L'URSS de Khrouchtchev à Brejnev
Publié le 11/11/2018
Extrait du document
«
•
Faute de cette participation populaire
à laquelle il avait appelé, Khrouchtchev
doit démissionner en octobre 1964, sous
la pression de ses pairs du Politburo,
qui le rendent responsable de tous
les maux du pays.
UNE POLITIQUE EXTiRIEURE
ENTRE DÉTENTE ET OFFENSIVE
• Sur Je plan extérieur, la politique
de Khrouchtchev pâtit des mêmes
contradictions.
Immortalisé dans
les médias par son coup de sang à
la tribune de l'ONU, qui J'avait amené
à taper de sa chaussure sur son pupitre,
Je chef du Kremlin a soufflé Je chaud
et le froid sur la planète, faisant alterner
vent de détente et crises graves
précipitant les deux blocs au bord
de la guerre nucléaire.
• Déjà, Je «rapport secret>> avait
provoqué un choc dans Je camp
socialiste, surtout en Pologne,
après la dissolution du Kominform
en avril 1956 et en Hongrie, où
les insurgés opposent une résistance
acharnée à J'armée soviétique en
novembre 1956.
Par ailleurs, J'URSS
a développé son influence internationale
à la faveur de la décolonisation
engagée dans le tiers monde.
Mais ses rapports avec la Chine
se détériorent à partir de 1955,
la rupture étant consommée en 1961
avec Je président Mao Zedong, qui
revendique le polycentrisme dans
le monde communiste et s'inquiète
des conséquences de la déstalinisation.
• Hors du monde communiste,
même s'il se prévaut de la supériorité
de l'URSS, qui détient la bombe H
dès août 1953, Khrouchtchev permet
une certaine détente dans les relations
Est-Ouest, sur fond de compétition
jusque dans J'espace avec les États
Unis, que Khouchtchev s'est promis
de dépasser.
Le 12 avri1 1961, lauri
Gagarine est Je premier homme
à voyager dans l'espace.
• Mais la guerre froide repart de
plus belle après l'érection du mur
de Berlin en août 1961 et les efforts
américains pour contourner Je blocus
imposé à Berlin-Ouest.
Elle s'amplifie
à J'occasion de la crise provoquée
en octobre 1962 par l'installation
de missiles soviétiques à Cuba -
Je président Fidel Castro s'est aligné
sur Moscou après la tentative avortée
des exilés cubains, soutenus par
Washington, de reprendre le pouvoir
sur 111e lors du débarquement
de la baie des Cochons (avril1961).
Khrouchtchev doit retirer ses missiles
et l'échec de sa politique offensive l'incite
à rechercher à nouveau une
détente durable avec les États-Unis.
C'est alors qu'il est contraint
à la démission.
BREJNEV ET LES LIMITES DE LA
SOCIÉTÉ SOCIALISTE AVANCÉE
LA PROMOTION DE BREJNEV
• Après avoir osé huit ans plus tôt
dénoncer Je culte de la personnalité
de Staline, Khrouchtchev est à son tour
sur la sellette.
En 1964, il est accusé
d'avoir restauré un pouvoir personnel
au détriment du PC.
Celui-ci va retrouver
sa légitimité politique sous J'impulsion
d'une équipe dominée très vite par
la personnalité de Leonid Brejnev.
• Pour éviter toute dérive personnelle,
le pouvoir
est exercé
par une troïka
qui associe
Nikolaï
Podgornyï
et Alekseï
Kossyguine
à Brejnev,
à la tête
d'un Politburo où ils se répartissent
les rôles, en politique intérieure
comme en diplomatie.
Mais
en assumant la responsabilité
de la sélection des cadres du Parti,
Brejnev exerce une influence croissante
dans cette direction collégiale et reçoit
le titre de secrétaire général en avril
1966, rétabli à son bénéfice lors
du XXIII' Congrès du PCUS.
CONCENTRATION DES POUVOIRS
ET DIRECTION COLLÉGIALE
• Dès lors, Brejnev ne cesse de renforcer
un pouvoir tout aussi personnel
que celui de son prédécesseur, mais
qu'il saura placer au service d'une
orthodoxie idéologique et appuyer
sur des institutions et cadres stabilisés
qui lui assureront sa longévité politique.
Bardé de titres et de décorations,
Brejnev fera l'objet jusqu'à sa mort d'un
culte institutionnalisé, au sommet
d'une société qu'il entend normaliser.
