LE DÉPART DU GÉNÉRAL DE GAULLE
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
Lettre de démission du général de Gaulle à M. Félix Gouin, président de l'Assemblée constituante (21 janvier 1946).
« Monsieur le Président,
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire connaître à l'Assemblée nationale constituante que je me démets de mes fonctions de président du Gouvernement provisoire de la République.
Depuis le jour même où j'ai assumé la charge de diriger le pays vers sa libération, sa victoire et sa souveraineté, j'ai considéré que ma tâche devait prendre fin lorsque serait réunie la représentation nationale et que les partis politiques se trouveraient ainsi en mesure d'assumer leurs responsabilités.
Si j'ai accepté de demeurer à la tête du Gouvernement après le 13 novembre 1945, c'était à la fois pour répondre à l'appel unanime que l'Assemblée nationale constituante m'avait adressé et pour ménager une transition nécessaire. Cette transition s'est aujourd'hui réalisée.
D'autre part, après d'immenses épreuves, la France n'est plus en situation d'alarme. Certes, maintes souffrances pèsent encore sur le peuple français, et de graves problèmes demeurent, mais la vie même des Français est pour l'essentiel assurée. L'activité économique se relève. Nos territoires sont entre nos mains. Nous avons repris pied en Indochine. La paix publique n'est pas troublée.
A l'extérieur en dépit des inquiétudes qui subsistent, l'indépendance est fermement établie. Nous tenons le Rhin. Nous participons au premier rang à l'organisation internationale du monde, et c'est à Paris que doit se tenir au printemps la première conférence de la paix. En me retirant, j'exprime le vœu profondément sincère que le gouvernement qui succédera à celui que j'ai eu l'honneur de diriger réussisse dans la tâche qui reste à accomplir pour assurer définitivement les destinées du pays.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération. «
(Année politique 1946, p. 529.)
Questions :
1° Le tableau économique, social et diplomatique brossé par de Gaulle en ce début de 1946 vous paraît-il correspondre à la réalité?
2° Quelles sont les raisons invoquées par le Général pour justifier sa démission? N'y avait-il pas d'autres justifications ou arrière-pensées?
3° Quelles étaient les conceptions du général de Gaulle et des principaux partis politiques (P.C., S.F.I.O., M.R.P.)
face au projet de Constitution?
«
1.
L' « activité économique se relève »
2.
« L'indépendance est fermement établie »
II.
Les divergences entre de gaulle et les partis
A.
De Gaulle face aux partis politiques
1.
La prépondérance des trois grands partis
2.
Les éléments de conflit politique
B.
Les débats sur le projet de Constitution
Conclusion : une démission qui ne signifie pas un retrait de la vie politique.
Développement
Introduction
La lettre adressée le 21 janvier 1946 par le général de Gaulle au président de l'Assemblée constituante Félix Gouin nefait que confirmer une démission qui est déjà connue depuis la veille, lorsque le chef du Gouvernement Provisoire aannoncé sa décision aux ministres réunis pour la circonstance.
Le général de Gaulle exprime officiellement les raisonsqui l'amènent à quitter ses fonctions : il considère que sa tâche est terminée.
Il n'apparaît donc dans cette lettreaucun motif d'ordre politique, et cela surprendra dans la mesure où les semaines qui ont précédé cette démissionont été marquées par des divergences notoires entre de Gaulle et les grands partis politiques.
On peut alors se demander quelles sont les autres justifications et arrière-pensées du Général, et pourquoi il n'a pasjugé bon d'en faire état publiquement.
I.
La démission du général de gaulle
A.
Les circonstances
Après avoir passé quelques jours sur la Côte d'Azur, le général de Gaulle convoque le conseil des ministres ledimanche matin 20 janvier.
C'est pour annoncer sa décision d'adresser au Président de l'Assemblée une lettre dedémission.
Selon les témoignages qu'il a lui-même rapportés dans le troisième tome de ses « Mémoires de guerre »,les ministres sont plus tristes qu'étonnés.
Ils s'attendaient sans doute à ce départ dont Maurice Thçrez - secrétairegénéral du parti communiste et ministre d'État - remarque qu'il ne « manque pas de grandeur ».
L'effet de surprise provient donc des conditions dans lesquelles le général de Gaulle démissionne.
La rapidité relativeavec laquelle les trois grands partis vont s'entendre pour former un nouveau gouvernement - dirigé justement parFélix Gouin, auquel le Général adresse sa lettre de démission - montre bien que ce départ était plus ou moinsattendu.
C'est d'ailleurs ce que laisse entendre le Général lorsqu'il affirme avoir toujours considéré que sa tâchedevait prendre fin une fois « réunie la représentation nationale », c'est-à-dire l'Assemblée constituante.
B.
Les raisons invoquées
Le général de Gaulle considère qu'il peut se retirer dans la mesure où les objectifs qu'il s'était assignés sontdésormais atteints.
1.
« L'activité économique se relève ».
• Le tableau brossé en quelques expressions de caractère général est optimiste : « La France n'est plus en situationd'alarme ».
Il est vrai que des progrès ont été réalisés depuis l'été 1944, alors que l'état économique du pays étaitcatastrophique.
Les ruines dans les villes ont été déblayées, le réseau ferroviaire a été remis en service avec desmoyens provisoires, la production charbonnière reprend.
Des réformes de structure ont été entreprises : nationalisation des usines Renault, des houillères du Nord et du Pas-de-Calais.
Une des dernières décisions du gouvernement provisoire présidé par de Gaulle a été de mettre en placeun haut-commissariat au plan d'équipement et de modernisation.
Sur le plan social, les salariés bénéficient depuis 1945 de la sécurité sociale.
Des comités d'entreprise associent lepersonnel à la gestion.
• Il ne faut pas oublier cependant que si « la vie même des Français est pour l'ensemble assurée », elle reste très.
»
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