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L'expédition des Dardanelles À la conquête des Détroits : de la mise en œuvre à l'échec final

Publié le 10/11/2018

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UN FIASCO TOTAL

Lorsque s'ouvre l'année 1915, la situation sur le front de l'Ouest paraît durablement bloquée. En France, comme en Allemagne, chacun sait désormais que la guerre, que l'on estimait de courte durée au moment des mobilisations, est loin d'être terminée. Après la ruée vers le nord dans l'étrange course à la mer, les belligérants se sont retrouvés front contre front, épuisés dans la sanglante mêlée des Flandres d'où rien n'est sorti, sinon d'effroyables massacres. À l'est, sur le front russe, la situation est identique. Isolée de ses Alliés, la Russie est déjà à bout de canons, de munitions et de fusils. C'est de Londres que va venir l'initiative. Winston Churchill, Premier lord de l'Amirauté, réussit à imposer aux Français l'idée d'entreprendre aux Dardanelles une diversion de grande envergure afin d'abattre l'Empire ottoman, rétablir ainsi la liaison avec les Russes et assurer de façon définitive la sécurité de Suez. L'expédition des Dardanelles sera un fiasco total qui, selon les mots du journaliste anglais Ashmead Bartlett, « a valu à l'Europe un immense supplément demalheuretderuines».

LA DÉCISION DE CHURCHILL

Un fort pouvoir de persuasion

Le plan de Churchill consiste à remonter les Détroits jusqu'à Constantinople pour contraindre la Turquie à sortir de la guerre et pour communiquer avec la Russie.

Le 25 novembre 1914, le Premier lord de l'Amirauté présente son projet au Conseil des ministres de Londres, qui, sans le repousser, exprime de nombreuses réserves. Toutefois, la situation précaire des armées de Nicolas II permet à Churchill de revenir à la charge. Le 2 janvier 1915, le grand-duc demande aux Alliés d'entreprendre une opération navale ou militaire contre les Turcs afin de soulager le front du Caucase.

Le 13 janvier, Churchill présente un plan de forcement des Détroits (Bosphore et Dardanelles) et parvient à rallier à ses vues le comité de guerre, en dépit de l'opposition du ministre de la Guerre lord Kitchener et de l'amiral Fisher.

Ces derniers finissent par donner un accord de principe sous réserve que l’expédition soit strictement navale, alors que tous savent pertinemment qu'aucune décision ne peut être obtenue sans intervention terrestre.

• Il reste à convaincre l'allié français. Fort de la conviction qui l'anime, Churchill réussit à faire partager ses vues à la France qui n'a eu aucune part à l'élaboration de son projet.

Le maréchal Joffre, commandant en chef des armées françaises, et Horatio Kitchener consentent à promettre quelques unités terrestres pour «soutenir les opérations navales si elles réussissent».

Un plan incertain

• De conception brillante, le plan de Churchill n'est réalisable qu'à la faveur d'une minutieuse préparation et, surtout, s'il bénéficie d'une totale surprise.

• À ces impératifs ne répondent chez les Alliés, qu'improvisations, lenteurs et compromis. Dans l'enthousiasme de l'initiative, on oublie le courant torrentiel qui balaye la zone des Détroits, les mines qui en barrent l'accès, la topographie tourmentée des lieux, sans compter les batteries, les tranchées et les forts qui défendent la région.

• La campagne des Dardanelles qui s'ouvre en février 1915 est condamnée à dégénérer en une série d'épisodes indécis. Le premier, spécifiquement naval, est caractérisé par une opération - bientôt vaine -en direction du Bosphore et de Constantinople.

L'ALTERNATIVE PROPOSÉE PAR LE GÉNÉRAL D'AMADE

Le général d'Amade, qui commande les forces terrestres françaises, télégraphie le 21 mars au ministre de la Guerre. Il préconise d'attaquer Smyrne, bien au sud des Dardanelles et de marcher sur Constantinople en traversant la Turquie d'Asie.

Il explique ainsi pourquoi : « La tentative d'attaque sur la presqu'île de Gallipoli, sillonnée de tranchées allemandes, où nous sommes attendus par 75 000 hommes et où nous serons investis et bloqués par des forces convergeant de Gallipoli, d'Andrinople et de Constantinople, risquerait d'amener l'insuccès de l'armée de terre après celui de la flotte. »

Le général d'Amade a bien compris qu'un des principes de la guerre est d’être, à un moment donné, en un point donné, plus fort que son ennemi.

