L'ANGLETERRE VICTORIENNE
Publié le 05/02/2019
Extrait du document
Témoin privilégié de ces changements, le Londonien assiste à la fois aux débuts de l’«âge du chemin de fer» -célébré par l’Expo-sition universelle de 1851- et à la naissance d’un nouveau paysage politique.
Jadis gouvernée par les aristocrates, l’Angleterre opte désormais pour la monarchie constitutionnelle en s’appuyant sur le Parlement, constitué de représentants élus. Les partis s’organisent, en même temps qu’émergent des Tories conservateurs et des Whigs libéraux: les premiers sont dirigés par l’ambitieux Disraeli (1804-1881), les seconds par le très audacieux Gladstone (1809-1898). D’abord concédé aux bourgeois ÇThe Great Reform Bill, 1832), le droit de vote est finalement étendu, en 1885, aux ouvriers.
Devenu le plus grand port du monde, Londres reflète à merveille cette effervescence et cette richesse. Sur les quais affluent les marchandises du monde entier, et notamment des pays que l’Angleterre a annexés: ivoire d’Afrique, thés d’Asie... Tout en évitant de s’engager dans des conflits continentaux - la guerre de Crimée (1854-1856) fait figure d’exception-, l’Angleterre vit une drôle de paix, rythmée par une succession de guerres coloniales: elle s’approprie Chypre, le cap de Bonne-Espérance et les Indes, dont Victoria prendra, en 1876, le titre d’impératrice. Quant à la City le quartier des grandes affaires peint par Turner et Constable -les principaux peintres de l’époque victorienne avec les préraphaélites-, elle est la place forte des courtiers et des agioteurs, des banques et des bourses de commerce.
Une société clivée
Malgré ces incontestables réussites, l’Angleterre est confrontée à de sérieux problèmes sociaux. La logique de progrès engendre rapidement une série d’effets pervers et favorise le développement d’une société «à deux vitesses». D’un côté, la City et les bâtisseurs d’empires, la gentry
(noblesse) avec ses rendez-vous mondains et sportifs: la chasse, les courses, les bals, le cricket et l’aviron; de l’autre, le monde ouvrier, les prostituées et les mendiants, aux prises avec l’insalubrité et la famine.
Privée de toute sécurité d’emploi, victime de l’abondance de main-d’œuvre, la classe laborieuse -hommes, femmes et enfants- subit les contrecoups de la Révolution industrielle et s’é-
Tandis que les enfants de la bourgeoisie et de la noblesse jouissaient de la prospérité victorienne, les enfants d’ouvriers étaient souvent contraints de mendier ou de faire mille et un petits métiers.
Gissing, Dickens et Maugham se sont appliqués dans leurs romans à décrire cette misère.
▼ Une journée au Derby, 1850.
Les grandes courses de chevaux -Epsom, Woodford, Ascot-faisaient partie, avec les jeux de cricket, les bals et l’aviron, des rendez-vous obligés de la gentry.
L'ANGLETERRE VICTORIENNE
«
L'Angleterre
victorienne
mid-Victorian.
Témoin privilégié de ces change
ments, le Londonien assiste à la fois aux débuts
de l'« âge du chemin de fer" -célébré par l'Expcr
sition universelle de 1851 -et à la naissance d'un
nouveau paysage politique.
Jadis gouvernée par les aristocrates, l'Angle
terre opte désormais pour la monarchie consti
tutionnelle en s'appuyant sur le Parlement, consti
tué de représen.tants élus.
Les partis s'organisent,
en même temps qu'émergent des Tories conser
vateurs et des Whigs libéraux: les premiers sont
dirigés par l'ambitieux Disraeli (1804-1881), les
seconds par le très audacieux Gladstone (1809-
1898).
D'abord concédé aux bourgeois (The
Great Reform Bill, 1832), le droit de vote est finale
ment étendu, en 1885, aux ouvriers.
Devenu le plus grand port du monde, Londres
reflète à merveille cette effervescence et cette
richesse.
Sur les quais affluent les marchandises
du monde entier, et notamment des pays que
l'Angleterre a annexés: ivoire d'Afrique, thés
d'Asie ...
