Le congrès de Vienne (1814-1815) Sur les ruines de l'empire napoléonien, la première grande conférence diplomatique internationale
Publié le 12/11/2018
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UNE EUROPE NOUVELLE
Le congrès de Vienne, destiné à prendre acte de l'échec de Napoléon en Russie, fut amené à tirer les conclusions de la défaite de Waterloo. Il a inauguré la mise en place d'un nouvel équilibre à l'échelle européenne et donné lieu à une forme de diplomatie préfigurant les « sommets » d'aujourd'hui. Prévu pour mettre en application les deux traités de Paris, il ne s'est réuni qu'une seule fois en séance plénière, l'essentiel des discussions consistant en des tractations directes entre négociateurs (souverains ou ministres des Affaires étrangères) à forte personnalité. Cette rencontre se déroula dans un cadre de fêtes ininterrompues. Dessinée sans le concours des populations, l'« Europe des princes » portait en germe les futurs soulèvements nationaux du milieu du xixe siècle.
LES RAISONS DU CONGRÈS DE VIENNE
La fin d'un empire
• Le 21 novembre 1806, pour répliquer au blocus maritime que l'Angleterre avait décidé contre tout navire français ou commerçant avec la France, Napoléon décrète, à Berlin, le blocus continental contre son adversaire. Il compte ainsi tenir le commerce anglais à sa merci, en interdisant à tout port européen d'importer des marchandises britanniques. Le traité de Tilsit (7 juillet 1807) voit s'associer le tsar Alexandre r de Russie et Napoléon, mettant fin à la quatrième coalition européenne contre la France. Mais, lors de l'année 1808, Napoléon doit intervenir pour empêcher la contrebande au Portugal et mater des insurrections espagnoles.
•En 1811, l'empire de Napoléon Ier regroupe 130 départements (des Pays-Bas actuels, au nord, jusqu'à Rome, au sud,
ainsi que la Corse et les provinces illyriennes). Six États dépendent de cet ensemble : les royaumes d'Espagne, d'Italie et de Naples,
L'EUROPE EN 1811
Empire français
États dépendants
États alliés
États indépendants
la Suisse, le grand-duché de Varsovie et la confédération du Rhin. En juillet, Napoléon autorise l'importation de marchandises britanniques d'origine coloniale, mais uniquement par les ports français qui les redistribuent dans le reste de l'Europe, au grand mécontentement des pays concernés. En particulier, la Russie dénonce dès l'année suivante le traité de Tilsit, car sa balance commerciale est devenue déficitaire essentiellement à cause du blocus. Elle redoute par ailleurs que Napoléon recrée le royaume de Pologne et l'empêche d'étendre sa domination en direction de Constantinople, capitale de l'Empire ottoman. Napoléon, quant à lui, nourrit le projet d'atteindre les Anglais dans leur empire des Indes à partir de la Russie ; la confrontation devient inévitable.
• Le corps expéditionnaire rassemblé par Napoléon pour envahir la Russie est qualifié de « Grande Armée des nations », car elle est constituée de recrues issues de tous les territoires de l'Empire. À l'issue de la sanglante et victorieuse bataille de Borodino (ou bataille de la Moskova), à l'ouest de Moscou, les troupes de l'Empereur entrent dans la capitale russe (14 septembre 1812).
Le 19 octobre, Napoléon, n'ayant pu amener Alexandre Ier à des négociations de paix, donne l'ordre à la Grande Armée d'évacuer la ville
• À la réunion de Chaumont (5-9 mars 1814), les Anglais refusent de céder aussi rapidement et récusent les propositions de Francfort. Face à la menace napoléonienne, la Prusse, la Russie, l'Autriche et l'Angleterre signent un pacte portant sur l'augmentation des effectifs des forces armées et sur l'interdiction de signer une paix séparée avec Napoléon. Par cette alliance, les quatre puissances s'arrogent le droit d’imposer leurs vues au reste de l'Europe.
• Le 15 mars 1814, Caulaincourt se voit opposer une fin de non-recevoir à ses propositions, qui s’appuient
sur celles de Francfort. Pour les alliés, les négociations sont terminées, et les troupes qu'ils ont amassées se ruent sur Paris.
L'effacement de Napoléon
• Le 31 mars 1814, les troupes des coalisés entrent dans Paris sous les applaudissements des monarchistes. Les alliés ont suivi les Anglais et opté pour le rétablissement des Bourbons, représentés par le comte d'Artois. Pour négocier en douceur le changement de régime, ils ont trouvé l'homme lige qui leur convient : Charles-Maurice
de Talleyrand-Périgord.
