Les foires de champagne 1180-1320
Publié le 12/03/2024
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Qui aujourd’hui croirait que les départements de l’Aube et de la Seine et Marne, faisant
partie de la Champagne, ont été un jour le centre névralgique de l’économie européenne durant
plus d’un siècle? Certainement peu de monde, et pourtant c’est ce que nous allons essayer de
démontrer ce matin en évoquant les foires de Champagne de 1180 à 1320.
A cette période, les foires se dé nissent en quelque sorte comme de grands marchés de
vente en gros à date xe sur un même lieu, organisés à l’occasion d’une fête religieuse et qui sont
relativement long (allant de 3 à 6 semaines).
Ces événements essentiels dans la vie économique
occidentale médiévale se retrouvent partout en Europe, et connaissent leur essor, pour la
Champagne en tout cas, à partir de la n du XIIe siècle jusqu’au début du XIVe siècle.
En e et,
avec une relative stabilisation de la société, le XIIe siècle est marqué par une augmentation
massive de la production agricole et un développement de l’artisanat, accroissant dès lors la
quantité des produits commerciaux et permettant donc la multiplication de ces foires dont les
traces remontent, pour certaines en Champagne, jusqu’à l’Empire Romain.
On en retrouve alors
en Allemagne, en Italie, ou même en Suisse, mais les plus importantes et les plus célèbres sont
en France, et plus précisément dans l’espace champenois.
Cette région du Nord-Est de la France
est idéalement située, à savoir au coeur des routes liant les pays du nord de l’Europe à ceux du
monde méditerranéen.
Elle est donc, à cette époque, le véritable carrefour commercial de
l’Occident, surtout grâce à son important maillage de foires qui se suivent et s’étalent sur toute
l’année, créant un cycle quasi permanent.
Elles ont lieu à Lagny en janvier-février, à Bar sur Aube
en mars-avril, à Provins en mai-juin, à Troyes en juillet-aout, à Provins encore en septembreoctobre, et à Troyes à nouveau en novembre-décembre.
La plupart du temps, elles sont situées à
l’écart de la ville, près d’un établissement religieux, et se déroulent selon un schéma en 3 étapes,
de durée plus ou moins longue selon la foire, mais d’environ 52 jours dans la région étudiée.
La
première étape est vouée à ce qu’on appelle la montre, c’est-à-dire l’exposition des
marchandises venues de toute l’Europe.
Cette montre est suivie de la vente, des di érentes
transactions, avec parfois des jours réservés à chaque type de marchandises comme ce qu’on
appelait la hare du drap en Champagne.
En n, la dernière étape est elle consacrée aux
règlements, aux paiements réciproques, ainsi qu’aux opérations de change.
Il s’agira alors de comprendre le développement puis l’apogée et en n le déclin des foires
champenoises sur la période étudiée, marquée avant tout par une forte internationalisation, les
marchands de ces grands marchés venant en e et de toute l’Europe a n d’acheter et de vendre
des produits en tout genre, des fourrures de Russie en passant par les épices orientales.
De plus,
ce développement s’est traduit par une institutionnalisation croissante des foires, un phénomène
grandement favorisé par les souverains locaux qui ont précocement compris leur intérêt capital,
puis par les rois de France lors du rattachement de la principauté à la Couronne en 1284.
Il faudra
donc comprendre la nature des di érentes activités réalisées durant ces événements, à la fois
monétaires, commerciales et nancières, mais aussi leurs auteurs ainsi que leurs motivations.
Ainsi, nous nous demanderons comment les foires de Champagne sont devenues le pôle
principal des échanges économiques de l’Occident au XIIIe siècle avant de progressivement
décliner au XIVe siècle.
Dès lors, nous nous concentrerons tout d’abord sur la politique volontariste des comtes
champenois, permettant cette prospérité, avant d’analyser dans un deuxième temps l’essor
international des foires de Champagne.
En n, nous évoquerons leur déclin progressif aux
explications autant diverses que débattues.
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I- L’importante contribution des comtes champenois
La politique volontariste des comtes champenois a été essentielle dans l’essor des foires de
Champagne.
Premièrement, ils ont octroyé d’importants avantages attractifs aux marchands, et
ce sera notre grand A, et ont cherché à garantir la sécurité de ces négociants lors de leur voyage,
ce qui sera l’objet de notre grand B.
En n, une volonté de sécuriser les transactions, vitale pour
les foires, a été traduite par les gardes des foires, ce que nous verrons dans notre grand C.
