Lettre sur les lits de justice - Adrien Le Paige
Publié le 24/10/2022
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«
TD - Lettres sur les lits de justice
Intro
De 1749 à 1755, la paix est revenue en France ; la dernière guerre, celle de la succession
d’Autriche a mis en lumière la crise financière du royaume qui fragilise le pouvoir.
Pour
rétablir une situation plus stable, le roi et ses ministres tentent des réformes mais ils ont
besoin de l’appui du clergé mais également du Parlement.
Ces deux puissances sont en
opposition avec la monarchie menant une vraie guerre d’usure pour défendre leurs intérêts
et leurs acquis.
Le pouvoir royal est affaibli intérieurement.
Tout d'abord avec un contexte de
lutte contre le Jansénisme, la bulle Unigenitus du Pape Clément XI de 1713 condamnant le
jansénisme, mais également à mal le gallicanisme.
C’est alors que les parlements d’Ancien
Régime grand défenseurs du Gallicanisme se rangent du côté des jansénistes et refusent
d’enregistrer la bulle pontificale.
Il faut alors un Lit de Justice en 1730 pour faire accepter
cette loi.
Le XVIIIe siècle est marqué par cette lutte.
C’est dans ce contexte que l’on peut
dire que le jansénisme se confond avec le mouvement contre l’absolutisme.
Dans cette lutte,
le Parlement de Paris, composé d'influents magistrats jansénistes, devient une tribune
contre le pouvoir royal et celui du pape.
Parmi ses membres, Louis Adrien le Paige, un avocat janséniste au Parlement de Paris
sous le règne de Louis XV.
Il est l’une des figures emblématiques bien que restées dans
l’ombre de l’opposition parlementaire à la monarchie et de la lutte contre les Jésuites.
C’est
également un conseiller de Louis François de Bourbon, le prince de Conti.
Un cousin de
Louis XV et un opposant à l’absolutisme mais protégé par Marie Anne de Mailly-Nesle, la
favorite du roi.
La place de Louis Adrien le Paige auprès du Prince de Conti lui promet une
protection qui lui permet de multiplier les pamphlets.
C’est dans ce contexte qu’il publie
Lettres sur les lits de justice en 1756, un écrit qui dénonce le Lit de Justice, qui le montre
comme un instrument de l'autoritarisme du roi.
Cette lettre rejoindra par la suite l'œuvre de
Le Paige Réflexion d’un citoyen sur les lits de justice.
Ce document aborde le lit de justice, Le Paige considère comme Lits de Justice toutes les
grandes assemblées associant le roi et le Parlement depuis le Haut Moyen Âge.
Mais à
l'origine, le lit de justice était le lieu de la chambre royale où le roi recevait pour des séances
solennelles.
Puis, le lit de Justice désignait à la fois le trône du roi au Parlement et la séance
du roi au Parlement en elle-même.
En clair, il désigne une séance du Parlement en
présence du Roi qui a pour but d’imposer l’autorité du Roi au Parlement en cas de
remontrance sur les décisions du Monarque.
Le résultat d’un lit de Justice est
l'enregistrement d’une loi voulue par le roi sans l’accord du Parlement.
Cependant, à partir du XVIe siècle, les lits de justice ont la plupart du temps provoqué le
conflit entre l'autorité du roi et la puissance politique croissante du parlement, se prétendant
les représentants des intérêts de la nation face au roi.
Ce document comporte en tout 15 parties, le corpus ici présent comporte les parties 1 à 4,
elles exposent l'opinion de l'auteur mais plus généralement des parlementaires sur le
pouvoir que le roi détient sur le Parlement.
Au vu des tensions de l’époque on peut se
demander comment l'auteur utilise l'histoire du Lit de Justice pour justifier les prétentions
politiques des Parlements dans l'opposition aux réformes du roi? Nous verrons les origines
prétendument ancienne et prestigieuse de cette séance puis les buts d’origine dénaturé d’un
lit de justice enfin nous verrons une critique du despotisme de Louis XV
I-A
Louis Adrien Le Paige commence ses lettres sur les lits de justice en mettant en lumière
l’origine du lit de Justice.
"Dans son origine et selon sa vraie nature…” (Ligne 4), L’auteur se pose d’emblée comme
détenteur de la vérité et surtout de la bonne fonction d’un lit de justice.
Il continue aux lignes 5 à 8, “Un lit de Justice est une séance solennelle du roi et du
Parlement, pour y délibérer sur les affaires importantes de son Etat”, en effet le lit de Justice
désigne une séance du roi et de son Parlement.
Cette séance se tient quand le Parlement
émet des remontrances à l'égard des décisions du roi et que le Monarque veut passer outre.
L'objectif d'un lit de justice est de faire plier le Parlement en l'obligeant à enregistrer une loi
qui avait déjà été refusée par le Parlement.
“C’est la continuation de ces anciennes assemblées générales qui se tenaient autrefois et
que l’on connaissait sous le nom de Champs de Mars, ou de mai.
