L'EMPIRE COLONIAL ITALIEN: De Massaouah à El-Alamein, en passant par Adoua et Addis-Abeba
Publié le 08/11/2018
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Troubles en Somalie
• En Somalie, les Italiens sont confrontés depuis 1889 à un mouvement religieux qui nourrit le nationalisme somali. Son chef, Sayyid Muhammad Hasan, appelle au djihad pour contrer le prosélytisme chrétien. Ses troupes mènent des actions de guérilla contre les forces britanniques et italiennes stationnées dans la région. L'Italie accorde finalement à Sayyid Muhammad Hasan un territoire dans la Medjourtine, une région située dans le nord de la Somalie italienne. Des affrontements sporadiques dureront jusqu'à la mort du chef somali en 1920.
UN RÊVE INABOUTI
À partir de 1876, six ans après l'achèvement de son unité, l'Italie se lance dans une politique étrangère ambitieuse. Réactivant le souvenir de l'Empire romain, elle rêve d'un domaine colonial qui ferait d'elle une grande puissance et permettrait d'accueillir les nombreux habitants du Mezzogiorno qui fuient la pauvreté de leur région. Deux hommes politiques jouent un rôle majeur dans l'aventure coloniale italienne, Francesco Crispi, nationaliste passionné et père de l'impérialisme italien, et Benito Mussolini, le Duce fasciste, pour qui la puissance et la domination doivent se traduire par une expansion territoriale.
LES PREMIÈRES TENTATIVES COLONIALES
L'Assab
1869
• L'ouverture du canal de Suez donne à la mer Rouge et aux littoraux
qui bordent la corne de l’Afrique une importance commerciale et stratégique nouvelle. La compagnie maritime génoise, Rubattino, achète des territoire sur les rives du golfe d'Assab, en mer Rouge.
1870
• Partant de ce comptoir, la Société de géographie italienne organise une expédition scientifique sur
les hauts plateaux érythréens.
1878
• L'Italie s'engage dans une politique étrangère active. Elle se rapproche de l'Allemagne et participe au congrès de Berlin sur les Balkans. Rome n'obtient aucun engagement des grandes puissances quant
à ses prétentions sur la Tunisie, la Tripolitaine ou l'Albanie.
• Bismarck, le chancelier allemand, l'encourage toutefois dans sa politique méditerranéenne, à la fois pour l'éloigner d'une alliance avec la France et pour qu’elle accepte
le sacrifice des provinces irrédentes et les avantages territoriaux que l’Autriche-Hongrie est en train de se tailler dans les Balkans.
La Tunisie
1881
• Depuis 1878, les relations franco-italiennes ne cessent de se dégrader à propos de la Tunisie. Ce dernier pays est dirigé par un bey indépendant, quoique vassal de l’Empire ottoman.
• Sur le plan économique, Tunis est très lié à Rome ainsi qu'à Paris et à Londres. L'Italie y multiplie
les investissements depuis les années 1870 ; elle implante des réseaux d'écoles catholiques et y envoie ses migrants venus du Mezzogiorno. Environ 20 000 Italiens vivent en Tunisie contre seulement quelques centaines de Français.
• Craignant la mise en place d'un protectorat, le président du Conseil français, Jules Ferry, prend de vitesse les Italiens et envoie un corps expéditionnaire en Tunisie, imposant ainsi un protectorat français au bey de Tunis, par le traité du Bardo.
1882
• En guise de riposte, l'Italie se réconcilie avec l’Autriche-Hongrie et conclut une alliance avec cette dernière et l'Allemagne, la Triplice.
• Son rêve tunisien déçu, Rome tourne ses ambitions vers la mer Rouge.
Le gouvernement italien rachète à la compagnie Rubattino ses droits sur le territoire d'Assab qui devient ainsi, après l'accord de la Grande-Bretagne et malgré les protestations du khédive d'Égypte, la première colonie italienne.