Tout en évitant de s'engager dans des
conflits continentaux -la guerre de Crimée
(1854-1856) fait figure d'exception-, l'Angleterre
vit une drôle de paix, rythmée par une succession
de guerres coloniales: elle s'approprie Chypre, le
cap de Bonne-Espérance et les Indes, dont Victcr
ria prendra, en 1876, le titre d'impératrice.
Quant
à la City, le quartier des grandes affaires peint par
Turner et Constable -les principaux peintres de
l'époque victorienne avec les préraphaélites-,
elle est la place forte des courtiers et des agio
teurs, des banques et des bourses de commerce.
Une société clivée
Malgré ces incontestables réussites, l'Angleterre
est confrontée à de sérieux problèmes sociaux.
La logique de progrès engendre rapidement une
série d'effets pervers et favorise le développe
ment d'une société «à deux vitesses".
D'un côté,
la City et les bâtisseurs d'empires, la gentry (noblesse)
avec ses rendez-vous mondains et
sportifs: la chasse, les courses, les bals, le cricket
et l'aviron; de l'autre, le monde ouvrier, les prosti
tuées et les mendiants, aux prises avec l'insalubri
té et la famine.
Privée de toute sécurité d'emploi, victime de
l'abondance de main-d'œuvre, la classe labo
rieuse -hommes, femmes et enfants- subit les
contrecoups de la Révolution industrielle et s'é-
Tandis que �
les enfants de
la bourgeoisie et
de la noblesse
jouissaient de
la prospérité
victorienne, les
enfants d'ouvriers
étaient souvent
contraints de mendier
ou de faire mille et un
petits métiers.
Gissing, Dickens et
Maugham se sont
appliqués dans leurs
romans à décrire
cette misère.
' Une journée au
Derby, 1850.
Les grandes courses
de chevaux -Epsom,
Woodford, Ascot
faisaient partie, avec
les jeux de cricket,
les bals et l'aviron,
des rendez-vous
obligés de la gentry.
puise
dans les mines.
La topographie de Londres
illustre bien le fossé qui se creuse entre les diffé
rentes couches de la populatio n.
Réservé aux ri
ches, le West End regorge de palais et de somp
tueuses demeures.
Les pauvres occupent les
slums, les taudis de l'East End.
Un tel contexte fa
vorise les révoltes.
Le pays traverse plusieurs pha
ses d'agitation «chartistes": des ouvriers s'insur
gent, revendiquant les droits essentiels inclus
dans la «Charte du peuple", élaborée par un
groupe d'ouvriers en 1838; toutes ces révoltes
échoueront.
Apeuré par la misère et la violence,
le bourgeois n'ose bientôt plus s'aventurer dans
sa propre ville.
Surnommée ((la grande Baby
lone" par Henry James, Londres tremble au récit
des meurtres de Jack l'Éventreur et des enquêtes
de Sherlock Ho lm es, le héros de Conan Doyle.
La fin de l'âge d'or
Victime de ses rêves de grande ur, l'Angleterre
s'affaiblit au fil des années.
Aux périodes dorées
de l'early- et du mid-Victorian, succède une ère
plus troublée, le /ate-Victorian.
Le titre d'impéra
trice des Indes -que la reine Victoria conserve
sur le conseil de Disraeli- ne parvient pas à
maintenir la suprématie britannique dans le
monde, contestée depuis 1875-1880 par les États
Unis, puis l'Allemagne.
Et, malgré la bonne santé
des industries alimentaire, navale et charbon
nière, le taux de chômage s'accroît et se pose de
manière toujours plus cruciale le problème ir
landais, déjà soulevé dans les années 1840.
Le succès des réformes et l'engagement au-
thentique de la reine dans la plupart des grandes
ffi questions contemporaines n'ont pas suffi à pan
! ser les plaies de l'Angleterre.
Saluée par un pro
� fond et véritable désarroi, la mort de Victoria, en
Î 1901, achève de signer la fin de cet âge d'or:
� l'âge des audaces et des conformismes, des utcr
� pies et des grands égoïsmes..
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