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Le mouvement hippie: LA TENTATION DE L’ORIENT

Publié le 02/12/2018

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LA TENTATION DE L’ORIENT
 
En mars 1965, la jeunesse américaine se trouve brutalement confrontée à la menace d’une guerre dont les causes et l’enjeu lui échappent totalement : les premiers marines viennent de décoller pour le Viêt-nam, et bientôt cet Orient qui évoquait encore pour beaucoup l'image d’un paradis exotique va devenir pour les parents un enfer d’où leurs enfants risquent de ne jamais revenir. Mais sur les campus verdoyants des universités va se développer en quelques mois une formidable résistance à la fatalité de la guerre et de la violence en général. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, toute une génération conteste en bloc l’héritage parental, dans les milieux et les pays réputés les plus «civilisés». En quelques années, elle élabore spontanément une contre-culture qui laisse totalement désemparé le monde des adultes, tant ses héros lui apparaissent comme des marginaux et ses valeurs — liberté sexuelle, drogue, non-productivité et antimilitarisme — de véritables perversions. Pourtant, le mouvement hippie qui en est alors l’expression la plus radicale apparaît, avec le recul, beaucoup moins comme une révolution que comme un retour aux modèles encore vivants d'une civilisation antérieure aux sociétés industrialisées. C’est qu’au moins dans sa phase originelle, les références de ce Flower Power sont moins historiques que géographiques: Indiens des États-Unis et du Mexique et surtout Indiens de l’Inde ou plus généralement héritiers d’une pensée orientale qui insiste partout sur la connaissance du moi profond et sur l’harmonie de l’homme avec la nature...
 
 
 
A DEUX PAS D’HOLLYWOOD...
 
Nous sommes en 1960, au Centre de Recherches sur la Personnalité de l’université Harvard qui compte depuis quelques mois un psychologue peu ordinaire : Timothy Leary a 38 ans, il est d'origine
 
irlandaise; il a été marqué par le catholicisme mais s'est converti à l’hindouisme. D'autre part, un voyage au Mexique l'a amené à s'intéresser à l'usage des drogues locales — peyotl, mescaline — comme mode d'exploration et d'expression de la vie intérieure. Avec son collègue Metzner et un groupe d'étudiants volontaires, il entreprend une série d'expériences comportant des prises de psilocybinc, puis de LSD 25 (une sorte de mescaline de synthèse). Ils organisent un symposium sur «le contrôle de l’esprit humain» et lancent pour baptiser leur théorie le terme «psychédélique». À la même époque (1961), ils rencontrent celui qu'ils considèrent comme leur précurseur: le célèbre philosophe anglais Aldous Huxley, Californien d’adoption qui proclame de son côté que «certaines drogues peuvent développer, repousser, élargir les limites de la pensée humaine», et dont les yeux aveugles ont aussi franchi «les portes de la perception» grâce à la découverte successive de l'Inde, du Népal et... de la mescaline!
 
L'année suivante, Leary fait une deuxième rencontre décisive pour l'éclosion du mouvement hippie : celle des poètes de la «beat génération». William Burroughs, Gregory Corso, Lawrence Ferlin-ghetti, Allen Ginsgerg, Jack Kerouac, Gary Snydcr vivent pratiquement en communauté à North Beach où, entre deux «joints», ils font l’exégèse des soutra bouddhiques ou de la Baghavad Gîta. La côte californienne est d'ailleurs devenue une «porte de l'Orient» comparable à ce qu'étaient jadis Venise ou Constantinople; à cette différence près que l'Orient y serait plutôt, géographie oblige, un «extrême Occident» d'autant plus familier que dans la pittoresque Chinatown (immortalisée par Polanski) le théâtre chinois et les fêtes de rue bouddhistes sont devenus les spectacles favoris des intellectuels en quête d'exotisme. C'est donc de cette Californie de plus en plus «pacifique» que va partir un message repris en quelques années par toute la planète, souvent édulcoré en mode superficielle..

