lHistoire de la Normandie: L'enjeu des rivalités franco-anglaises durant quatre siècles 1982 323 800 911 1066 1204 1431 1468 1790
Publié le 17/11/2018
Extrait du document
UNE PROVINCE LONGTEMPS DISPUTEE
Orientée vers la Manche, la province de Normandie a constitué pendant quatre siècles, du XIe au xive siècle, une pomme de discorde entre les royaumes de France et d'Angleterre. La mainmise définitive des Capétiens sur cette terre, sous Philippe-Auguste, sera contestée lors de la phase la plus noire du royaume de France, au début du xve siècle, durant la guerre de Cent Ans. La Normandie est formée de plusieurs régions distinctes qui ont rapidement été réunies sous une même autorité. Si ses limites septentrionales sont nettes - le rivage de la Manche -, sa frontière méridionale est moins facile à établir, aux marges du Maine et du Perche. Riche région agricole, la Normandie est aussi maritime et industrielle. Maritime, elle a envoyé ses fils naviguer sur toutes les mers ; industrielle, elle a accueilli dès le xviiie siècle les artisans et ingénieurs anglais pour développer les fabriques textiles autour de Rouen. Avec Caen et Rouen, la Normandie est une des rares provinces françaises à être dotée de deux centres urbains de grande importance.
DES CELTES AUX ROMAINS
• La Normandie est une construction politique médiévale. Avant l'ère chrétienne, elle a été peuplée par de nombreux peuples ou tribus celtes.
LeS PEUPLES GAULOIS
• Sur la rive de droite de la Seine vivent les Calètes (pays de Caux) et les Véliocasses (Vexin normand). Sur la rive gauche sont installés les Éburovices, autour d’Évreux, et les Lexoves, autour de Lisieux. Au centre, dans la région de l’Orne, les Esuvii ou Sagii côtoient les Viducasses.
À l’ouest les Unelles et les Abrincates sont les autres peuples de la région.
Les villes romaines
• Plusieurs villes ont été créées sous la domination romaine : Rouen (Rotomagus), Évreux (Médiolanum), Lisieux (Noviomagus), Coutances (Cosedia devenue Constantia au IIe siècle), Avranches (Abrincatum).
La CHRISTIANISATION
• Sous le Bas-Empire, la province de Lyonnaise Seconde englobe la totalité de la future Normandie avec Rouen pour capitale.
Fondation de la province romaine de Lyonnaise Seconde Premières invasions vikings Traité de Saint-Clair-sur-Epte Guillaume conquiert l'Angleterre Philippe-Auguste conquiert la Normandie Jeanne d'Arc est brûlée à Rouen La Normandie est intégrée au domaine royal Départementalisation Régionalisation
• Ceux-ci font partie de la vague d'invasions venue du Nord, qui a commencé à toucher les îles Britanniques dans les années 790.
• Effectuant dans un premier temps des raids saisonniers - les drakkars remontent le cours de la Seine pour procéder à des pillages -, les Scandinaves, constatant la faiblesse des souverains carolingiens, décident bientôt de s'installer durablement dans la région.
• Dès 845, ils menacent Paris. En 864 un premier accord avec les envahisseurs permet d'établir un barrage fortifié au niveau de Pont-de-l'Arche afin de défendre le cours supérieur de la Seine. Mais à chaque nouvelle vague d’invasion, le fortin est enlevé.
Le pari de Saint-Clair-sur-Epte
• Établis dans la région de la Basse-Seine, les Normands - ou hommes du Nord - exercent leur domination sur les populations alentour.
• En 911, ils reconnaissent la nature de leurs liens de vassalité envers le roi de France Charles le Simple qui, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte cède au chef normand Rollon les pleins pouvoirs sur toute la rive droite de la Seine, depuis le cours de l'Epte jusqu'à la mer. En échange, le Normand se convertit au christianisme en acceptant le baptême et promet d'assurer lui-même la protection du bassin de la Seine et donc celle de Paris.
• Devenu « prince des Normands », Rollon obtient en plus, en 924, les diocèses de Bayeux et du Mans aux termes d'un traité signé avec le nouveau roi des Francs, Raoul, qui a souhaité faire renouveler l'hommage féodal. Le chef normand, qui meurt en 932, aura réussi à se maintenir au pouvoir malgré sa défaite en 924, à Eu, face à l'armée royale.