Le général Hamilton et l’amiral Robeck qui s'obstinent à vouloir débarquer aux Dardanelles, un lieu que les Allemands et les Turcs ont eu le loisir de renforcer et de fortifier, n'entendent pas dévier des objectifs et du plan qu’ils se sont fixés.

« LES nREURS D'ÉLITE OPUAnONS TEIIESTIES • Finalement , le choix du généralissime résultat et, selon les mots d'un soldat bloquée près d'Anafarta par des DErARM~EOTTOMANE anglais, sir lan Hamilton , se porte français «sous un ciel de feu, sur un sol contre-attaques turques de plus LA CONSTITUTION sur un troisième parti, le plus simple : desséché , empuanti par les cadavres».

en plus violentes dirigées par le jeune • Embusqués dans un trou de tirailleurs DU CORPS EXPtDITIONNAIRE conquérir le détroit.

Le débarquement De fait, la pestilence est telle et les Mustapha Kemal.

Cet échec entraîne ou un éboulis de rocher, les tireurs • Le 22 mars, à l'issue d'un conseil aura donc lieu au cap Helles en vue risques d'épidémie si évidents que le remplacement de Hamilton par d'élite de l'armée ottomane occupent de guerre tenu à bord du Queen de s'emparer de Kritia pendant que Liman von Sanders demande un court sir Mich aël Monro .

Lors du conseil une position dominant le terrain Elizabeth.

décision est prise les corps Anzoc, jetés sur la côte ouest armistice pour enterrer les morts .

de guerr e allié qui se tient le 18 août, occupé par l'ennemi .

Depuis celle-ci, d'entreprendre ce débarquement au nord de Ga ba T épé, traverseront • Le ravitaillement du corps le commandement anglais doit ils abattent de loin, tout imprudent de troupes auquel consentent lord la presquîle de Gallipoli en direction expéditionnaire est bientôt compliqué reconnaître qu'il n'y a plus d'espoir dont la tête émerge des tranchées Kitchener- à regret -et Churchill - de Maltépé sur la côte est.

par l'apparition des sous-marins d'enfoncer le dispositif de défense ou qui néglige d'emprunter le boyau pour le moins amer.

allemands.

Dans la nuit du 12 mai, turc, à moins d'engager des forces de circulation .

• Parmi les troupes d'élite destinées trois torpilles envoient par le fond considérables que Kitchener n'est • S'installant la nuit avec une à prendre pied dans la zone des le cuirassé Goliath au mouillage ; pas en situation de donner.

provision de 200 à 300 cartouches, Détroits , Kitchener est obligé de le 25 mai, le Triumph , pourtant une jarre d'eau tiède et quelques concéder la fameuse 29' division protégé par ses filets pare-torpilles , lE REMBARQUEMENT galettes de blé cuites dans l'huile d'Égypte , à laquelle il tient comme est frappé à mort et flotte bientôt • À la fin de l'été, les Alliés rance , ces tireurs d'élite peuvent rester à la prunelle de ses yeux, mais aussi la quille en l'air pendant 20 minutes comprennent que la campagne des à l'affût des jours entiers sans relève, la Royal Naval Division , composée de avant de chavirer.

Deux jours après, Dardane lles, dans laquelle ils avaient sous un soleil de plomb, comme marins aguerris et, surtout, les Anzac c'est au tour du Majestic de couler, mis tant d'espoir, est irrémédiablement durant les nuits glacées, jusqu'au (Australia New le/and Army Corps) , victime du tir du U-21.

perdue .

l'échec dans la presquîle de moment où, tardivement repérés le fleuron des forces de l'Empire .

• Ces deux opérations seront combinées • La panique s'empare du Gallipoli est lourd de conséquences , par une mitrailleuse, ils achèvent Le général australien William Birdwood avec une diversion assurée par commandement allié qui décide notamm ent quant à l'équilibre leur destin de soldats.

est chargé de les commander.

les Français à Koum-Kalé, sur la côte de retirer tous les vaisseaux de ligne des forc es dans les Balkans.

Ainsi , •les soldats alliés n'échappent • Quant à la France, elle engage un d'Asie.

Une fois les défenses turques des Détroits et du cap Helles et de à Athèn es, Venizélos est congédié ainsi à aucun moment aux tirs corps de troupes de 20 000 hommes, réduites jusqu 'au goulet de Chanak , les rapatrier dans la rade de Moud ros.

par le roi Constantin ; de son côté , de leurs adversaires.

dont un régiment nouvellement formé la flotte n'aura plus qu'à cingler Dès lors, il est clair que la marine la Bulga rie se range aux côtés des (le 175 '), le 1" régiment de marche en direction de Constantinople .

a perdu la partie .

