Les années cinquante ou le temps des anticipations - 1950 à 1959 : Histoire
Publié le 13/12/2018
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Les années cinquante ou le temps des anticipations
Comme l’Ancien Testament le Nouveau, les années cinquante préfigurent la fin du millénaire. Détente, regain de la foi en la liberté, naissance de -'Europe communautaire, avènement de la Ve République, remise en question des dogmes, explosion démographique, révolution technologique, décollage des économies occidentales, mondialisation des échanges, début de la conquête de l’espace, apparition du rock, du blue-jean et même, timidement, du planning familial : comment n'être pas frappé par l'abondance, à la charnière du siècle, des signes annonciateurs de notre actuel présent ?
Au 1er janvier 1950, les humains sont deux milliards et demi, soit moitié moins qu'aujourd'hui et un peu plus de deux fois leur nombre de 1850. Les « lendemains qui chantent » promis à la Libération se font attendre. Les plaies de la dernière guerre ne sont pas refermées qu'a surgi la peur d'une autre, mille fois pire puisque nucléaire. Le monopole atomique qui a permis aux États-Unis de « contenir » l'URSS pendant quatre ans est condamné, depuis qu'en juillet 1949 celle-ci a expérimenté sa première bombe A. Dès janvier 1950. Truman croit reprendre l’avantage en mettant en route la fabrication d’une bombe H équivalant à 200 Hiroshima. Mais Moscou l'aura vite rattrapé.
C'est sur cette toile de fond apocalyptique que retentit le 25 juin 1950 le coup de tonnerre de l’invasion de la Corée du Sud par celle du Nord et de l'intervention des États-Unis, bientôt suivie, lorsque la situation militaire se sera renversée, de celle d'une Chine depuis un an aux mains des communistes. Le commandant en chef américain. McArthur. préconise le recours à l’arme atomique. Il est destitué. Des pourparlers d'armistice s'engagent. Mais il faudra la mort de Staline, véritable ligne de partage des eaux de la décennie, le 5 mars 1953. pour que cessent enfin des combats qui auront fait près de deux millions de morts.
L'un des effets de cette guerre chaude dans la guerre froide aura été de répandre l'idée que le même scénario pourrait se reproduire en Europe. Or les hommes manquent pour arrêter le « rouleau compresseur » d’une URSS qui n'a guère démobilisé. Les États-Unis ne voient qu’une solution : faire appel aux ennemis d'hier. Ils contraignent le Japon à violer la clause de non-réarmement qu'ils l'avaient forcé à inscrire dans sa Constitution. Ils se raccommodent avec Franco. Ils font pression sur leurs alliés de l'OTAN pour obtenir la levée de contingents ouest-allemands.
Cinq ans auparavant, les vainqueurs du Reich avaient juré de le démilitariser pour toujours. Ée choc est profond dans les opinions, surtout en France. Mais un cadre est là : celui de la Communauté charbon acier (CECA), ébauche de fédération européenne lancée le 9 mai 1950 par Jean Monnet, Robert Schuman et Konrad Adenauer, pour arrimer la République fédérale à l'Ouest, mettre fin à l’éternelle querelle franco-allemande, et rendre à l’Europe, sur les ruines des nationalismes qui l’avaient saignée à blanc, son poids et son prestige passés. Pourquoi, disent les pères fondateurs, ne pas créer sur le même modèle une Communauté de défense (CED) qui ferait faire un nouveau pas dans la construction de l'Europe, et permettrait de réarmer les Allemands sans pour autant réarmer i’« Allemagne » ?
Avec l’appui des communistes, les partisans d’une « Europe des patries » à la de Gaulle se déchaînent contre la CED. Le débat ne sera finalement tranché qu’après la mort de Staline, c'est-à-dire dans un climat international profondément transformé.
A peine le corps du généralissime a-t-il été envoyé à l’embaumeur en effet que se sont succédé les signes de « dégel ». Des centaines de milliers de zeks sont sortis de cet « archipel du Goulag » dont Soljénitsyne révèle l’étendue à une opinion médusée. Les procès qui ensanglantaient jusqu'aux plus hautes sphères du parti, en URSS et dans les pays de l'Est, sont arrêtés. Il en va ainsi pour commencer de celui des médecins, juifs pour la plupart, que le roi Lear du Kremlin soupçonnait, dans sa paranoïa sénile, de vouloir attenter à ses jours. Beria, grand exécuteur de ses basses œuvres, est abattu par ses pairs. C’est le premier épisode de la lutte pour la succession du dictateur, qui s'achèvera par la victoire deux ans plus tard de Nikita Khrouchtchev, personnage haut en couleurs, faraud et fruste, aux antipodes des impassibles apparatchiks de l’« Empire du froid ». En attendant, le Kremlin multiplie les gestes de nature à rassurer l'Occident. L'armistice de Corée est signé dès le 27 juillet 1953. Il facilitera l’ouverture d’une triple négociation entre les Grands. Sur l’Allemagne, qui n'aboutira à rien. Sur l’Autriche, qui conduira en 1955 à la proclamation de sa neutralité et au départ des troupes d'occupation. Sur l’Indochine, enfin, pour mettre fin à la guerre qui oppose depuis 1946 à la France les indépendantistes communistes du Viêt-minh.