Pour exercer ce pouvoir quasi
monarchique, il s'entoure d'une
véritable cour, dont les ramifications
conduisent dans toutes les républiques
et régions de l'URSS, cimentée par le
népotisme et les privilèges économiques.
• En prenant progressivement Je
contrôle de la politique internationale
de l'URSS, Brejnev s'autorise une
concentration sans précédent des
pouvoirs illustrée par l'attribution
du titre de chef de l'État, en 1977,
accompagnée d'une boulimie
d'honneurs militaires.
Pourtant,
en dépit de cette personnalisation
du pouvoir, Brejnev n'en remet
jamais en cause Je caractère collégial.
Mikha"1l Souslov restera ainsi Je tenant
de la ligne doctrinale du Parti et Brejnev
n'hésite pas à se faire remplacer par
ses pairs lors des grand-messes
de l'État soviétique.
• La nature collégiale du régime
est toutefois plus nettement affirmée
dans la période allant de 1964 à 1976.
Tout en revenant sur les tentations
égalitaristes de l'ère Khrouchtchev,
l'équipe au pouvoir, soucieuse d'asseoir
sa légitimité sur un consensus social
reposant sur J'amélioration des
conditions économiques, tente même
une expérience visant à séparer Je
politique de l'économique.
Celui-ci
est confié à des professionnels choisis
selon leurs compétences.
ESPOIRS DÉÇUS ET DISSIDENCE
• Le xxv· Congrès du PCUS, en 1976,
rétablit la suprématie absolue du Parti
dans tous les domaines de la vie
politique et économique, confirmée
par la Constitution de 1977.
Affirmant
que l'État soviétique est celui du peuple
tout entier, celle-ci exalte le modèle
de la «société socialiste avancée»,
qui en appelle à une participation
populaire accrue.
Dans les faits,
pourtant, le pouvoir est resté fidèle
à son refus de recourir de nouveau à
la terreur.
Mais il ne supporte pas
l'idée de voir s'agrandir les espaces
de liberté, comme l'attend une société
de plus en plus éduquée dont il cherche
avant tout, avec un succès limité,
à satisfaire les besoins matériels.
• Les réformes économiques en ce
sens se heurtent aux pesanteurs d'un
système relevant de J'autorité absolue
du Parti et tributaire d'une planification
centralisée qui privilégie l'industrie
lourde et militaire dictée par
la compétition avec les États-Unis.
Entre le refus de la terreur et celui
d'une réforme du système, Je pays
va s'enfoncer dans J'immobilisme.
• Les déceptions suscitées par l'échec
des réformes économiques, notamment
dans le secteur agricole, alimentent
un vent de contestation qui fait écho
aux critiques d'abord isolées des
dissidents, comme le physicien Andreï
Sakharov, qui fonde un Comité de
défense des droits de J'homme en 1970.
Par ailleurs, Je pouvoir a montré qu'il
pouvait céder aux pressions de certains
groupes, comme les juifs, autorisés
à émigrer massivement en Israël
en 1971, ce qui encourage l'expression
de revendications nationalistes dans
les républiques, comme en Géorgie,
où la langue nationale est réhabilitée
en 1977 après une vague de
manifestations.
En revanche,
les tentatives de créer des syndicats
ouvriers, qui menacent J'autorité
du Parti, sont sévèrement réprimées.
UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE DYNAMIQUE
• En quête de légitimité, fourvoyé
dans une impasse, Je système cherche
f-------------..1..------------� une issue dans la politique étrangère,
qui permet à l'URSS de se hisser au
LEONID BREJNEV (1906-1982)
• Né en 1906 à Kamenskoïe
(Dniprodzerjynsk), Leonid llitch
Brejnev, incarne
la figure
de l'homo
sovieticus,
emblématique de la société
socialiste
avancée.
• Apparatchik sans gloire, ce fils
de travailleur promu par Je parti
communiste aux plus hautes
charges est représentatif de la
classe politique qui l'entoure et
avec laquelle il partagera le pouvoir.
• JI succède en 1964 à Khrouchtchev
à la tête du Parti et assume la
direction collégiale de J'URSS
aux côtés de Kossyguine et
de Mikoïan puis de Podgornyi,
élu président du Praesidium
du Soviet suprême en 1965.
• JI doit sa promotion à son
expérience sans égale dans l'appareil
du Parti, dans des domaines comme
les cadres, J'agriculture, l'armée,
J'industrie ainsi qu'à la tête de la
région de Dniepropetrovsk,
puis des républiques d'Ukraine,
du Kazakhstan et de Moldavie,
et enfin dans le pouvoir central.