LA CONQUÊTE DE l'ÉRYTHRÉE ET DE LA SOMALIE
L'Érythrée
1885
• Encouragé par Londres, et en dépit des protestations ottomanes, Rome envoie un corps expéditionnaire de 15 000 hommes occuper le port de Massaoua, en Érythrée.
• À partir de cette place forte, les Italiens s'enfoncent dans l'arrière-pays érythréen, région revendiquée par l'Éthiopie, dans le but de relier Massaoua à Assab et d’occuper l'hinterland de leur colonie.
1887
• Une colonne d'environ 500 soldats italiens est massacrée par des troupes éthiopiennes de l'empereur Johannès, dans le défilé de Dogali, en Érythrée. Cet épisode provoque une grande émotion en Italie. Des funérailles nationales sont organisées et
un monument est érigé, à Rome, à la mémoire des « Cinq Cents ».
• Depuis la défaite d'Adoua,
les journaux et revues nationalistes se multiplient en Italie. Des intellectuels comme Enrico Corradini font évoluer la pensée nationaliste, prétendant que la nation n'est plus le fruit de l'histoire et le résultat d'un libre choix des hommes, mais une valeur suprême qui s'impose aux hommes. Cette vision mystique de la nation se nourrit du darwinisme social, qui oppose les nations prolétaires comme l'Italie, obligées de se battre pour subsister, aux nations riches et conservatrices, comme la France, la Grande-Bretagne et l'Autriche.
* Ce nationalisme de puissance,
qui prône le retour à un impérialisme colonial, est notamment exalté par l'Association nationaliste italienne (ANI), dont Corradini dirige le journal, l'Idea Nazionale. L'ANI exhorte le gouvernement de Giovanni Giolitti à s'imposer en Méditerranée et en Afrique, et notamment à s'emparer de la Libye. Cette expansion est considérée comme nécessaire pour effacer l'humiliation d'Adoua et permettre un nouveau Risorgimento italien.
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LA MOIIltE DU NATIOIIAUSME 1!110 • Depuis la défaite d'Adoua, les journaux et revues nationalistes se multiplient en Italie.
Des intellectuels comme Enrico Corradini font évoluer la pensée nationaliste, prétendant que la nation n'est plus le fruit de l'histoire et le résultat d'un libre choix des hommes, mais une valeur suprême qui s'Impose aux hommes .
Cette vision mystique de la nation se nourrit du darwinisme sodal, qui oppose les nations prolétaires comme l'Italie, obligées de se battre pour subsister, aux nations riches et conservatrices, comme la France, la Grande-Bretag n e et l'Autriche.
• Ce nationa lisme de puissance, qui prône le retour à un impérialisme colonial, est notamment exalté par l'Association nationa liste italienne (ANI), dont Corradini dirige le journal, /'Jdea Nazionale.
l'ANI exhorte le gouvernement de Giovanni Giolitti à s'imposer en Méditerranée et en Afrique, et notamment à s'emparer de la libye.
Cette expans ion est considérée comme nécessaire pour effacer l'humiliation d'Adoua et permettre un nouveau Risorgimento italien.
LA TRIPOLITAINE 1911 • la deuxième crise marocaine précipite les événements.
Craignant que l'Italie soit mise à l'écart d'un nouveau partage de l'Afrique du Nord, le gouvernement de Giolitti envoie un ultimatum au gouvernement turc, mettant en cause sa capacité à assurer l'ordre en Tripolitaine.
• Ignorant la réponse conciliante d'Istanbul, l'Italie envoie en Tripolit11ine un corps expéditionnaire de 36 ooo hommes qui s'empare :.lla\; ;.311:1 sans grande difficulté de Tripoli.
Homs.
Benghazi et Tobrouk.
Ces villes littorales sont mal défendues par des garnisons réduites dont la marine italienne a coupé les voies d'approvisionnement qui les reliaient à l'Empire ottoman.