On les a nommées dans
la suite, Placités généraux, cours plénières, plein Parlement, Grand Concile et enfin Lit de
Justice” (Lignes 9 à 17) L’auteur évoque une certaine continuité de la pratique d’un lit de
justice depuis l’époque carolingienne, cependant aucune de ces assemblées n’a un rôle
similaire au lit de justice de plus rien ne prouve leur filiation.
L’auteur pose le problème, dans
son premier chapitre, de l’évolution du lit de justice en comparaison à son origine médiévale.
Il cite “Sigebert et Aimoin” (ligne 20) des auteurs d’époque médiévale, mais surtout lorsqu’il
évoque le Lit de Justice de Charles V, “Charles V renouvela cet ornement” (Lignes 35-36)
Cependant, l'existence des lits de Justice en tant que séance apparaît au 16e, avec les
premiers Lits de Justice de François Ier de 1527.
L’auteur s'appuie sur la légende de
l'existence de cette séance depuis l’époque médiévale.
Les historiens contemporains ont
rectifié cette origine qui s’était répandue aux 17 et 18e siècle.
A l’époque médiévale, ce
terme faisait référence au mobilier cependant à cette époque, elle ne désigne aucunement
la séance en elle-même.
On remarque d’ailleurs la description de ce mobilier des lignes 24 à
38 en l’associant à la séance qu’il désigne comme lit de Justice.
La séance dans laquelle on
introduit le terme Lit de justice dans les registres est une Séance royale dans laquelle le
Parlement avait l’honneur de recevoir le roi sur ce trône nommé Lit.
Ces séances
symbolisaient la justice française dans son ensemble.
Cependant au 16e siècle, d’après
l’historienne Sarah Hanley, une distinction s’est opérée lorsque les séances judiciaires sont
devenues des « séances royales », alors que les véritables lits de justice se rapportaient
quant à eux à l’enregistrement de textes de loi.
L’utilisation de ce terme dans de nombreux documents d'huissiers et greffiers a amené la
confusion.
Louis Adrien Le Paige utilise donc cette origine pour justifier l’importance et la
puissance du Parlement à travers l’Histoire.
Cette origine médiévale inscrit donc le
Parlement comme digne successeur de la politique des rois élus par une assemblée.
Le
Parlement est donc une institution essentielle pour le bon fonctionnement d’un État dont le
chef est un roi élu par Dieu selon cette légende.
I-B
Après avoir légitimé sa vision du Lit de Justice avec des origines médiévales qui, on le sait
aujourd’hui, sont inexactes, l’auteur poursuit son premier chapitre par l’objectif d’un lit de
justice.
“la destination essentielle et primitive de ces Augustes assemblées était de consulter
le Parlement et de délibérer avec lui sur les affaires majeures” ligne 39-43
Encore une fois, la fonction d’un lit de justice est tout autre, la description qu’en fait l’auteur
place le roi et le Parlement à égalité, en étant consulté par le roi, le Parlement pendant un lit
de justice se place comme une assemblée puissante pouvant limiter ou non le pouvoir du
roi.
En réalité, la fonction de lit de justice est d’imposer aux magistrats la volonté du roi, ils
ont à ce moment-là seulement un rôle de conseiller.
En se déplaçant au Parlement, le roi
reprend la justice en mains et fait plier le Parlement.
Comme le signifie l'adage "Adveniente
principe, cessat magistratus" ( Quand le Prince vient, le magistrat s'interrompt)
Alors la délibération que Louis Adrien Le Paige évoque dans ses lignes 46 à 49, n’a qu’un
but consultatif et n’a pas de poids face à la décision du roi.
En effet, les Parlementaires
peuvent conseiller le roi, mais pendant un lit de Justice, les magistrats n’ont plus de pouvoir
face au roi.
Cet argument, selon lequel la Délibération avec les parlementaires est un
pouvoir pour ces derniers, est une idée récurrente de la rhétorique des parlementaires.
Elle
souligne une véritable croyance, que les magistrats devaient être autorisés à donner leur
conseil et que quand leur avis se heurtait à la volonté du roi, leur attitude devait être
entendue comme une expression de la fidélité à leur devoir et non point un défi à l’autorité
royale.
En sachant, les origines que l'auteur porte sur la séance d'un lit de Justice, il est possible de
voir une confusion entre le Lit de Justice et Séance Royale.
Plus loin, l'auteur évoque les Lits de Justice sous Henri III donc des années après le premier
lit de Justice de François I.
"Henri III le faisoit presque toujours de lui même" (lignes49-50)
cependant l'historiographie nous montre qu'Henri III n'a jamais réuni un lit de justice, on sait
qu'il a tenu 3 séances royales et surtout les séances qu'on dénommait Lit de Justice était
surement des Séances royales qu'il a utilisé pour faire enregistrer une loi avec la
délibération du Parlement.
La confusion entre Séance Royale et Lit de Justice amène donc
à des confusions concernant le cérémoniel et donc le but d'un véritable lit de Justice.
Cette
confusion amène l'auteur à faire une critique entre les Séances royales antérieures et les
véritables Lits de Justice de son époque
II-A
Avec cette confusion entre Séance royale et Lit de Justice, Louis Adrien Le Paige fait un
comparatif du cérémoniel des Lits de Justice sous Louis XV et des séances qui se
nommaient Lit De Justice par erreur.