Empires centraux et se lance dans d 'Afrique , une brigade d'infanterie • De leurs côtés, les Turcs ont déployé • Seule l'armée reste en ligne, mais la guerr e contre la Serbie qu'elle • À peu près au même moment , coloniale, composée de Sénégalais, la v· armée.

Celle -ci dispose sur la rive ses chances d'emporter la décision occupe sans difficulté .

À la fin de le Gaulois est touché par des projectiles un régiment de chasseurs d 'Afrique , européenne de cinq divisions (13' corps s'amenuisent de jour en jour .

Le l'année 1915, une liaison directe qui pénètrent sous sa ligne de trois groupes de 75 et deux batteries d'Essad Pacha ), de deux divisions sur 4 juin, les Anglais lancent une nouvelle et rapid e est établie entre Berlin , flottaison ; il parvient toutefois de montagne.

Le général Albert la rive asiatique (15' corps du colonel offensive sur Kritio, épaulés Constan tinople et le Proche-Orient , à sortir de la zone des combats d'Amade en prend le commandement.

Weber) ; de plus , se tiennent en réserve par les Français sur leur flanc droit.

par Vien ne et Sofia ; la Russie est et s'échoue sur un îlot sableux.

générale deux divisions stationnées À peine saisie, la position est perdue .

définitiv ement coupée de ses alliés , à Gallipoli et à Manas.

vouée à une inéluctable asphyxie.

• le 25 septembre, une division française r ATTAQUE DES PLA, ES quitte Sedd ui-Bahr en direction de • Lancée le 25 avril au lever du jour, Salonique où va se constituer une l'opération combinée débute sous des nouvelle armée d'Orient.

auspices favorables .

Ainsi , les Français • Finalement, le 8 décembre, après une parviennent à mener à bien la mission enquête menée sur place par Kitchener qui leur a été confiée dans la zone en novembre, le cabinet de Londres , de Koum-Kalé.

Mais partout ailleurs, en accord avec • Mais, en cette fin du mois de mars , le commandant allié ne peut guère Paris , se résout • De leurs côtés , les Anglais sont il apparaît que les unités en provenance revendiquer que des demi-succès .

• le 30 juin, les Français de la 2 ' division à l'évocuotion en proie aux mêmes difficultés.

de Lemnos ne peuvent pas être En effet, ni les Britanniques ni les repartent à l'assa ut et le 7' régiment totole d'un l' Inflexible, un des vainqueurs engagées car les armes et le matériel troupes de Birdwood ne réussissent colonial parvient à s'emparer des front alors des Falkland (8 décembre 1914) ont été répartis de façon incohérente à déboucher de façon significative tranchées de Kereves .

Ce même jour , totalement -bataille navale qui opposa les sur les biitiments de tronsport.

sur la péninsule de Gallipoli et doivent le général Gouraud est grièvement pétrifié.

'E Britanniques de l'amiral Sturdee à Il s'avère nécessaire d'ordonner se contenter, au prix de lourdes pertes , blessé à Sedd ui-Bahr .

le général Les actions ~ l'escadre allemande de l'amiral von aux bâtiments de rejoindre le port de progresser de quelques centaines Bailloud prend le commandement.

de rembar- -e ..

Spee -, heurte une mine.

l'Irresistible , d 'Alexandrie où il est procédé de mètres .

la liaison en direction • Le mois de juillet voit une relative quement , t touché par un tir en provenance des à un rechargement plus rationnel de Maltépé se révèle donc impossible.

baisse d'intensité des combats, qui s'achèvent le 10 janvier 1916 , " ~ forts turcs, est mis hors de combat.

des équip ements .

Trois semaine s Aussi , vers 18 heure s, on commence à que Hamilton entend mettr e à profit restent sans doute les seules opérations !J !:Ocean , qui tente de le remorquer , sont ainsi perdue s pour les Allié s, creuser des tranchées et, à l'instar du pour arrêter le plan d'une nouvelle que les Alliés auront réussi à mener est à son tour touché par une mine mais certes pas pour les forces front de France , les lignes slmmobilisent -et vaste -opération .

à bien au cours de cette campagne et doit évacuer son équipage.

germano-turques.