• les forces turques dirigées par Enver Pacha et Mustapha Kémal organisent toutefois une résistance acharnée à l'extérieur des villes conquises par les Italiens.
Elles reçoivent le renfort d'une puissante confrérie
1912
religieuse, la Sanûsiyya, et de son chef spirituel, Ahmad ai-Sharîf, qui parvient à mllbiliser les tribu s 11r11bes .
•
À la suite de leurs succès initiaux, les Italiens ne parviennent pas à remporter de victoires décisives .
Pour forcer les Turcs à se retirer, l'Italie porte la guerre au cœur de l'Empire ottoman en occupant les fles du Dodécanèse et en attaquant le détroit des Dardanelles .
• Sous la pression des grandes puissances , l'Empire ottoman signe le traité de paix de lausanne.
Il ne remet pas la souveraineté de ces territoires aux Italiens , mais s'en retire en leur accordant l'Indépendance .
• la Sanûsiyya poursuit sa résistance , constituant un gouvernement et menant la lutte contre l'occupant au nom de la souveraineté islamique .
• À Rome est formé un ministère des Colonies qui est chargé de mettre en valeur les nouve lles acquisitions italiennes.
1913 • À la veille de la Grande Guerre , l'armée italienne a partie llement conquis l a Tripolitaine.
le Feuan, dans le sud, et la Cyrénaïque , dans l'est.
sont toujours aux mains des libyens .
1!114 ·1918 • Dura n t la guerre, les Italiens, dont le plus gros des troupes combat sur le front autrichien, sont repoussés des villes côtières de Tripolitaine et bien prêts, en 1917 , de perdre la région.
• l'année suivante, les libyens , encouragés par ces victoires, créent deux États, la République de Tripolitaine et l'Émirat de Cyrénaïque .
1919 • À l'issue de la guerre , l'Italie reconnaît l'existence de ces deux États et leur accorde le droit d'avoir un Parlement la colonie italienne se limite alors à la zone côtière .
• Les Italiens se sentent trahis par les Alliés lors de la signature des traités de paix.
Ils estiment que les promesses que leur ont faites les Britanniques et les Français en échange de leur entrée en guerre n'ont pas été respectées .
Les Italiens ont certes obtenu le maintien de leurs possessions dans le Dodécanèse, mais pas la Dalmatie ni les compensations coloniales escomptées dans l'ancien empire allemand.
1922 • la Tripolitaine et la Cyrénaïque se const ituent en Union politique sous la direction d'Idris ai-Sanoûsi , chef de la confrérie .
LA POLITIQUE IMPÉRIALE DE MUSSOLINI
• Sitôt arrivé au pouvoir, Benit11 Muss11lini entreprend de réaliser le projet impérial échafaudé par Crispi .
Sa quête de puissance se nourrit à la fois du mythe de l'Empire romain et du souvenir amer de la u victoire mutilée » de 1918 .
• Mussolini commence par mettre un terme à la politique libérale appliquée en Libye.
Il charge le proconsul
Giuseppe Volpi et le général Rodolfo Cr11zi11ni , à la tête d'une puissante armée , d'achever l'occupation l>ii...,.
..,. ..J du pays .
lEs PRO V INCE S LIBYENNES 1!124 • l'Ita lie achève la conquête de la République de Tripolitaine.
Celle-ci a été facilitée par les dissensions d'une part entre les chefs de clans , et d'autre part entre Arabes et Berbères.
l'armée italienne poursuit sa progression vers le sud en vue d'occuper le Feuan.
Cette région ne tombera qu'en 1930, à la suite de bombardements massifs et de l'emploi de gaz de combat.
• la résistance demeure très active en Cyrénaïque .
l'armée italienne érige un barrage de barbelés de 300 km le long de la frontière égyptienne afin d'interdire toute aide extérieure .
Elle occupe les oasis et déporte les populations rurales dans des camps en vue de priver la résistance d'appui logistique .