• Le 1er avril, le Sénat nomme un gouvernement provisoire, composé de cinq membres et dirigé par Talleyrand, qui fait adopter le lendemain la déchéance de Napoléon. Les maréchaux tentent de mettre en avant le roi de Rome, mais les vainqueurs ainsi que Talleyrand ont d'autres projets.
Le 6 avril, Napoléon abdique et cinq jours plus tard, par le traité de Fontainebleau (11 avril 1814), il est exilé sur l’île d'Elbe.
«
LE
PREMIER TRAITt DE PARIS
L'EUROPE APRÈS LE CONGRÈS DE VIENNE pour
qu'on applique l'article du traité À la fin du mois d'avril, des conventions 1--------------,...----,--...,--�------1
de
Paris stipulant que les puissances d'armistice ramènent la France à ayant
pris part au conflit participent
ses frontières de 1792.
Les troupes aux
discussions, en particulier la Suède,
étrangères se retirent du territoire le
Portugal et l'Espagne.
national tandis que les troupes les
Quatre, qui veulent poursuivre
françaises font de même dans les entre
eux les tractations concernant
régions rendues.
Ces décisions sont le
nouveau partage de l'Europe,
entérinées par un traité qui sera rédigent
un texte précisant que les Huit
signé le 30 mai, à Paris.
pourront
établir des communications
Un des articles de ce traité stipule que «
libres et confidentielles ».
toutes les puissances engagées dans le Talleyrand
se retrouve dans une position
confli� quel que soit leur camp, seront d'arbitre.
le tsar lui lait valoir que les
invitées dans un grand congrès qui doit autres
alliés se sont agrandis grâce aux
se tenir à Vienne dans les deux mois.
sacrifices
de la Russie et qu'il a intérêt
En réalité, les Quatre (Angleterre, à
appuyer une Russie comportant une
Autriche, Prusse et Russie) se sont mis partie
de la Pologne, de même qu'une
d'accord pour être les seuls à décider Prusse agrandie
d'une partie de la Saxe.
de l'avenir des territoires en question.
Talleyrand
écarte cette possibilité, car
La situation militaire tournant en leur le
roi de Saxe est un ami de la France
faveur, c'est une France sans Napoléon et
cousin des Bourbons.
li décide
et revenue dans ses frontières d'appuyer
l'Autriche en lui faisant
antérieures qui a la faveur des alliés.
--
limite de la Confédération germanique
dire qu'elle peut compter sur la France
f-------------"T'""-------------i et
sur les autres États allemands.
LES ACTEURS DU
CONGRÈS DE VIENNE
M11uricede Ttllleyrtlnd·
Périgord (1754-
1838) s'engage
dans les idées
portées par la Révolution et se trouve
en Angleterre lors de l'arrestation du
roi, en 1792.
De 1797 à 1807, il occupe
le poste de ministre des Affaires
étrangères et fait la connaissance des
futurs chefs d'orchestre du congrès
de Vienne.
En 1812, il conseille à
l'Empereur de négocier tandis qu'il
établit des contacts avec les royalistes.
Au cours des négociations qui précèdent
le congrès, il s1mpose comme médiateur.
de Napoléon,
puis ministre des Affaires étrangères
autrichien en 1809.
Fin
politique, Metternich craint qu'une
insatisfaction sur le sort de la Pologne
pousse la Prusse et la Russie à
s'intéresser à l'Autriche.
li tient donc
le rôle de modérateur lors du congrès.
CASTLEREAGH L'ADVERSAIRE
Le vicomte Castlereagh (1769-1822)
est le plus combatif des adversaires
de Napoléon.
Lors des discussions
précédant le congrès de Vienne,
il s'oppose aux concessions qui
pourraient laisser une trop grande
puissance à la France.
D'autant que
son pays, l'Angleterre, abrite les
deux héritiers du trône : le comte
de Provence et le comte d'Artois.
LA UNION DE VIENNE
LES FlTES DE VIENNE
Après vingt ans de guerre qui ont
bou -leversé l'Europe, l'annonce de la
conférence de Vienne fait affluer dans
le sillage des diplomates une vingtaine
de milliers d'étrangers comprenant
hommes politiques, journalistes,
aventuriers et demi-mondaines.
Vienne inaugure les futures grandes
réunions internationales et, le but
visé étant la paix sur toute l'Europe,
Metternich veut en faire un lieu
de réjouissances avec bals et fêtes.
Trois cents calèches sont affectées au
f--------------1 transport des personnalités.
Talleyrand,
en bon vivant, introduit comme
cuisinier le chef français Carême.
LA SAINTE-ALLIANCE
Pendant que les diplomates et les
politiques préparent le congrès
de Vienne, François Il d'Autriche,
Frédéric-Guillaume Ill de Prusse et
Alexandre 1" de Russie se réunissent
à Paris et signent un pacte « au nom
de la Très Sainte et Indivisible Trinité »
- le catholicisme, le protestantisme
et l'orthodoxie.