«
•
Constatant la difficulté de gouverner
en même temps des deux côtés de la
Manche, Guillaume attribue à sa mort
en 1087 le duché de Normandie à son
fils ainé et l'Angleterre à son cade�
Guillaume le Roux.
• À la mort de ce dernier en croisade
en 1100, le troisième fils de Guillaume
le Conquérant, Henri Beauclerc, tente
de réunifier le royaume anglo-normand :
il s'empare du trône, débarque
en Normandie et défait son frère
à la bataille de Tinchebray, en 1106.
DES NORMANDS AUX PLANTAGENhs
• Le destin de la Normandie reste lié
durant deux siècles à celui du royaume
d'Angleterre et aux troubles que
celui-ci traverse, notamment lors
de la succession d'Henri 1• mort
en 1135 sans héritier mâle.
• Également prénommée Mathilde,
l'héritière d'Henri 1• - veuve de
l'empereur d'Allemagne- épouse
en 1128 Geoffroy Plantagenêt, fils du
comte Foulques V d'Anjou.
Ce dernier
aspire au trône anglais, mais doit
affronter Étienne de Blois, petit-fils de
Guillaume le Conquérant, qui bénéficie
du soutien du roi de France : Geoffroy
doit se�ntenter de la Normandie.
• C'est à son fils Henri, qui lui succède en
1151, que revient l'opportunité de réunir
les deux entités lorsqu'Étienne de Blois
le reconnaît comme héritier en 1153.
• Ce royaume anglo-normand dure
un demi-siècle, jusqu'à la conquête
du duché par le roi de France Philippe
Auguste au bout d'une campagne
de près de trois ans (1202- 1204).
Philippe Auguste parachève sa victoire
en conquérant Chitetlu-Ctlillllrd,
la forteresse construite sur ordre
de Richard Cœur de Lion aux Andelys,
sur la Seine.
UNE PROVINCE RICHE
ET BIEN ORGANIStE
• Le développement économique de
la Normandie s'explique tout d'abord
par un environnement naturel favorable
à l'activité humaine.
Les fleuves et
les ports facilitent les communications.
Les nombreuses forêts et les gisements
de minerai de fer offrent des matières
premières facilement accessibles.
Le minerai de fer est régulièrement
exploité, à partir du xm• siècle,
dans le pays de Bray au nord, le pays
d'Ouche au centre et le Perche au sud.
La production de céréales donne matière
à des échanges de marchandises.
• À partir du Xli' siècle, l'entrée en
service des premiers moulins favorise
le développement de bourgades puis
de villes.
Des villages de forgerons
apparaissent près des points d'eau
et à proximité des bassins de minerai.
• Des ligues professionnelles se
forment Dans les villes, l'activité
drapière se développe, notamment
à Rouen.
Des foires rassemblent
les marchands, comme celle de
la Saint-Romain, à Rouen, ou celles
de Gui bray et de Montmartin.
•
Les ports de Dieppe, Fécamp, Honfleur
et Cherbourg accueillent les matières
premières venant d'Espagne (sel)
ou manufacturés (draps de Flandre).
• Ses activités font de la Normandie
l'un des centres économiques majeurs
du royaume jusqu'à la crise de 1348-
1349, qui fait entrer la province
dans une période plus agitée.
LU INSTITUTIONS NORMANDES
• Les institutions judiciaires et
administratives de la Normandie, qui
se perpétuent durant le Xlii' siècle, sont
originales.
En 1315, Louis X pacifie les
relations avec la province en accordant
une « charte aux Normands » qui met
un terme aux pressions assimilatrices
exercées par Philippe le Bel contre
les traditions fiscales de l'ancien duché.
• Sur le plan judiciaire, le très ancien
Coutumier de Normandie, compilé
à la fin du Xli' siècle, donne lieu
vers 1235 à la rédaction du Grand
Coutumier de Normandie.
• Sur le plan fiscal et financier,
l'Échiquier de Normandie, session
de la cour ducale chargée d'examiner
les comptes des officiers royaux, se tient
à Rouen et à Caen.
Après la conquête
capétienne, l'Échiquier est installé
à Rouen où des maîtres sont envoyés
de Paris par la Cour pour participer
à ses réunions aux côtés de barons
et de juristes normands.
