les printemps arabes
Publié le 13/12/2023
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«
Les printemps arabes
« Étranger proche », « orient compliqué », « zone de guerre ».
Le monde arabe occupe une
part importante de notre actualité.
Les affrontements entre experts de plateau, les batailles sur
les réseaux sociaux ou simplement les débats souvent infertiles mais fréquent que l’on peut
entendre à une terrasse de café parisien sont les symboles des questions arabes du 21ème siècle.
Que penser du flot de violence et de mauvaises nouvelles qui viennent de « là-bas » ? Pour
parler d’Islam, il faut d’abord sortir des schémas réducteurs et des stéréotypes véhiculés par
ses détracteurs.
Aujourd’hui, ce monde aux caractéristiques bien diverses se trouve au milieu
d’un processus de sécularisation globale, sans sortir du religieux pour autant.
Cette
sécularisation n’est pas uniforme, elle est presque aussi vaste que le nombre de pays inclus
dans la ligue arabe.
Autant de pays (22 appartenant à la ligue arabe) que de modèle sociétal et
politique n’évoluant donc pas au même rythme, qui partagent tout de même certains aspects
similaires, permettant ainsi de justifier la pertinence d’une analyse, et bien avant même d’une
appellation commune : « le(s) printemps arabe(s) ».
Le premier choc s’établit lors des révoltes
populaires visant à se libérer du joug des dictateurs.
Le 14 janvier 2011, la fuite du président
tunisien Ben Ali au pouvoir depuis 1987 marque un premier point d’encrage qui motivera
ensuite de nombreux peuples à faire entendre leurs ambitions modernes.
Le second choc est
représenté quant à lui par le choix des islamistes aux élections libres.
Ceux qui apparaissaient
avant comme des forces archaïques sont perçu, à l’intérieur comme une alternative crédible
aux gouvernements autoritaires, et à l’extérieur comme un moindre mal à l’égard de
l’anarchie potentiel et de la radicalité des forces anciennement en présence.
L’enthousiasme
démocratique ressenti par les pays « développés » a ensuite laissé la place à un scepticisme lié
à la peur de l’islamisme, puis à l’effroi face aux massacres syriens et au chaos lybien.
En
2014, l’Irak imprégné de terrorisme par l’expansion du groupe radicale islamique DAESH
devient le symbole de l’amplification des émotions au sein des débats publics.
En effet, de
nombreux pays européens, particulièrement la France et son triste 13 novembre 2015, sont
frappés par des vagues d’attentats que l’on peut affirmer en liens avec les révolutions arabes
puisqu’elles avaient largement contribué à renverser les régimes autoritaires et donc favorisés
l’apparition de nouveaux acteurs islamiques radicaux qui avaient profité de cette brèche pour
s’implanter territorialement.
Ce puissant mouvement revendicatif qui a balayé une grande
partie des sociétés arabes à partir de décembre 2010 est sans précédent depuis l’ère des
indépendances, dans les décennies 1940-1960.
Certes, des révoltes avaient eu lieu
précédemment, les dernières en date ayant correspondu aux émeutes dites « du pain » dans les
années 1980.
La plus meurtrière, et sans doute celle qui aura laissé le plus de traces, avait été
celle d’Alger en novembre 1988 ; plus de 500 civils avaient été abattus par les forces armées
du pouvoir.
Mais ces révoltes, aussi sanglantes et parfois déterminantes qu’elles aient été
n’incarnèrent pas pour autant un phénomène de grande ampleur.
Espacées dans le temps et
cristallisées sur des sujets précis sans fédérer l’ensemble du monde arabe, elles n’avaient pas
encore les fondements pour faire basculer la région.
Ainsi, notre article aura pour vocation de
naviguer à travers la deuxième moitié du XXème siècle jusqu’à nos jours pour arriver à
comprendre le rythme des saisons politiques arabes modernes.
On se demandera précisément
quelles ont été les facteurs déclencheurs des ces révolutions, quelles saisons avant les
printemps ? Mais également quelles ont été les répercutions, quelles saisons après les
printemps, après avoir analysé les différentes ruptures de 2011? Il s’agira dans un premier
temps de dresser un tableau de la zone avant 2011, de revenir sur les bases du pouvoir arabe et
de remarquer des éléments nationaux, régionaux et internationaux qui se sont combinés en
2011.
Nous analyserons ensuite cette année 2011, en tant qu’année de rupture, avant d’établir
un bilan de la recomposition du monde arabe.
Qui sont les arabes ? un monde bien vaste
La présence, sur une espace vaste, de populations liées par une langue, une religion, et une
histoire donne une impression d’homogénéité aux sociétés d’Afrique du Nord, du Levant et
du Golfe, mais ces critères d’homogénéité sont contredits par une multitude de divisions.
Cette homogénéité fragile est représentée par de nombreux facteurs : tout d’abord par un
monde arabe ou n’habitent pas que des arabes.