• Quant à sa longévité politique,
il ia doit à sa capacité de fidéliser
son entourage par une stabilisation
des cadres et des élites récompensés
par des titres et avantages matériels
dont il est Je premier bénéficiaire.
• Particulièrement épris de
décorations et d'honneurs militaires,
que ne justifie guère sa carrière
dans l'armée, il est fait maréchal
en 1976, puis ravit Je titre de chef
d'État à Podgornyi en 1977.
• Son abondante littérature
politique sert à entretenir son
culte officiel tout en lui rapportant
d'importants subsides matériels.
Dans les dernières années de son
pouvoir, marquées par la maladie,
il limite ses apparitions publiques.
JI meurt en 1982.
• Ses successeurs ne tarderont pas
à dénoncer un règne dont la stabilité
était synonyme de stagnation
et dont les apparentes avancées
économiques ont profité avant tout
à une nomenklatura corrompue.
rang
des États-Unis sur Je plan militaire
et de J'influence planétaire.
Associant
détente et déstabilisation, la diplomatie
soviétique poursuit la compétition
avec les États-Unis avec un dynamisme
que ne fera pas fléchir la conquête
de la Lune par les Américains en 1968.
• Poursuivant la politique d'ouverture
de Khrouchtchev, Brejnev et son équipe
vont utiliser l'arme diplomatique
pour tenter de freiner une course
aux armements ruineuse et mettre
les échanges Est-Ouest au service
d'une économie défaillante et d'une
technologie à la traîne.
À usage
intérieur aussi, la démonstration
de puissance de l'URSS qui gagne
à sa cause de nombreux pays d'Afrique
et d'Asie vise à ancrer les Soviétiques
et les pays du bloc de l'Est dans la
conviction que leur système obéit
à une dynamique mondiale,
qui J'inscrit dans la durée.
DÉTENTE EST- OUEST
ET CRISES INTERNES AU BLOC SOVItfiQUE
• La démonstration ne s'avère pas
convaincante et J'URSS doit faire face
à plusieurs crises extérieures menaçant
l'homogénéité du monde communiste.
La première survient lors de
J'intervention militaire soviétique en
Tchécoslovaquie, où le cc Printemps
de Prague" est brutalement réprimé
en août 1968.
En 1969, la rivalité entre
J'URSS et la Chine atteint un point
de non-retour.
En 1974, l'Égypte
de Sadate met fin à la tutelle militaire
de l'URSS acceptée par Nasser.
• L'URSS développe toutefois son
influence dans Je tiers monde, utilisant
des relais comme Cuba et surtout le
Viêtnam qu'elle équipe militairement,
notamment contre Je Cambodge.
• Par ailleurs, l'URSS et les États-Unis
engagent en 1969 les négociations
SALT visant à limiter la course aux
armements nucléaires et débouchant
sur les accords SALT 1 et SALT Il
en 1972 et 1979.
Ce climat de détente
est conforté par la signature en 1975
par Brejnev de J'ade final de la
conférence d'Helsinki sur la sécurité
et la coopération en Europe, dont un
volet concerne les droits de l'homme.
UN EMPIRE ET UN DIRIGEANT MALADES
• En 1979, l'envoi de troupes
soviétiques en Afghanistan,
officiellement à l'appel d'une faction
des communistes locaux qui ont pris
le pouvoir à Kaboul, donne Je coup
d'envoi d'une longue et meurtrière
guerre d'occupation qui portera
un coup fatal au prestige de l'URSS
et l'épuisera financièrement.
En Pologne en 1980-1982, la situation
échappe au contrôle du PC, défié
par le syndicat libre Solidarité.
• Ces crises majeures affectant
gravement la puissance de J'URSS
montrent les limites de cette politique
extérieure que Brejnev désignait
comme «un grand moyen de politique
intérieure».
Loin de provoquer Je
sursaut national et la mobilisation
populaire escomptés, la politique
étrangère soviétique n'a fait
qu'accro ît re le doute à J'égard
du système et a contribué à sa perte.
·À sa mort en 1982, Brejnev laisse
à ses successeurs Andropov, puis
Tchernenko (1984), un empire mal
en point, que Gorbatchev tentera
en vain de redresser à partir de 1985,
à coup de réformes radicales qui
devaient finalement en sonner Je glas..
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