« LA TENTATION DE I.:ORIENT.

Avant tout pacifiste, le mouvement hippie rejoint les manifestations contre la guerre du Viêt-nam.

Ci-contre: des étudiants immolent des poupées au cours d'une de ces manifestations sur le campus de l'université de Wisconsin en 1968.

© Associated Press LA TENTATION DE t:ORIENT.

Pratique du yoga et contemplation de la nature.

© Burk Vzzle · Magnum décembre 1965, libéré sous caution, puis réincarcéré le 16 avril 1966.

Quelques mois auparavant ont été fondées, en Californie et aux envi­ rons de New York, les premières communautés «hippies»1• LE «POUVOIR DE LA FLEUR» À cette époque, malgré ou à cause du triomphe matérialiste de l'«American Way of Life», les États-Unis connaissent une crise d'identité profonde qui se traduit par un spectaculaire renouveau spi­ rituel: en 1926, 46 % des Américains se déclaraient adeptes réguliers d'une religion; en 1966, ils sont 64 % ! En marge des grandes Eglises chrétiennes et du judaïsme principalement new-yorkais, huit millions de personnes se reconnaissent dans les multiples sectes -mormons, amishes, témoins de Jehovah, etc.

-prônant tout à la fois le retour à la nature (les amishes refusent même l'électricité et toute forme de mécanique) et le refus de toute intégration sociale y compris du ser­ vice militaire.

Parallèlement à ces tentatives de retour au christianisme primitif, l'intérêt pour les religions orientales n'a cessé de se déve­ lopper, encouragé par l'influence des philosophes américains de la Concord Valley, du végétarien Henry Thoreau (1817-1862) comme de Ralph Emerson (1803-1882), propagandiste de la Baghavad Gîta.

Mieux, l'idée d'un syncrétisme entre christianisme, bouddhisme et hindouisme fait son chemin: en témoigne le succès des théories farfe­ lues de Notovitch et de Roedrich pour qui la longue pé!iode de la vie du Christ (de 17 à 32 ans) passée sous silence par les Evangiles s'ex­ pliquerait par un voyage en Inde! Plus sérieusement, l'ésotériste ar­ ménien Gurdjieff (surtout par l'intermédiaire de son disciple Ous­ pansky) a trouvé aux États-Unis de nombreux adeptes, et le grand architecte Frank Lloyd Wright, qui a connu cet énigmatique person­ nage lors de son séjour remarqué à New York (en 1924), résume ainsi la force de son message: «Dans son œuvre et dans sa pensée, pour la première fois l'Occident rencontre vraiment l'Orient.» Mais en fait, c'est bien par le mouvement hippie qu'est attestée historiquement l'intrusion détonnante dans l'univers judéo-chrétien de la pensée orientale.

Car ses adeptes ne seront pas une poignée d'illuminés, mais des millions de jeunes du monde entier ...

C'est le 19 septembre 1966 qu'est officiellement fondée à New York la League of Spiritual Discovery, tandis qu'en Floride Ar­ thur Klebs crée la Neo American Church.

Trois semaines plus tard, le 6 octobre, a lieu au Golden Gate Park de San Francisco le premier des grands «love-in», rassemblement hippie qui réunit près de trente mille personnes.

Amour libre, prières, séances de méditation se pratiquent désormais à l'air libre et les vapeurs du haschisch, de la marijuana et de l'encens se dissipent au son de musiques très diverses que les hippies adoptent d'instinct comme les leurs : rock planane, free jazz et LA TENTATION DE I..:ORIENT.

Le mouvement hippie nait notamment de la rencontre avec les écrivains de la beat generation.

Ci-dessus: Allen Ginsberg, l'un des principaux chantres de ceue «école».

©P.

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P.S.

musique hindoustani3• Quelques jours plus tôt, le 21 septembre, a eu lieu à la frontière franco-suisse la première. »

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