En commençant tout d'abord par la place du roi "Le roi
n'entend rien de ce qui s'y dit et il n'est que simple spectateur d'une scène vraiment muette
par rapport à lui" (ligne 65-68).
En effet, le cérémoniel du Lit de Justice impose la levée des
opinions à voix basse, c'est-à-dire sans s'adresser au roi.
Le fait que le roi n'entende rien fait
partie de la procédure d'un lit de Justice.
Contrairement à ce que dit l'auteur un peu plus
loin, "C'est ainsi que tout lui est caché et devient mystère pour lui" (ligne 76-78) on ne cache
pas a proprement parlé au roi, on interdit surtout le droit de lui parler seul son Chancelier lui
fait le compte-rendu de ce qui s'est dit comme on le voit lignes 83-84 "le Souverain n'en
apprend que ce que son chancelier veut bien lui dire".
Même si c'est le propre d'un lit de
justice de procéder ainsi, l'auteur pose ici la vision d'un roi non pas spectateur comme il le
décrit, mais plutôt comme un roi aveugle.
Cette idée se poursuit dans le document quand il
parle de l'ignorance du roi lignes 111 - 114 "Il ignore aussi pleinement en quittant
l'Assemblée, qu'il ignorait avant d'y prendre séance".
Cette idée accroît la vision d'un roi
irresponsable tant parce qu'il a l'ignorance des maux de son royaume que par ignorance des
opinions du parlement sur le problème.
Mais surtout cela exalte la position du Parlement qui
se positionne comme détenteur de l'application des bonnes lois et donc comme garant de la
Nation.
En réalité, le roi n'est pas simple spectateur dans un Lit de Justice, il est en effet à l'écart de
l'Assemblée, tant dans la prise de parole, puisqu'il ne parle à l'Assemblée que pour
prononcer l'enregistrement de la loi, que dans la salle en elle-même.
Le roi est placé en hauteur vis-à-vis des parlementaires en effet son "lit" se trouve dans un
angle de la salle et surélevé sur une estrade en signe de puissance et d'autorité sur les
autres, le roi est entouré de puissants à son service.
Le roi se met surtout dans une position
de roi surpassant toute autorité et c'est l'un des objectifs d'un lit de justice.
Il se place surtout
à l'écart des parlementaires afin de montrer sa suprématie sur le rapport de force entre
l'autorité royale et les parlementaires.
Cependant, cette idée de suprématie apporte une
vision de Monarque irréfléchis, mais surtout despote et place les parlementaires en victime
de ce despotisme comme l'auteur le montre dans les lignes 128-130 "Au lieu qu'aujourd'hui
tout dans un Lit de Justice se termine à un acte de puissance absolue".
Cette vision de roi
absolu apporte cependant au Parlement un argument selon lequel il est indispensable au
bon fonctionnement du royaume.
En effet le roi part du Parlement "sans être plus éclairé
qu'il ne l'étoit, ni plus instruit du bien à faire, ou des maux à prévenir..." (ligne 98-100), ce
que cet extrait nous montre c'est que le Parlement a volonté d'aider le roi a amélioré l'état du
royaume, plaçant cette assemblée comme indispensable pour l'exercice du pouvoir.
Cet
argument parlementaire vise à montrer le pouvoir du Parlement et l'importance de celui-ci
pour le bien de la nation, en discréditant le roi.
II -B
Avec une confusion sur les origines du Lit de Justice, Louis Adrien Le Paige peut effectuer
une critique de ce qu’est un Lit de justice au 18e siècle.
On comprend donc dans son
analyse que le lit de justice semble avoir été dénaturé de son objectif premier pour devenir
"un acte de puissance absolue" (ligne 130).
Pour mettre en avant son propos, il rédige une
comparaison entre la fonction qui lui semble être la vraie fonction d'un lit de justice et ce qu'il
se passe à son époque.
"Il en résultoit autrefois de la lumières et des connaissances pour le
Souverain lui-même ; des biens infinis pour les peuples ; des avantages inestimables pour
l'Etat ; les maux publics etoient connus du Souverain ; les surprises etoient dévoilées la
vérité parloit et se faisoit connaître" (lignes 120-128), en comparaison à son époque dans
laquelle "Le souverain a telle volonté, l'a manifesté dans un tel lieu.
Quelques difficultés
s'élèvent sur l'enregistrement, il assemble à l'instant tous les grands du royaume dans son
parlement et sans rien entendre des avis, ni des raisons ; quoique dans la forme, on prend à
voix basse les suffrages, il prononce de nouveau ce qu'il vouloit" (lignes 130-140).
Avec
cette première comparaison, il donne à voir la majesté des rois d'antan qui ont donc
raisonnablement donné du pouvoir au Parlement par la délibération, mais donne surtout à
voir l'ignorance et la déraison de Louis XV qui semble ici n'être qu'un roi écrasant son
Parlement pour imposer son bon vouloir.
Cet argument est donc contestable, car en effet
cela était l'objectif du Lit de Justice.
Il....
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