A- des marchands favorisés par des avantages attractifs
Comme évoqué précédemment, les comtes de la région ont vite compris l’intérêt économique
que pouvaient susciter les foires, et ont donc tout fait pour les encourager et les développer.
En
e et, ils ont cherché à réglementer ces événements, déjà avant les bornes chronologiques de
l’exposé, avec des franchises, des règlements, des concessions, etc., jusqu’à faire de la région le
grand pôle des échanges économiques européens.
Cette politique volontariste et libérale de la
dynastie champenoise a alors débuté avec Thibaud II en 1140 jusqu’à Henri III en 1174, avant que
les rois de France prennent le contrôle du comté.
Dès lors, a n de favoriser l’installation des
marchands venus de toute l’Europe à Troyes, Provins, Bar sur Aube ou Lagny, de nombreux
avantages leur ont été octroyé, dont notamment l’autorisation du prêt à intérêt, pourtant interdit,
ou l’exemption de nombreuses taxes.
Il est par exemple possible de citer les taxes serviles sur les
terrains où furent bâti des logements et locaux marchands, mais aussi la taille, ainsi que les
tonlieux ou les banalités qui furent abolis ou considérablement limités.
Ils n’avaient également pas
à payer de droits de représailles ou de marque, ni de droit d’aubaine et d’épave, leur permettant
dès lors de jouir d’un cadre scal généreux.
D’avantage que de favoriser l’essor économique de la région, ces mesures s’expliquent par le fait
que les foires de Champagne constituaient les principaux revenus du comte, nécessitant donc un
libéralisme politique de sa part pour favoriser la venue des marchands.
Ainsi, l’essor des foires est
intimement lié à la croissance du pouvoir de la dynastie champenoise, qui, par les di érentes
taxes et droits, s’octroyait de confortables revenus.
De plus, les souverains ont également cherché à garantir la sécurité des commerçants lors de leur
voyage, a n de favoriser le développement de ces événements, comme nous allons désormais le
voir.
B- La nécessaire protection des voyageurs par les conduits
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Cette garantie de sécurité lors du périple s’est traduite par le moyen du conduit.
A n de
comprendre leur utilité, il est important de mentionner que la durée moyenne d’un voyage pour un
commerçant lombard était d’environ 5 semaines.
Cela représentait donc pour eux un danger,
ayant en e et avec eux marchandises et monnaie, bien que la plupart privilégiait le trajet groupé
en caravane.
Ce qu’on appelait les conduits leur donnait alors la possibilité de se rendre aux
foires en toute sécurité avec une escorte armée ou une lettre de sauf conduit, tant à l’aller qu’au
retour, et leur permettait de se voir accorder une indemnisation en cas de perte subie.
La
protection des marchands était ainsi assurée par l’établissement de cet équilibre de services et
d’intérêts entre ces derniers et les souverains, le conduit n’étant en e et pas gratuit.
Ces sauf
conduits étaient initialement valables sur toute l’étendue des terres comtales, mais les comtes de
Champagne sont parvenus à les faire respecter même en dehors des frontières du comté.
Cette
assurance était donc d’une grande e cacité, d’autant plus qu’en 1209 Philippe Auguste met en
place le conduit royal, sécurisant d’avantage les voyageurs, car tout tort causé à leur encontre
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était juridiquement considéré comme un lèse majesté.
Ce conduit a par ailleurs élargit le
rayonnement des foires.
De plus, la con ance dans les foires passait également par une sécurisation des transactions, ce
que nous allons désormais analyser.
C- Les gardes des foires ou la sécurisation des transactions
La sécurité des transactions est une condition vitale pour la viabilité des foires, nécessitant ainsi,
de la part des comtes, l’instauration d’une police des foires a n de contrôler la légalité,
l’honnêteté et le bon déroulement des transactions et des di érentes opérations économiques.
C’est pourquoi ont été mis en place en 1174 les gardes des foires, une fonction publique souvent
con ée à des bourgeois puis à des fonctionnaires royaux à partir de 1284, et qui s’est développée
progressivement tout au long du XIIIe siècle pour devenir, in ne, une véritable juridiction au nom
du comte puis du roi.
Ils ont pris le rôle du comte et des autorités ecclésiastiques qui pendant
longtemps tranchaient les litiges entre marchands.
Ces gardes veillaient alors à la bonne
exécution des contrats et poursuivaient donc les débiteurs défaillants, jusqu’à les menacer
d’interdiction de se rendre aux foires (« défense des foires »), ce qui correspond, selon l’historien
Robert Henri Bautier, à une sorte d’excommunication laïque pour les marchands.
Par....
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