• Toutefois , à Constantinople , l'annonce décevan te et cruelle.

~~ ·À 17 heures, l'amiral Robeck se • En effet , le général allemand du débarquement allié provoque un résout à donner le signal de la retraite Liman von Sanders, qui assure le véritable exode de la population et • iii générale .

la flotte alliée se retire commandement de la défense des des services publics.

Dan s la panique LE DtBARQUEMENT DE SOUVLA LE BILAN DE LLOYD GEORGE l~ alors qu'une dizaine de bâtiments Dardanelles, par ailleurs excellemment générale , seul l'état-major allemand li sont encore disponibles.

renseigné grâce à ses agents infiltrés semble conserver la tête froide .

• En face , le feu des Turcs en Égypte , a tout loisir de prendre • Chez les Alliés , en revanche, on ~8 commence à faiblir faute de ses dispositions pour faire face au vit des heures de crise.

Excédé par 1915 aux .

~ munitions .

Sans doute , au prix de débarquement projeté par le corps l'entêtement de Churchill , lord Fisher Communes, li quelques pertes supplémentaires, expéditionnaire franco-anglais .

présente sa démis sion.

Quant à le bilan de la flotte alliée aurait-elle pu s'engager • C'est donc à la péninsule de Gallipoli Churchill , il est contraint d'abandonner cette année ~'? dans le Bosphore.

Mais la perte transformée en une forteresse ses fonctions de Premier lord contre tragique, w~ de ses cuirassés a profondément inexpugnable que les Allié s projettent le titre , purement honorifique , de le l'rNiiel' .n!i! :s- ébranlé le moral de Robeck .

de s'attaquer.

le recomplètement chancelier du duché de Lancashire.

'*lstre ~~ • Jusque-là optimiste, il tremble des divisions en matériels étant réalisé , Enfin, le général d 'Amade, qui estime • Après avoir écarté le plan préconisé anglais pouvait ~~ désormais pour ses bateaux.

il convient maintenant de s'accorder que ses avis ne sont pas pris en par le général d'Amade- un tirer en g~ Au demeurant, au soir du 18 mars , sur le plan d 'invasion.

compte, demande à être relevé.

débarquement par la côte d'Asie- , ces termes la leçon de l'expédition Cc: la consternation règne chez les Alliés .

Il est remplacé par le général Gouraud .

Hamilton décide de prendre pied des Dardanelles : ..,., @-G> Sur dix-huit bâtiments de ligne , trois TROIS PLANS D'ATTAQUE • En dépit d'une situation bloquée , le en force dans la boie de Souv/o, • «Trop tard quand on part pour là-bas, > ·ê sont coulés, trois autres gravement • Des divergences apparaissent commandement britannique n'entend à la pointe nord-ouest de la péninsule :EC.

trop tard quand on y arrive, trop tard :E.É endommagés.

immédiatement.

Le général Birdwood pas renoncer à poursuivre l 'offensive.

qui, en cet endroit n 'est pas défendue .

quand on prend une décision, trop tard • Mise à l'abri, la flotte ne devait préconise un débarquement sur Pendant trois mois, la conquête de l'adversaire étant pour l'heure fixé quand on se lance dans une entreprise, plus être engagée dans ces opérations le littoral du golfe de Saros, en Kritia et d'Achi Baba va donner lieu à devant le cap Helles , cette manœuvre trop tard quand on la prépare.

Dans sur lesquelles Churchill fonde tant direction de Boulair et de Gallipoli .

une série d'attaques et de contre-attaques doit ouvrir la route de Manas .

cette guerre, les Alliés ont été suivis d'espérance.

Tous les espoirs reposent De son côté , le général d'Amade aussi sanglantes qu'infructueuses.

• Quelque 65 000 soldats britanniques par le spectre moqueur du "trop tard" désormais sur les opérations terrestres recommande une approche indirecte • Pendant trois jours, du 5 au 8 mai, sont engagés dans l'action qui se et à moins que nous n'accélérions que le Premier lord de l'Amirauté contre Constantinople , en agissant Kritia est le théâtre d'affrontements déroule du 6 au 23 août sous les ordres notre marche , la damnation tombera a toujours exclues, les jugeant sur la côte d'Asie , vraisemblablement d'une violence extraordinaire.

Attaques du général Byng .

Après quelques sur la cause sacrée pour laquelle «superflues ».

moins forte .

et contre-attaques alternent sans succès initiaux, l'offensive est peu à peu tant de sang a coulé.

». »

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