En effet, on peut trouver dans ce monde de
multiples zones non arabes ou des zones de mélanges avec d’autres groupes ethniques.
Même
si leur conversion à l’islam et aux mœurs arabes sont fréquentes, de nombreuses minorités
vivent dans cette région avec une identité et des revendications fortes, comme c’est la cas des
kurdes, représentés par quelques 25 à 30 millions d’habitants, vivant entre la Turquie, la Syrie
l’Iran et l’Irak.
De plus, ce flou ethnique est renforcé par une multiplicité dialectiques,
creusant un peu plus ce fossé entre populations arabes.
Chaque pays, voire chaque région
dispose d’un ou plusieurs dialectes.
L’identité arabe se nourrit de référents historiques,
notamment issus de l’histoire de l’Islam, qui alimentent un récit fondateur.
Le lien entre
identité et politique résulte, dans l’espace arabe comme ailleurs, d’une relecture du passé qui
va contribuer à former un récit fondateur.
Ce récit exalte le souvenir des conquêtes arabes et
de la constitution de grands empires.
Mais l’attrait du souvenir de l’âge d’or de la civilisation
arabe est proportionnel à la frustration liée aux différentes périodes d’occupation ou
d’ingérences étrangères.
A l’exception du Yémen Nord, l’ensemble des territoires arabes a
connu une forme de domination ottomane et européenne.
L’espace arabe constituant à la fois
un carrefour commercial, une terre sainte, une zone d’accès stratégique d’accès à la
méditerranée et à l’océan Indien et un espace riche en matières premières, il fut dans son
histoire de nombreuses fois l’objet de conquêtes et de revendications.
Cette histoire de
domination étrangère alimente un sentiment de déclin, d’autant plus fort que les sept premiers
siècles qui ont suivis l’hégire s’étaient caractérisés par un grand essor intellectuel.
De grandes
villes rayonnaient sur l’espace arabe, à l’instar de Bagdad, Damas, Beyrouth… Les débats
intellectuels contemporains dans le monde arabe illustrent ainsi le ressenti d’un retard vis-àvis de l’Occident.
Les identités arabes se sont en partie façonnées à travers une réaction
existentielle à un « autre » occidental.
Selon le critique syrien Georges Tarabichi, la zone vit
de manière tragique sa « blessure anthropologique » née du « choc de la rencontre avec
l’Occident ».
I)l’hiver arabe : l’univers politique à l’aube des révolutions
A) les projets d’unification arabe : la nahda
La zone a été traversée à partir de la fin du XIXème siècle par une effervescence culturelle et
politique appelée la nahda, ou « renaissance arabe » (1).
Coïncidant avec un projet de nation
arabe, ce réveil réformateur a nourri des revendications d’indépendance et d’unité des
populations arabes face aux colonisateurs.
Issus de cette nahda, nationalisme arabe et
islamisme constituent deux courants hétérogènes qui ont structuré l’action de la plupart des
groupes politiques de la zone.
Mohamed Abduh (1849-1905), principal théoricien de la
nahda, la fait naitre dans l’empire ottoman et exprime en premier lieu un rejet de
l’administration ottomane.
Le processus de transformation forcée entrepris par le sultan
Abdelhamid Ier est accompagné par la création de groupes de réflexion sur l’état de l’Empire.
Cependant, Abdelhamid II met fin à ce mouvement de réforme, sans pour autant détruire la
vague intellectuelle lancée.
En 1868 ; Ibrahim El Yazigi créé un groupe de réflexion syrien,
essentiellement composé de chrétien, qui réclame le renouveau de la littérature arabe
classique.
Leur cible première est la langue turque.
Ils estiment qu’en l’éliminant, il est
possible de retrouver les fondamentaux de la gloire passée des arabes.
Les sociétés secrètes se
multiplient à la fin du XIXème siècle et contribuent à l’essor intellectuel nationaliste.
A
travers leurs leurs activités, ils font l’éloge de la nation arabe et de sa grandeur dans le monde.
La nahda ouvre également de nombreux débats.
Elle voit par exemple émerger un riche
mouvement féministe arabe, dont l’une des caractéristiques est qu’il est porté tant par des
femmes que par des hommes.
Qasim Amin (1863-1908) publie en 1899, la libération de la
femme, ouvrage dans lequel il conteste que le voile soit une obligation coranique.
Ainsi, l’unité politique est vue comme une solution contre la domination.
La rencontre
d’intellectuels de confessions différentes dans le cadre de la lutte contre la colonisation
facilite le développement de courant laïcs.
Cette image laïque des courants panarabes
s’explique par le fait que la formation panarabe la plus aboutie fut le parti Baas
(« résurrection » en arabe).
Fondé en 1944 par deux syriens, l’un chrétien orthodoxe, l’autre
musulman sunnite.
L’unité par l’islamisme est également une option pour d’autres acteurs :
contrairement aux nationalistes qui ont tenté des synthèses réformistes en limitant le facteur
religieux à un élément d’unité, les courants islamistes....
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