L'Échiquier
fonctionnera sans grand
bouleversement jusqu'à la deuxième
conquête royale, en 1451.
LA NORMANDIE DANS
LA GUERRE DE CENT ANS
UN ENJEU MAJEUR
• La Normandie est un des enjeux
majeurs de la guerre qui oppose de
1346 à 1453 les royaumes de France
et d'Angleterre.
• C'est en Normandie -dans le
Cotentin -que le roi d'Angleterre,
Édouard Ill, débarque en 1346
pour conduire l'offensive qui aboutit
à la victoire anglaise à Crécy, après
_ l' Incendie de S11int-Lii et de Caen.
• La Normandie sert alors aux Anglais
de base contre le pouvoir royal.
La
province est à de nombreuses reprises
le champ de bataille des deux ennemis.
• En 1360, la Normandie est partagée
entre le domaine royal-sur la rive
droite de la Seine ainsi que la région
de Caen - et les fiefs de Charles
de Navarre -le Cotentin et la rive
gauche de la Seine.
• Si le roi de France Charles V parvient
à reprendre toute la Normandie, la
situation empire sous son successeur,
Charles VI.
La province passe sous
domination anglaise en 1417 et y reste
jusqu'en 1435-1439, années durant
lesquelles les troupes de Charles VIl
reconquièrent petit à petit la partie
orientale de la province.
Cependan�
la Normandie est souvent parcourue
par les troupes bourguignonnes,
alliées des Anglais.
•
C'est à Rouen qu'a lieu le procès
de Jeanne d'Arc, livrée aux Anglais
par les Bourguignons.
Elle y est brûlée
vive le 30 mai 1431.
• La province est totalement reconquise
avec la prise de Rouen en 1449 et
la défaite des Anglais à Formigny,
au nord de Bayeux, un an plus tard.
LA NORMANDIE
SOUS L'ANCIEN HGIME
L'INTtGRATION AU ROYAUME DE fRANCE
• L'intégration de la Normandie au
domaine royal est rapide.
Si Charles VIl
confirme la Charte aux Normands, son
fils Louis Xl obtient des états généraux
de 1468 la suppression du duché.
· Réorganisé en 1499, 1'Échiquier est
d'abord promu en cour souveraine,
puis transformé en Parlement en 1515.
Les États de Normandie sont quant
à eux abolis en 1666.
L'ORGANISATION DE LA PROVINCE
• La Normandie est divisée en trois
généralités subdivisées en élections
et en subdélégations.
• La généralité d'Alençon comprend
neuf élections, dont les chefs-lieux sont
Alençon, Argentan, Bernay, Conches,
Domfront, Falaise, Lisieux, Mortagne
et Verneuil.
• La généralité de Caen en compte
huit : Avranches, Bayeux, Caen,
Carentan, Coutances, Mortain,
Saint-Lô et Valognes.
• La généralité de Rouen en a
quatorze : Les Andelys, Arques,
Caudebec, Chaumont-et- Magny,
Eu, Évreux, Gisors, Lyons, Montvilliers,
Neufchâtel, Pont-Audemer, Pont
de-l'Arche, Pont-l'Évêque et Rouen.
L'APPEL DU LARGE
• Forte de ses richesses agricoles
et artisanales, ouverte sur le monde
grace à sa façade maritime, la
Normandie participe aux mouvements
de la Renaissance et des Grandes
• Des armateurs ambitieux comme
lunAngo
(1480-1551)
pratique la
guerre de
course contre
lli" .
...!,..-"'1' -� les Portugais.
·En 1517,
François 1•
décide la
L-.::::;'--'":-� ---' "-' fondation
d'un port à l'embouchure
de la Seine,
le Havre-de-Grâce.
• Au XVI' siècle, Samuel Champlain
part de Honfleur pour fonder Québec,
sur les rives du Saint-Lauren�
au Canada, en 1608.
LA NORMANDIE
DANS LES GUERRES DE REUGION
• La Réforme se développe rapidement
à partir de 1540 dans certaines villes
comme Dieppe ainsi que dans
le Cotentin.
•
La guerre civile sévit notamment
en 1562-1563, 1574-1576 et dans
les années 1580.
• C'est en Normandie que se dénoue
la crise dynastique avec les victoires
de Henri de Navarre sur les troupes
de la Ligue.