Il affirme que « les
préceptes de la justice, de la charité
chrétienne et de la paix [ ...
] doivent
avoir une influence immédiate dans
les conseils des princes et guider tous
leurs pas ...
».les Anglais (anglicans)
ne veulent pas s'y associer, pas plus
que le Vatican.
Pour les hommes
politiques de l'époque, la Sainte
Alliance, voulue par le tsar tombé
en religion, n'eut pas le rôle de la
Quadruple-Alliance (20 novembre 1815),
qui s'appuyait sur les délibérations
du congrès de Vienne.
les
discussions autour du problème
de la Pologne et de la Saxe traînant
en longueur, les fêtes se prolongent
pour occuper la société européenne
qui s'est déplacée.
LA POLOGNE ET LA SAXE EN QUESTION
la première réunion entre les Quatre a
lieu le 18 septembre 1814.
le sort de la
Pologne, qui a déjà été divisée en 1772,
1793 et 1795 entre ses trois voisins,
est au centre des débats.
Par ailleurs,
la cession de la Saxe à la Prusse doit
compenser la perte de territoires
polonais retirés au bénéfice de la Russie.
Alexandre 1" veut ainsi créer un grand
royaume de Pologne placé sous influence
russe, pour remplacer le grand -duché
de Varsovie reconstitué en 1807 par
Napoléon à partir de territoires pris sur
la Prusse, puis sur l'Autriche en 1809.
En repoussant les frontières jusqu'à
l'Oder, le tsar veut donner à son pays une
profondeur stratégique défensive
contre tout danger venant de l'ouest.
Pour Metternich, il faut opposer les
rivaux de l'Autriche (Russie, Prusse et
Angleterre) sur le thème du danger
que représente la France, et convaincre
cette dernière de renoncer à toute
nouvelle aventure sans toutefois cesser
de constituer un obstacle aux visées
anglaises.
Quant à la Russie et à la
Prusse, les jeter sur la Pologne semble
le meilleur moyen, pour Metternich,
de les éloigner de l'Autriche.
l'Anglais
Ct1stleret1gh a
une autre vision
des choses.
Il
veut contrecarrer
l'expansionnisme
russe en direction
de la Pologne en
favorisant une alliance entre la Prusse
et l'Autriche, avec l'aide éventuelle
de la France.
la division de la Pologne
lui paraît souhaitable pour éviter toute
agitation populaire et nationaliste
chez les Polonais sous domination
prussienne ou autrichienne.
l'idée d'accorder à la Prusse une partie
de la Saxe -dont le souverain avait pris
le parti de Napoléon -fait son chemin
chez les négociateurs.
Metternich n'y
voit pas d'objection car il pense que
l'Autriche et la Prusse doivent rester
proches, dans l'hypothèse d'une alliance
qui pourrait un jour associer une France
redevenue forte à la Russie conquérante.
---- En revanche,
pour l'empereur
d'Autriche
Fr•nrois Il
et son armée,
il n'est pas
question de
céder sur la Saxe.
HUIT DtLtGUtS AU LIEU DE QUATRE
Pour les quatre alliés, le règlement
des grands problèmes territoriaux doit
rassembler les Quatre et la France
(comité des cinq puissances).
Les questions secondaires n'intéressant
que deux pays peuvent être discutées
de manière bilatérale.
les problèmes
non territoriaux, comme la traite des
Noirs, peuvent être débattus en y
adjoignant les puissances intéressées
comme l'Espagne et le Portugal.
Talleyrand tient à ce que le congrès
s'appuie sur le droit.
Il argumente le
2 décembre 1814, les divergences
sont telles que le congrès ne peut
toujours pas se tenir en séance.
le tsar
finit par céder la Galicie orientale à
l'Autriche.
la Prusse réaffirme ses
intentions sur la Saxe, quitte à céder
d'autres portions de territoires à
l'Autriche.
le tsar propose de donner
une partie de la Rhénanie à la Saxe
pour compenser la fraction de son
territoire donnée à la Prusse.
Mais les
Autrichiens et les Anglais s'y refusent,
de crainte que le roi de Saxe ne forme
un ensemble avec la France.
