Les peuples et le régime dans l'Empire russe
Publié le 02/02/2022
Extrait du document
«
Les peuples de l’Empire russe/de l’URSS et le régime (milieu XIXe – 1941)
Au XIIIème siècle, la Russie kiévienne (Rous’) dont le pouvoir était assuré par les princes scandinaves
depuis le IXème siècle chute sous l’effet des invasions mongoles menées par l’Empire asiatique de Gengis
khan ; dès ses origines, la Russie se caractérise par de nombreux mélanges et accommodements entre
différentes cultures.
Il faut cependant attendre le XV ème siècle et l’émancipation définitive du « joug tatar »
pour que Moscou porte la continuité du destin russe et devienne un véritable « empire multiethnique »
(A.Kappeler).
A la fin du XIXème siècle, l’Empire russe rassemble, en plus des territoires de l’actuelle
fédération de Russie, les provinces baltes, l’Ukraine, la Biélorussie, une partie de la Pologne, les peuples du
Caucase et une importante partie de l’Asie centrale.
La coexistence entre les peuples de cette véritable mosaïque de cultures et de religions pose
nécessairement la question de leur relation avec le pouvoir central, censé exercer une autorité unificatrice sur
la totalité de l’Empire.
Le terme de « régime » renvoie à l’organisation politique, économique et sociale d’un
État ; l’ensemble des institutions immatérielles qui le composent et l’organisent s’incarnent, au milieu du
XIXème siècle, dans la personne sacrée du tsar.
C’est en effet par l’omniprésence de sa figure que les
peuples peuvent avoir une connaissance plus ou moins nette du régime.
Le pluriel du mot « peuples » invite
à s’interroger sur sa potentielle polysémie.
Le terme peut à la fois désigner une communauté d’êtres humains
unis par une même culture et une même origine géographique (on retrouve alors le sens d’empire
multiethnique) mais aussi l’ensemble des personnes soumises aux mêmes lois et formant une nation,
autrement dit le plus grand nombre opposé aux classes dirigeantes.
Entendus de cette façon, les nombreux
« peuples » ne renvoient pas simplement à diversité ethnique des allogènes mais aussi à la réalité d’un
groupe social majoritaire composé de paysans - et dans une plus petite mesure d’ouvriers - unis par des
conditions de vie et de production similaires.
Ces populations en grande partie analphabètes lors de l’époque
tsariste n’avaient souvent qu’une conscience floue et lointaine du régime en raison des grandes distances
séparant le centre, lieu du pouvoir, des campagnes proches jusqu’aux périphéries isolées de l’Empire.
Les
décisions imposées verticalement par un régime obscur oscillant entre respect des coutumes locales et
russification autoritaire ne trouvaient que peu de résonnances dans l’esprit des peuples, peinant à se projeter
plus loin que l’échelle locale, et plutôt attachés aux conditions matérielles de leur vie quotidienne comme le
montrent les révoltes paysannes en faveur de l’abolition du servage.
La conjonction de coordination invite à s’intéresser aux éventuels points de contact – aussi bien
qu’aux points de rupture – entre le régime assuré par une élite et les peuples de l’Empire russe puis de
l’URSS.
Surtout, se questionner sur la façon dont les peuples vivaient le régime suppose de proposer une
« histoire d’en bas », alternative à « l’histoire des gens du haut », appréhendée à travers la vie quotidienne
des gens ordinaires, envisagée sous le prisme de leurs croyances, de leurs valeurs et de leurs luttes.
Comment les différents peuples percevaient-ils le régime à l’échelle locale et par quels moyens ce dernier
composait-il avec les grands espaces afin de multiplier les occurrences dans leur quotidien ? En quoi la
diversité des peuples illustre-t-elle la complexité et la singularité des rapports à un gouvernement perçu
comme un symbole brumeux et lointain mais cependant omniprésent dans la réalité des populations à travers
la violence et les ordres qu’il impose ?
I.
Maintenir la cohésion des peuples autour de la figure sacrée du tsar (milieu XIXe – 1914)
A.
Laisser subsister les particularismes des différents peuples
La priorité des tsars n’est pas de former un État-nation russe qui produirait une souveraineté citoyenne mais
de garantir la cohésion autour de leur personne sacrée d’un empire multiethnique.
Pas de linéarité : cela se.
»
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