Les « Rymes de gentile et vertueuse dame Pernette du Guillet »
Publié le 19/08/2013
Extrait du document
UN AMOUR EN POÉSIE
« Celui qui fit pour moi ce four au monde «... Toute l'oeuvre
de Pernette du Guillet témoigne de sa passion pour celui
qu'elle appelle son « four «, Maurice Scève, dont elle se plaît
à anagrammatiser le nom (« vice à se muer «). De son côté,
le grand poète est profondément et durablement touché par
cet amour d'automne (lors de leur rencontre, il approche de
la quarantaine). Cette expérience sentimentale, sensuelle et
spirituelle lui inspire l'oeuvre à laquelle il doit sa gloire,
Délie, objet de plus haute vertu : « Nature a rassemblé
en elle tous ses dons. / A la fois femme et divinité... «
«
comme pour leur copie », et
les réunit au sein du recueil
des Rymes de gentile et vertueuse
dame Pernette du Guillet , qui
paraît en 1545 chez Jean de
Tournes à Lyon .
Trois fois réé
ditée jusqu 'en 1554, cette
œuvre sera bientôt oubliée et
ne sera redécouverte qu'au
Xtx • siècle .
Épigrammes et
chansons
Peu abondante, la production
poétique de Pernette du
Guillet consiste en à peine
une centaine de pièces, dont
une suite de soixante épigram
mes (pour la plupart des hui
tains et des dizains) parmi les
quelles s'interposent dix chan
sons, cinq élégies et deux
épîtres .
Mais sa qualité, même
immature, en fait une œuvre
véritable .
On y retrouve bien
sûr la manière de Maurice
Scève : souvent les vers de la
jeune femme semblent une
réponse à ceux de son maître
et amant , et sont comme leur
écho atténué.
Un peu prison
nière de l'hermétisme et de
tente d'imiter, la poétesse sait
pourtant se laisser aller à une
inspiration naturelle et spon
tanée , dont témoignent ses
fraîches chansons, aux
rythmes
variés, où elle donne libre
cours à ses talents de musi
cienne et dont plusieurs se
ront ultérieurement mises en
musique .
Charmantes sont
également la romance élé
giaque Conde Claros de Adonis et
des élégies teintées d'une tris
tesse voilée .
Pernette du Guillet sait rendre
infiniment vivantes les anec
dotes ordinaires de son aven
ture amoureuse , telles la ren
contre, la jalousie, la promesse
d'une visite ou l'a bsence .
Sa
liaison platonique et intellec
tuelle se révèle souvent dou
loureuse, le mariage de la
jeune femme plaçant les
amants dans la situation type
de l'amour courtois, c'est-à
dire confrontés à l'impossibi
lité d'une transgression adul
tère, à laquelle ils se refusent.
Face à l'inaccessible,
Pernette
se livre volontiers à des plain
tes d'une mélancolie émou
vante.
Mais elle sait aussi se
l'abstraction scéviennes,
qu'elle montrer inattendue, malicieu-
UN AMOUR EN POÉSIE
« Celui qui fit pour moi ce Jour au monde » ...
Toute l'œuvre
de Pernette du Guillet témoigne de sa passion pour celui qu'elle appelle son « Jour », Maurice Scève, dont elle se plaît à anagrammatiser le nom («vice à se muer»).
De son côté,
le grand poète est profondément et durablement touché par
cet amour d'automne (lors de leur rencontre, il approche de
la quarantaine).
Cette expérience sentimentale, sensuelle et
spirituelle lui inspire l'œuvre à laquelle il doit sa gloire,
Délie, objet de plus haute vertu : « Nature a rassemblé
en elle tous ses dons.
1 A la fois femme et divinité ...
»
Alors qu'il se montre très secret, Pernette, tout au long de ses
poésies, fait mention de l'identité véritable de celui qu'elle
aime, et c'est elle qui révèle leur idylle.
Cette passion, qu'ils
sont contraints (ou s'imposent) de vivre en poésie, Scève la
définit comme un sentiment complexe, qui va de l'aspiration
au platonisme à l'ardeur des sens, puis à l'apaisement
péniblement acquis.
L'aspiration à un amour noble et pur,
ainsi que le cheminement vers l'absolu s'expriment avec
la même intensité dans les vers de la poétesse et dans ceux
de son amant, en particulier dans Délie, qui paraît en 1544, un an avant la mort de Pernette, fauchée en pleine jeunesse.
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Mais ttlltment titnt mts tfprits r1111i~.
Extrait de Délie , objet de plus
fwute vertu .
œuvre
de Maurice Scève inspirée par Pernette du Guillet , dans une édition de
1544 (Paris , Bibliothèque
nationalel .
se, capable de détourner les
thèmes et vocables conven
tionnels avec humour et iro
nie .
Ingénue, libertine parfois ,
elle fait preuve à l'occasion
d'une savoureuse ambiguïté
et se permet d'exprimer sans
emphase « le grand désir du
plaisir admirable ».
Au mo
ment où Louise Labé affirme
le droit des femmes à l'étude
des lettres et à l'écriture , les
œuvres de ces deux poé
tesses disent le désir au fémi
nin et manifestent une certai
ne forme de libération .
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