Plus d'une centaine de milliers de personnes mourront de famine et de maladies dans ces camps .
Près de 90 % du cheptel libyen sera décimé au cours de cette guerre .
1!131 • la résistance prend fin avec l'arrestation et l'exécution du chef militaire de la Sanûsiyya , Umar ai-Mukhtar.
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1!132 •le gouverneur Pietrll B11doglio annonce officiellement que la libye est conquise et occupée.
gouverne le maréchal n1110 B11lbo .Les investissements italiens se multiplient au profit de l'Industrie textile et alimentai re, des infrastructures routières et ferroviaires et surtout de la colonisation agricole .
• Mussolini entend faire de la Libye une colonie de peuplement destinée à accueillir le trop plein démographique du Meuogiorno .
les colons reçoivent des lots de terres ainsi qu'une aide financière et technique contre une partie de leur production.
Le projet prévoit l'installation de 300 000 colons en vingt-cinq ans.
Cet objectif ne sera pas atteint : 90 000 Italiens vivent en libye en 1939, dont les deux tiers résident dans les villes de Tripoli et de Benghazi.
• En Somalie, l'instauration du travail forcé et la levée d'un impôt direct sur les cases permettent d'approvisionner en main-d'œuvre les grandes plantations tenues par les Italiens .
LA CONQUÊTE DE L'ÉTHIOPIE
VEN CEI ADOU A 1934 • Le grand projet de Musso lini reste la conquête de l'Éthiopie, à la fois pour venger la désastreuse défaite d 'Adoua et afin de doter l'Italie d'un véritab le empire colonial.
le traité d'amitié signé en 1928 entre les deux pays masque d ifficilement les visées coloniales italiennes.
Méfiant leNrgus s'oppose à la pénét ration économique - - ---' "' de l'Italie.
• Un échange de tirs à la frontière entre la Somalie italienne et l'Éth iopie constitue le p r étexte à l'épreuve de force militaire .
Les de~x pays saisissent la SDN dont ils sont membres.
N'osant prendre position en faveur d'un petit pays contre un État puissant celle-ci nomme une commission d'arbitrage.
LA GUERI E 1935
• Le 3 octobre, une 11rmée de 200 000 hommes appuyée par des chars d'assaut et par l'aviation pénètre en Éthiopie à partir d'Adoua et de Mogadisdo.
En dépit de bombardements intensifs et de l'usage de gaz asphyxiants, les Italiens, qui se heurtent à la résistance acharnée des Éthiopiens, piétinent.
• Mussolini envoie 300 000 hommes en renfort.
la SDN dénonce enfin l'agression italienne et vote des sanctions économiques qu'aucun pays n'applique afin de ne pas desservir ses intérêts .
l'attitude de la SDN a pour effet d'exacerber le sentiment national italien et de souder la nation autour du Duce.
• De son côté, l 'Allemagne nazie apporte son soutien aux Italiens.
1!136 • Addis-Abeb11 tombe aux mains des Italiens le 5 mai après de violents bombardements .
le Négus se réfugie à londres .
le 9 mai, le roi Victor Emmanuellll est proclamé empereur
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DU
d'Éth iopie et Mussolini annonce la naissance de l'A~ it11lienne , qui regroup e l'Éthiopie, l'Éryth rée et la Somalie.
• La SDN rejette la demande du négus de ne pas reconnaître la conquête italienne ; elle vote finalement la levée des sanctio n s contre l'Italie .
Cette complaisance ne suffit pas à faire reve nir l'Italie dans le concert des nations.
LA FIN DE L'EMPIRE COLONIAL
LA CUEI H EN LIBYE 1!140 • l'Afrique du nord devient u n des fronts militaires d u second conflit mondial.
l'armée italienne lance, à partir de la libye, une offensive su r l'Égypte que les Britanniques arrêtent Ceux-.
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