Lettre de Madame du Deffand à Voltaire (1760)
Publié le 21/04/2015
Extrait du document


«
Montesquieu, son fidèle ami Formont, le comte Pont-de-Veyle, le chevalier d'Aydie et Voltaire .
Les
années 1750 coïncident avec l'apogée de son salon.
Sa nièce, Julie de Lespinasse, arrive alors à
Paris pour l'assister dans la tenue de son célèbre salon « tapissé de moire bouton d'or ».
Voltaire est depuis octobre 1758 parti s'installer à Ferney, dans le Pays de Gex à la frontière
franco-suisse, afin de protéger son indépendance vis-à-vis des Encyclopédistes frappés par une
violente campagne parisienne de dénigrement.
Marie du Deffand est alors au fait de sa gloire mais
ses prises de position et les évènements vont l'éloigner de ce monde qu'elle ne tarde pas à dénigrer
dans ses lettres.
C'est dans ce contexte que Madame du Deffand envoit cette lettre à Voltaire, le 24
mars 1760, de Paris vers Ferney.
Elle fait part des dernières actualités de la vie intellectuelle
parisienne, qu'elle critique ouvertement, et réaffirme son amitié envers le philosophe qu'elle
considère comme le dernier représentant du bon goût.
On y décèle un sincère désarroi qui,
paradoxalement, se dévoile sous un ton autoritaire et direct.
Amie d'un des plus grands philosophes
de son siècle et respectée dans la petite société parisienne pour son goût et son esprit, quel est le
sens de ce retournement qui lui fait dire dans la lettre de notre extrait qu'elle est « l'âme la plus
délaissée du purgatoire de ce monde-ci » (l.
35).
En tout, Madame du Deffand enverra 103 lettres à
Voltaire entre 1759 et 1775 (la dernière étant daté du 2 décembre 1775) toutes publiées dans
l'ouvrage Madame du Deffand, Lettres à Voltaire parue en 1994 aux éditions Payot & Rivage.
* * *
La première édition qui rapporte d'une manière relativement complète la correspondance de
Madame du Deffand (358 lettres à Horace Walpote et la correspondance de la marquise et de
Voltaire entre 1759 et 1775) survint assez tôt dans l'histoire.
Inès Murat nous rapporte dans son
introduction de Madame du Deffand, la lettre et l'esprit, que cet ouvrage fut emporté, l'année de sa
publication en 1811, par Napoléon pour s'occuper pendant le long voyage de la campagne de
Russie.
En ce qui concerne la biographie de Madame du Deffand, l'édition de 1865, dont est tiré
notre extrait, et la préface érudite de Mathurin de Lescure représente encore aujourd'hui une source
de première main.
En revanche l'historiographie moderne témoigne d'un regain d'intérêt pour ce phénomène
des salons parisiens du XVIIIe siècle sous l'impulsion de l'imposant ouvrage d'Antoine Lilti, Le
monde des salons, sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle.
Ce livre, issu d'une thèse
soutenue en 2003 et publié chez Fayard en 2005 , fait incontestablement autorité en la matière dans
le sens où il considère et redéfinis ces « sociétés » non plus uniquement comme une mode
mondaine à visée purement intellectuelle mais plutôt comme une pratique nouvelle de socialisation
des élites qui témoigne ainsi d'un bouleversement des valeurs de la classe dominante au profit d'une
élite plus variée et plus dispersée.
Aussi, il fait mention au chapitre 7 des pratiques épistolières des
gens de ces sociétés qu'il incorpore dans son raisonnement sur les modes de sociabilisation de cette
élite culturelle du XVIIIe siècle.
De même la vie et l'oeuvre de la marquise ont fait l'objet d'études
nouvelles dont le plus récent ouvrage d'Inès Murat, Madame du Deffand, la lettre et l'esprit, fut
publiée en 2003 aux éditions Perrin.
Par ailleurs, on remarque que la lettre de notre document est
très peu commentée dans l'historiographie car elle précède de quelques mois les évènements dont
elle prépare le terrain.
Il est nécessaire d'opérer à une petite série de mise au point et de définition pour mieux
cerner le contexte et l'objet de cette lettre et plus globalement de cette correspondance.
Antoine Lilti
nous apprend, dès le début de son livre, que le terme de salon est une invention lexicale du XIXe
siècle et que les contemporains du XVIIIe siècle avaient coutume de parler de société ou de cercle
dont les participants faisaient parties du monde des mondanités.
Tous ces termes désignaient un
espace de vie et de sociabilisation contenu dans un cadre personnel et privé tout en renvoyant à une
vision plus large et plus universelle que le simple terme de salon .
Il est évident que dans le cadre du
XVIIIe siècle et de notre exposé tous ces termes désignent la même chose et que, par commodité de
langage, nous emploierons sur un pied d'égalité les termes de société , de cercle et de salon .
Il est.
»
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