En 1589, à Arques, près
de Dieppe, puis en 1590, à Ivry,
près d'Évreux, le futur Henri IV
assied enfin son pouvoir.
LA NORMANDIE
DANS LA RÉVOLUTION
LA RtvOLUTION EN NORMANDIE
• Aux XVII' et XVIII ' siècles, la province
poursuit son ascension économique.
La croissance de la marine française
est un débouché privilégié pour les
Normands qui fournissent la majorité
des inscrits maritimes.
• Les 12 et 13 juillet 1789,1a province
connaît quelques émeutes très localisées,
à Rouen et à Cherbourg.
À l'intérieur
des terres, en revanche, un mouvement
de révolte embrase le bocage caennais
à partir du 15 juillet
· Cette révolte du bocage à l'ouest
de l'Orne, entre Segré-Fontaine et
Carrouge, qui dure jusqu'au 5 août,
participe au phénomène de
la Grande Peur.
• En 1790, I'Assemblée nationale
crée cinq départements :de l'ouest
vers l'e� la Manche, le Calvados,
l'Orne, l'Eure et la Seine-Inférieure
(auj.
Seine-Maritime).
LA NORMANDIE CONTRE LA CONVENTION
• Sur le plan politique, la Normandie
prend partie pour les Girondins contre
les Montagnards et défend les thèses
fédéralistes.
• L'exécution de Louis XVI provoque des
soulèvements
de Chou11ns.
L'ouest de
la province
est acquis
aux Vendéens
qui cherchent
à effectuer
leur jonction
avec les
émigrés et les Anglais à Granville.
Le 15 décembre 1793, le port
de la Manche est reconquis par
les troupes de la République.
• Six mois plus tôt, début juin,
les fédéralistes de Caen forment
une armée et marchent sur Paris.
Ils sont dispersés par les républicains.
Pour venger cette déconvenue,
et conventionnel Marat une
jeune
Caen na ise
royaliste, Chllrlotte
Cord11y, se
rend à Paris
et assassine,
en juille�
le journaliste,
pamphlétaire
• L'agitation chouanne perdurera
jusque sous le Directoire.
En octobre
1799, la ville de Vire subira encore
un assaut de Chouans.
LA
NORMANDIE MODERNE
L'ESSOR tCONOMIQUE AU XIX' SIÈCLE
• Grâce à la proximité de Paris et
à l'axe fluvial de la Seine, la Normandie
orientale participe très activement à
la révolution industrielle.
Les industries
textile et métallurgique s'y développent
• Rouen, qui était déjà une des
premières villes de France en 1789,
devient le plus grand port fluvial du pays.
Port de guerre dans un premier temps,
Le H11vre devient le point de départ
de la traversée transatlantique dès 1850.
• Dans l'ouest, l'économie du bocage,
plus rurale, repose sur l'élevage laitier.
Autre port de guerre, Cherbourg
est aussi un centre industriel.
LA NORMANDIE DANS
LES DERNIÈRES GUERRES
• Après 1871, la Normandie accueille
de nombreux Alsaciens et Lorrains qui
refusent la conquête de leurs provinces
par l'empire d'Allemagne en 1871.
• Durant la Première Guerre mondiale,
elle abrite également le gouvernement
et l'étllf-m11jor belges près du Havre.
• Pendant la Seconde Guerre mondiale,
la Normandie, relativement épargnée
en 1940, subit d'Importantes destructions
à partir de 1943.
L'armée allemande y
érige de nombreuses fortifications qui
n'empêchent pas les Alliés de débarquer
en juin 1944 sur les p/11ges du Clllv11dos
situées entre la base du Cotentin et
la Vire.
Au cours des violents combats
qui durent près de deux mois, Falaise,
Caen, Le Havre, Rouen, Mortagne
comptent de nombreuses destructions.
LEs DEUX NoRMANDIE
• En 1982, la loi de régionalisation
partage la Normandie en deux régions :
la Haute et la Basse-Normandie.
• La première, avec Rouen comme
capitale, englobe la Seine-Maritime
et l'Eure ; la seconde, autour de Caen,
le Calvados, la Manche et l'Orne.
• Cette partition illustre la rivalité entre
Rouen, la capitale économique, ancien
siège du Parlement et d'une université,
et Caen, l'ancienne capitale du duché
de Normandie, qui a subi l'ascendant
économique de sa rivale..
»
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