«
En
mai 1954, la chute de Dien Bien Phu, le refus des États-Unis
d'interve nir, entraînent l'arrivée au pouvoir de Pierre Mendès
France, qui n'a cessé depuis des années de dénoncer les incohérences
de la IV République.
L'accord auquel il aboutit après des semaines
de négociations acharnées laisse face à face deux Viêt-nam trop
opposés pour que la paix, entre eux, puisse durer bien longtemps.
PMF s'attaque, dans la foulée, au dossier de la CED.
Mais il ne peut
faire entériner par les Alliés le compromis qu'il a élaboré
et l'Assemblée nationale repousse le traité.
La détente aidant, elle
acceptera l'année suivante une solution voisine de celle dont personne
ne voulait cinq ans plus tôt :l'entrée dans l'OTAN d'une République
fédérale réarmée sous commandement américain.
Ainsi se trouvera
figée, sans que Moscou en conçoive trop de déplaisir, la triple division
de l'Allemagne, de l'Europe et du monde.
En tout cas, Malenkov ,
éphémère successeur du« génial père des peuples », n'a pas perdu de
temps pour abjurer le dogme lénino-stalinien de la guerre inévitable
entre « eux » (les impérialistes) et« nous » (les communistes).
L'apaisement des relations Est-Ouest coïncide avec la soudaine
accélération de la décolonisation.
Ancienne colonie italienne, la
Libye devient indépendante en 1951.
1954 voit la reconnaissance
de l'autonomie interne de la Tunisie et du Maroc qui accéderont deux
ans plus tard à la pleine souveraineté, et le début de la guerre
d'Algérie qui va entraîner dans un climat passionnel la chute
de Mendès France.
En avril 1955, le tiers monde -l'expression
est due à Alfred Sauvy, par référence au tiers état de l'Ancien Régime
- découvre sa force à Bandoung, en Indonésie, sous la quadruple
houlette de l'Indien Nehru, de l'Égyptien Nasser, chantre
du panarabisme, du Yougoslave Tito, champion du «non-alignement »,
auquel Khrouchtchev vient de présenter des excuses pour
l'excommunication prononcée contre lui par Staline, et du Ghanéen
Nkrumah, qui llnnonce -très prématurément -l'avènement
imminent des Etats unis d'Afrique.
1956 marque la dernière année
de la diplomatie de la canonnière : hantés par le souvenir de
Munich, le Britannique Eden et le Français Guy Mollet s'associent
avec l'Israélien Ben Gourion pour monter une expédition destinée
à faire mordre la poussière à un raïs égyptien coupable d'avoir
nationalisé le canal de Suez et de soutenir aussi bien les rebelles
algériens que les fedayin, les terroristes palestiniens infiltrés en Israël.
A cette époque il n'y a plus de présence coloniale en Asie.
La Grande-Bretagne aux prises, au Kenya, avec sa guerre d'Algérie, s'apprête
à étendre à l'ensemble de ses possessions africaines
la politique d'émancipation qu'elle a mise en œuvre au Ghana.
Et les possessions françaises d'Afrique ne demeureront pas longtemps
au sein de la « Communauté » instituée par le référendum de 1958.
Une page de l'Histoire est tournée, « l'Homme blanc » dépose
le fameux « fardeau »qu'il s'était si longtemps enorgueilli
de porter .
Une région fait exception : le Proche-Orient, dont les
hydrocarbures sont indispensables à une économie désormais entrée,
grâce au stimulant des crédits Marshall et de la construction
européenne, dans l'ère de la croissance accélérée.
Déjà, en 1952,
la nationalisation du pétrole iranien par Mossadegh avait montré
que l'Occident n'était pas dans ce domaine à l'abri de mauvaises
surprises.
Mais la CIA avait ramené le Chah qui s'était enfui à Rome,
et tout était rentré dans l'ordre.
Nouvelle alerte en 1956 avec
la fermeture, pendant la crise de Suez, du canal par où transitaient
les tankers.
Cette fois de bons esprits mesurent le péril.
Jean Monnet
et Louis Armand lancent le plaidoyer en faveur de l'énergie nucléaire
d'où est né, en même temps que le Marché commun, l'Euratom.
Mais on se ;assurera trop vite.
Et l'on ne prête pas assez attention
au coup d'Etat qui, en juillet 1958, met fin au protectorat du
Royaume-Uni sur l'Irak...
et ses pétroles.
Il fau t dire qu'à l'époque la tension a repris en Europe.
1956 n'a pas ét� seulement en effet l'année de Suez, mais celle
de Budapest.
A l'origine, le rapport secret de Khrouchtchev ,
au xx:e congrès de son parti, sur les crimes de Staline.
Ses révélations,
qui filtrent partout, amènent les populations de Hongrie
et de Pologne, saoulées de mensonges, de persécutions et de
misère, à secouer le joug de l'occupant.
M.
« K » ne parvient pas
à empêcher l'arrivée au pouvoir à Varsovie de Gomulka, à peine sorti
de la prison où il avait été envoyé pour« titisme ».
Les Magyars
se soulèvent.
Conduits par Imre Nagy, qui paiera son audace
de sa vie, ils décident à la fois de revenir au multipartisme et de sortir
du pacte de Varsovie.
La brutalité de l'intervention soviétique ne fait pas que tuer dans
l'œuf leurs espoirs.
Elle coupe court à ce qui aura constitué la
première « détente » entre l'Est et l'Ouest.
D'autant plus que ,,_, __ ____________________________ _.
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