Les ligues : extrême droite et anti-parlementarisme manifestent pour réclamer un État fort et énergique
Publié le 23/03/2019
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En ce jour de février 1934, défilant derrière leurs drapeaux, béret vissé sur la tête et arborant décorations et parfois uniformes, les ligueurs d'extrême droite de ces années 30 teintées d'inquiétudes et de lourdes déceptions, affichent leur volonté d'agir directement, dans la rue. En rangs serrés derrière leurs chefs, ils expriment leur dégoût pour la république parlementaire et manifestent en quête d'un État énergique apte, selon eux, à résoudre les problèmes du moment.
Depuis des heures, le 6 février 1934, les ligueurs d'extrême droite, aux cris d'« A bas les voleurs » manifestent devant la Chambre des députés. Non loin, les communistes sont également présents. L'exaspération est à son comble quand claquent les premiers coups de feu. Les ligues, dont la rue est le terrain de prédilection, défilent, paradent, depuis une dizaine d'années. Pourtant, leur histoire n'est pas nouvelle. Il faut chercher ses racines à la fin du xix\" siècle.
Nées entre 1880 et 1900, ces ligues ne sont pas l'apanage de la seule extrême droite (la Ligue des Droits de l'homme était à gauche). Elles traduisent une volonté populaire de s'exprimer directement, en dehors des élus, dont la légitimité même est contestée, particulièrement à chaque période de crise.
Dans les années 30, les ligues deviennent une vraie spécialité de l'extrême droite. Celle-ci mobilise et a beau jeu de dénigrer le système politique parlementaire, en montrant du doigt les scandales financiers (Stavisky, Marthe Hanau, Oustric) qui touchent un État jugé trop faible. Point commun de ces ligues : elles ne sont pas des partis, donc ne cherchent pas l'accession au pouvoir par les élections. Antisémites et antiparlementaires, elles affichent une organisation militaire avec uniformes, insignes, milices et culte du chef. Privilégiant l'action directe de masse et de rue, elles attirent aussi nombre d'activistes prêts à tenter l'aventure du coup d'État.
Si l'arrivée au pouvoir du fascisme italien exerce une fascination certaine sur les plus extrémistes, les causes de l'expansion ligueuse se trouvent d'abord dans le contexte français. Nationalisme et patriotisme, aux lendemains de la Grande Guerre, sont amalgamés. La notion d'Union sacrée, issue de l'idéal des anciens combattants, l'exaspération populaire face à un État jugé impuissant et aux mains de soi-disant profiteurs, le chômage, sont autant d'ingrédients propres à favoriser l'antiparlementarisme et la prise en main de l'exécutif par un pouvoir autoritaire issu d'un coup de force.
Maurras et l'Action française. Les résultats des élections jouent également un rôle fondamental. Ainsi, en 1924, l'arrivée au pouvoir du Cartel des gauches suscite des inquiétudes dans les milieux de droite qui craignent une contagion internationaliste. La dégringolade du franc face à la livre est considérée comme une vexation, les anciens combattants s'estiment oubliés.
Simultanément, l'Action française, au faîte de son influence, s'agite. Déterminante après la guerre, son influence sur les milieux étudiants catholiques et sur la bourgeoisie s'amenuise avec sa condamnation par le Vatican en 1926. Créée en 1898 par Maurice Pujo et Henri Vaugeois, elle dispose d'un journal et Charles Maurras, son penseur et théoricien, lui distille sa doctrine monarchiste.
«
Brassard
Croix-de-Feu
L'esprit ancien combattant.
Autre
ligu e, par ticul ièrement active, celle des
Croix-de-Feu, créée en 1927.
Elle tient une
place essentielle dans ces années
mouvementées et montre le rôle éminent
des anciens combattants.
Le colonel de La
Rocque structure l'association, l'ouvre aux
enfants des com battants, puis à ceux qui
com muni ent dans un idéal clairement
affiché de défense de la patrie.
Culte du
chef, activisme des Volontaires nationaux,
goût des parades et des célébr ations,
don nent une apparence fascisante au
mouvement qui, toutefois, demeurera
toujours légaliste.
A preuve, le 6 février 1934, alor s que
certa ines ligu es ont pu croire que le
pouvoir vacillant était à portée de main, La
Rocque et ses Croix-de-Feu, en se dis sociant
de la man ifesta tion, refusent l'extrémisme.
D'au tres mouvemen ts ont des desseins
bien plus redoutables en s'organisant en
société secrète.
C'est le cas de La Cagoule,
créée en 1935 par Eugène Deloncle à
parti r de la scission d'une section des
Camelo ts du Roi de l'Action française.
Cette organisation terroriste, armée par
l'I ta lie et structurée militairem ent, est
respon sable d'attentats meurtriers (à
l'É toile et au siège du patronat en 1937)
et d'exécu tions (les frè res Rosse lli,
op posa nts à Mu ssolini ).
En 1937, le
minis tre de l'Intérieur , Mar x Dormo y,
dénonce le complot de la Cagoule qui
préparait un putsch et des arrestations
s'ensuivent.
Les ligues dissoutes.
1936, les ligu es sont
jugées dangereuses pour la république.
Après l'interd iction des organ isations
par amili taires, elles sont finalement
dis soutes par le Front populair e.
Les Jeun
esses patrio tes de Pierre Taittinger
chois issent alors de se transformer et
deviennent le Parti républicain, national et
français.
Au même moment, le colonel de La
Rocque, abandonnant l'esprit de la ligue,
décide d'entrer dans le jeu parlementaire
et cherche à acquérir une respec tabilité
politique.
Il crée, à partir des Croix-de
Feu, le Parti Social Français.
Sa formation
devient rapidement la plus importante de
la droite, attirant même les modé rés.
Avec le PSF , qui joue le rôle de
rasse mble ur, les conservateurs disposent
désormais d'une structure qui ne fait pas le
jeu de l'extré misme et de la tentation
fasciste.
Pris entre deux feux, La Rocque
est atta qué de toutes parts.
l'Ac tion
française le poursuit de sa haine et la
gauche le dénon ce comme un fasciste
camouflé en démo crate.
La réponse
viendr a en 1940, quand La Rocq ue
sou tiendr a Péta in mais refusera la
collab oration.
Il sera déporté en 1943.
Un autre parti voit le jour en cette
année de nais sance du Front populaire,
celui de Jacques Doriot, ancien élu commu
niste de Sain t-Denis qui, viran t d'un extrê
me à l'a utre, crée le Parti Populaire Fran
çais (PPF).
Il sera un ténor de la collabo
ration et l'un des fondateu rs, pendant la
guerr e, de la Lég ion des volontai res
français contre le bolchevisme (LVF).
Ainsi, le temps des ligues s'est achevé.
La légal ité issue des urnes l'emporte sur
le s mouveme nts activis tes tentés par
l'a ction de rue menant à la conquê te du
pouvoir.
L'extrême droite se restructure
paradoxalement en créant des partis.
Elle
les combattait pourtant, et poursuivait les
parlementair es de ses diatribes acerbes.
En juin 1940, avec l'effondrement du
pays, le maréc hal Péta in est appelé au
pouv oir.
Rompant avec la tradition
ré publi caine, il lanc e la Révo lution
nationale qui s'avère être une politique
d'e xtrême droite, contre-ré volutionnaire.
Travail, famille, patrie, notions exaltées par
les ligues, remplacent alors liberté, égalité,
frate rnité sur le frontispice de l'État
français.
Jacques Doriot à la tribune au cours d'un meeting du Parti Populaire Français à Marseille,
le 27 juill et 1936
95.
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