L'Union européenne, espace ou puissance ?

« II.

La puissance politique : l’UE comme le « nain politique » dans les relations internationales.a) La politique étrangère de l’UE ?Même en tenant compte des limites de sa puissance économique, on ne peut pas nier que l’Union européenne joueun rôle très important dans le monde à ce niveau là.

Cependant, elle a de la peine à devenir une grande puissancepolitique.

La politique étrangère de l’Union n’existe pas encore, comme les pays ne peuvent pas parler d’une seulevoix.

Or, pour être puissant, il faut une vision collective du monde qu’on souhaite préserver ou créer, et donc unecertaine unité.Une politique étrangère doit également s’appuyer une capacité de défense sûr qui fait défaut à l’Union.

Les arméesde la plupart des membres sont intégrées dans l’OTAN, et certains pays sont neutres et veulent le rester, commel’Irlande, la Suède et la Finlande.

De plus, la France et le Royaume-Uni ont une force de frappe nucléaire, ce quirend l’harmonisation des stratégies militaires de l’Union européenne très difficile.

La PESC de l’Union européenne adonc échoué.

Un exemple clair de cet échec est celui de la guerre en Irak, où l’Union a été incapable d’afficher uneposition commune.

Un autre exemple également frappant est celui de la guerre en ex-Yougoslavie pendant lesannées 1990.

Il s’agissait d’une guerre au cœur de l’Europe, mais l’Union s’est montrée impuissante à empêcher laguerre, et les Etats-Unis ont dû intervenir pour résoudre le conflit.La façon dont la PESC a traité les grands conflits internationaux expose les faiblesses de l’Union européenne en tantque puissance politique sur la scène internationale.

Face à ces crises, les états membres se sont montrés capablesni de mobiliser un potentiel militaire crédible, ni de présenter un front uni.

Pendant les années 1990, l’Unioneuropéenne est demeurée un acteur secondaire dans la résolution des conflits balkaniques qui se déroulaient danssa périphérie immédiate.

C’est l’intervention militaire des Etats-Unis et de l’OTAN qui a mis fin aux affrontements enBosnie et au Kosovo.

L’action de l’Union européenne n’a pas été inexistante, puisqu’elle a adopté des sanctionséconomiques et des postions communes après la fin des confrontations pour aider à reconstruire les zonesaffectées.

Cependant, c’est l’efficacité de la diplomatie américaine qui a conduit au dénouement de la situation.

Eneffet, les anciennes grandes puissances (c’est-à-dire, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne) ont toujours eutendance àse guider sur leurs intérêts nationaux et à établir une politique étrangère indépendamment de l’Union, etparfois en contradiction avec celle-ci, ce qui a conduit à la « désunion européenne ».Ces guerres ont donc montré que les enjeux stratégiques demeurent fondamentaux dans les relationsinternationales, et l’échec de l’Union indique qu’elle n’est pas une puissance politique dans le monde.b) L’avenir de la puissance civile de l’UE : une puissance politique éventuelle ?Cependant, on entend souvent les gens dire que l’Union européenne est une puissance politique en raison de sapuissance civile et de ses politiques et modalités d’intervention qui couvrent beaucoup des enjeux mondiaux majeursactuels.

La notion de puissance civile est l’une des plus utilisées pour qualifier le rôle de l’Union européenne dans lesrelations internationales.

Le concept est fondé sur le recours à des moyens diplomatiques et non militaires pourexercer une influence dans le monde.Par exemple, l’Union européenne fait souvent appel à des sanctions ou promet de l’aide et des emprunts pouratteindre à ses objectifs, car elle n’a pas vraiment de puissance militaire et sa culture passe historiquement par lanégociation.

Il est clair qu’elle ne cherche pas à être une puissance militaire, comme le montre la grande variété deces instruments de diplomatie et l’histoire et la conjoncture de ses états membres.

Cependant, elle ne tient pastoujours ses promesses ou les délivre avec beaucoup de retard.

De plus, la mise en place de sanctions est souventdifficile, car les états membres ne sont souvent pas d’accord.

En conséquence, la puissance civile de l’Unioneuropéenne est incohérente.

Par ailleurs, sa tentative de devenir une puissance civile a été possible uniquementparce que l’OTAN et les Etats-Unis ont pris en charge la sécurité militaire de l’Europe.

L’affirmation de l’Unioneuropéenne en tant que puissance civile n’est donc qu’un prolongement de sa dépendance stratégique de lasuperpuissance américaine.Même si la puissance civile marchait comme il faut, cette forme de puissance ne suffirait pas dans un mondechangeant qui ne répond plus aux offres qu’elle avance pour tenter d’étendre son influence.

La puissance civile n’estplus viable dans le « monde non civilisé » d'aujourd’hui : comme le souligne Nicole Gnesotto, « la nouveauté duterrorisme est qu’il porte un coup fatal à l’utopie d’une puissance européenne globalement civile, évoluant dans unmonde globalement civilisé ».La puissance civile de l’Union européenne, peut-être la seule façon dont on aurait pu la considérer comme puissancepolitique, est donc faible en raison de ses divisions internes et de son fractionnement en plusieurs pays différents.L’Union européenne n’a pas les moyens de devenir une puissance politique à l’heure actuelle.

Elle aurait pour celabesoin d'institutions plus efficaces et plus transparentes.Conclusion : une puissance essentiellement économique, mais pas sans ses limites.On peut donc dire qu’en dépit des limites dans ce domaine, l’Union européenne est une véritable puissanceéconomique, particulièrement en examinant les chiffres et à la lumière des diverses manières influentes dont cettepuissance se manifeste.

Cependant, elle n’est pas une puissance intégrale comme les Etats-Unis, un pays à la foispartenaire et rival face auquel elle a du mal à se positionner.

Elle doit maintenant s’affirmer dans d’autres domaines,comme celui de la politique étrangère, pour qu’elle puisse devenir une puissance véritable à l’avenir, car soninfluence économique paraît sans commune mesure avec ses capacités diplomatiques et politiques.

Cependant,l’unité des états membres, ce qui est essentiel pour devenir cette puissance politique, est encore très loin d’êtreréalisée.Néanmoins, le monde change et de nouveaux enjeux politiques et économiques apparaissent, et peut-être l’Unioneuropéenne aura la possibilité d’exercer une influence et de faire preuve de puissance à l’avenir.

En prenant la têtede la lutte contre le réchauffement climatique, elle a montré qu’elle sera peut-être une puissance écologique.

Elleest désormais la seule puissance qui peut faire basculer les négociations internationales sur le climat du côté duraisonnable et qui est prêt à le faire.

Pourtant, et malgré les leçons qu’elle aurait dû tirer de son échec en tant quesa puissance politique, le manque de cohésion européenne risque de l’empêcher de devenir cette puissance.

Malgrécela, étant donné la position des Etats-Unis et la Chine, l’Europe est la seule puissance au monde qui pourrait. »