Pour
mieux contrôler cette dernière,
ils préfèrent installer la Prusse
sur la rive gauche du Rhin.
le blocage restant complet, les
négociateurs acceptent la proposition
de Metternich de dissocier la Pologne
(dont la cause est entendue) de la
Saxe.
la Pologne sera divisée entre
la Russie, qui pourra constituer un
grand royaume de Pologne sous son
influence, et la Prusse, qui se contentera
d'une partie plus petite, tandis que
la ville libre de Cracovie est soumise
au protectorat collectif de la Russie,
la Prusse et l'Autriche.
le 28 décembre 1814, un premier
déblocage intervient avec la proposition
anglaise de créer une commission
des statistiques prenant en compte
les populations et leur importance
plutôt que les territoires.
Devant les menaces réitérée�· de
Hardenbergh, le négociate .
ur prussien,
Castlereagh signe le 3 janvier 1815
avec Talleyrand et Metternich un
traité secret d'assistance mutuelle
qui s'appuie sur le traité de Paris.
En réalité ni la Prusse ni la Russie ne
veulent la guerre, car elles ne sont pas
prêtes et n'ont pas les mêmes intérêts.
le 9 janvier, en compensation de
l'abandon des trois cinquièmes de
la Saxe, la Prusse obtient la Rhénanie,
au grand dam des Pays-Bas qui
espéraient agrandir leur royaume
de ce territoire à l'ouest du Rhin.
LE RETOUR DE NAPoLtON
•le 7 mars 1815 au matin, on apprend
que Napoléon a disparu de Ille d'Elbe.
les alliés envisagent aussitôt une
reprise des hostilités et renouvellent
l'alliance de Chaumont.
Chacun repart
chez lui pour lever des troupes.
• Le 20 mars, Napoléon reprend
le pouvoir à Paris.
C'est le début
des Cent-Jours.
Pendant
que les armées dans chaque
camp se reconstituen� à Vienne le
comité des cinq puissances intensifie
ses séances de travail et les
négociateurs apportent la touche finale
au découpage territorial de la Pologne,
de la Saxe, de l'Italie et du nord de
l'Europe.
la Prusse est installée « en
deçà » et sur la rive gauche du Rhin,
mais elle est coupée en deux par l'État
alleman d de Hanovre dominé par
l'Angleterre.
En revanche, dans le Nord,
le retrait de la Suède lui accorde les
territoires bordant la mer Baltique :
le Danemark abandonne la Poméranie
en échange du Holstein.
• Metternich, qui a sauvé une partie
de la Saxe, reste attentif à l'accès au
Danube.
Il veut utiliser les trente -neuf
É tats allemands pour contrebalancer
le pouvo ir de la Prusse, quitte à en
faire une sorte de confédération
sous influence autrichienne.
• En contrepartie de ses possessions
en Belgique, l'Autriche annexe la
Lombardie-Vénétie en Italie, ainsi que
l'Illyrie et la Dalmatie dans l'Adriatique.
• l'Angl eterre rend ses colonies, à
l'exception de la Guyane, Trinidad,
Tobago, Sainte-Lucie, Maurice et Ceylan.
Elle conserve Malte, Le Cap et Helgoland
au large de l'embouchure de l'Elbe.
• Pie VIl recouvre sa souveraineté
sur les États de l'Église.
• le congrès adopte une déclaration
en date du 8 février 1815 :la traite
des Noirs « répugnant aux principes
d'humanité et de morale universelle »,
les plén ipotentiaires s'engagent à
œuvrer à son abolition.
Le congrès
fait aussi une déclaration d1ntention sur
l'émancipation des juifs d'Allemagne,
ceux de France étant déjà citoyens
depuis la Révolution.
• le 9 juin 1815,
l'•ctr fin11l est
enfin signé.
C'est
un acte unique
séparés
pour chaque
question importante, car le danger
napoléonien menace toujours.
• le 18 juin 1815, Napoléon est battu
à Water lo o.
Il abdique le 22 juin,
c'est la fin des Cent -Jours.
les alliés
se retrouvent à Paris et leurs troupes
occupent le pays.
• le 16 octobre, Napoléon est proscrit
dans la possession anglaise de Sainte
Hélène, sous la garde nominale des
Quatre et d'un représentant français.
• Le second traité de Paris, le
20 novembre 1815, est très dur pour
la France.
Ilia laisse sans défenses
dans le Nord-Est où se trouvent des
villes dotées de places fortes (Tournai,
Philippeville, Sarrelouis, landau, etc.).
le nord du territoire se retrouve sous
occupation militaire alliée pendant
cinq ans et la France doit payer une
indemnité de 700 millions de francs.
Ailleurs, la Savoie est donnée au roi
de Piémont-Sardaigne.
le problème du
retour des œuvres d'art entraîne d'âpres
discussions.
C'est une France affaiblie
et amputée d'une bonne partie de son
territoire qui sort du congrès de Vienne.
les négociations ont entraîné un
partage de l'Europe ne prenant
nullement en considération les
aspirations des peuples qui y vivent..
»
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