leur avenir.
Il préside le mouvement «Jeune Pouvoir».
Enfin, à la Sorbonne,Jean-Paul Sartre vient dialoguer avec les contestataires qui occupent le bâtiment.
Partout, dans ces lieux publics,envahis par la foule, on peut voir des portraits de révolutionnaires : Mao, Proudhon, Castro, Guevara, Bakounine,etc.
Des journaux muraux font leur apparition comme à Pékin.
Au-delà du folklore ou de la grande kermesse, sedessine une nouvelle idéologie, toute orientée vers la recherche d'une vie différente, d'un nouveau sens à donner à.
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